La vie obstinée de Wallace Earle Stegner

La vie obstinée de Wallace Earle Stegner
( All the little live things)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par THYSBE, le 24 novembre 2005 (Inscrite le 10 avril 2004, 67 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 300ème position).
Visites : 5 736  (depuis Novembre 2007)

Ce cher Joe !!

Voici tout à fait le style de roman dont je me délecte.
Je retrouve Joe Allston et sa femme Ruth déjà rencontrés dans « vue cavalière », et je dois dire que j’ai eu beaucoup de peine à refermer cet ouvrage. D’abord de par son dénouement, ensuite, devoir quitter ce cher Joe auquel, je vous l’avoue, je me suis attachée.
Je sais, Joe n’est pas toujours très sociable, c’est un vieil atrabilaire qui ne peut s’empêcher de dire ce qu’il pense, même s’il sait que cela ne va pas parler en sa faveur. Mais, que voulez-vous, il est comme ça et ce n’est pas à son âge qu’il transformera toute sa pensée qu’il a eu tant de mal à élaborer au bout de tant d’années. D’ailleurs ce n’est pas lui qui va mal, c’est cette société qui s’égare.
Il va vite s’en rendre compte quand un jeune étudiant construira une sorte de bivouac sur ces terres. Ce jeune, d’une manœuvre provocante, amènera Joe à accepter cette installation de fortune qui sera pour ce retraité, aspirant au calme de cette belle campagne, un sujet de remord pendant longtemps.
En même temps que s’installe cet énergumène qui lui rappelle trop son fils décédé d’un accident de sport il y a quelques années, et dont, il n’avait jamais réussi à communiquer avec lui, une famille aménage dans la maison des voisins qui vient d’être vendue. Un jeune couple avec une petite fille, dont la charmante maman attend un deuxième enfant, font la connaissance de Ruth et Joe au moment où celui-ci extermine un thomomys venu perturber ses plantations. Marian, avec toute la sensibilité d’une femme enceinte, tiendra tête aux arguments de Joe pour ne pas supprimer ce petit rongeur. De cet instant naîtra entre eux une complicité et une amitié indestructible, jusqu’à …
Jim Peck, le Thoreau comme aime le nommer Joe, sera un grand sujet de discorde avec le voisinage, car une « odeur » de secte s’installe autour de lui. De plus le voisinage n’évolue pas dans le même sens que l’avait souhaité Joe en venant s’installer ici pour sa retraite avec Ruth.
Joe est très ironique, c’est une manière à lui d’excuser sa constante acrimonie qu’il déploie sur l’être humain qui ne partage pas ses valeurs. On rit de bon cœur. Il aime avant tout la nature, mais pas de la même façon que Marian, Peck et son voisin tueur de pigeon.
Une vie presque banale, mais loin d’être apaisante.
Wallace Stegner a une écriture qui me touche, dont je savoure chaque mot pour faire durer le plaisir. Des rires, de la tendresse et même un moment j’ai pleuré, moment très douloureux de l’histoire, mais raconté avec noblesse.
Un peu de philosophie, de sagesse, une belle sonorité linguistique, ont trouvé une résonance dans mon coeur.

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Plus riche de ce chagrin

10 étoiles

Critique de Paofaia (Moorea, Inscrite le 14 mai 2010, - ans) - 14 janvier 2014

Je crois toujours que Wallace Stegner est un auteur à lire absolument... en tout cas, il me fait toujours autant de bien! J'y retrouve les descriptions de la nature ( ah, les jardins californiens...), la finesse d'analyse de sujets oh combien complexes que sont les conflits de générations, les rapports familiaux avec toutes leurs erreurs- et surtout tous leurs non-dits qui se perpétuent, tout cela sans aucun pathos, avec même de l'humour...

Donc, les deux volumes La vie obstinée et Vue cavalière sont à lire ensemble. A mon avis.
La Vie obstinée a été publié aux Etats-Unis en 1967 et Vue cavalière (qui a obtenu le National Book Award) en 1976. On y retrouve le même narrateur, Joseph Allston, un homme d'une soixantaine d'années, et sa femme Ruth, un vieux couple lié par une complicité et une tendresse remarquables.
Agent littéraire en retraite, Joe Allston et sa femme se sont retirés dans la campagne californienne, au sud de San Francisco. Comme Wallace Stegner.
Liens rompus avec le passé.. à voir. C'est leur entourage, en particulier deux personnages, un campeur un peu sans gêne et une jeune femme , Marian, qui aime la vie mais est en train de mourir, qui vont donner l'occasion à Joe Allston de voir plus clair en lui-même. Et cela rouvre sans cesse la même blessure que le temps n'a jamais vraiment guérie, la mort du fils et l'incapacité qu'a eue le père à lui manifester son amour, à trouver avec lui le moindre lien.
Cela n'a rien d'un roman ( ou un roman selon la définition de Philippe Forest..), c'est tout à fait autobiographique . Et déchirant de lucidité.

Vue cavalière se situe donc quatre ans plus tard. C'est la lecture par Joe à sa femme d'un journal entrepris, vingt ans avant, lors d'un voyage au Danemark sur les traces de ses origines , sa mère étant une émigrée danoise ( la rencontre avec la baronne Blixen est un régal, on est loin du sourire de Meryl Streep..);
C'est le temps de l'acceptation de ce qui aurait pu être et n'a pas été.
Comment se construit une vie.. le hasard bien sûr et d'abord. Et puis, un luxe, les choix. Et la dernière étape, pouvoir accepter de ne pas les regretter..
Bon, mon commentaire ressemble à de la philosophie pour les nuls, mais je vous promets que ce n'est pas du tout le cas de ces deux livres...

Même de son vivant, jamais son apologie d'un perfectionnisme biologique n'a pu me convaincre. Elle n'a jamais réussi à me persuader d'ignorer ou de simplement regarder comme des plaisirs âpres le mal que je ressens dans chaque rouille, charbon, nuisible qui infeste mon jardin- et que pour ma part je ressens comme un crapaud posé sur mon coeur. Songez à la force de vie, oui, mais songez aussi à la part de ténèbres qui s'y tient tapie . Il y a dans le lait de la baleine un élément qui annonce la souffrance et la mort.

Et alors? La flagrante évidence est admise, et puis quoi? Effacerais-je, si je le pouvais, Marian Catlin de ma conscience imparfaite? Renoncerais-je au plaisir de sa compagnie pour m'épargner la tristesse de sa disparition? En reviendrais-je à ma propre solution ,qui était le sommeil crépusculaire, afin d'esquiver la souffrance qu'elle apporta avec elle?

Jamais de la vie. Ainsi donc, malgré quelques grincements de dents, je reconnais la réalité de ma conversion. Il se passe pour moi ce qu'un jour je lui ai dit qu'il se passerait pour sa fille. Je serai, toute ma vie durant, plus riche de ce chagrin.

Le bonheur et la mort

10 étoiles

Critique de Poignant (Poitiers, Inscrit le 2 août 2010, 58 ans) - 30 juillet 2011

Milieu des années 1960. Joe Allston et sa femme Ruth, fringants sexagénaires originaires de New York, passent leur retraite en Californie, dans la campagne près de San Francisco. Alors qu’ils essaient d’oublier dans ce paradis champêtre la mort de leur fils unique Curtis, l’arrivée de nouveaux voisins va bouleverser leur quiétude.
Le premier est Jim Peck, jeune beatnik qui va s’installer en squatter sur le terrain des Allston, au grand désespoir de Joe.
Les seconds sont la famille Catlin (John, Marian et leur fille de six ans Debby). Marian, jeune femme intelligente, gaie, et d’un optimisme communicatif, va éclairer la vie monotone des Allston tel un rayon de soleil...
Wallace Stegner a écrit en 1967 ce roman qui est la synthèse de mai 68 ! Les thèmes sont intemporels et pourtant à l’époque d’une impressionnante actualité : la relation parents-enfant, les conflits de génération, l’impossibilité de communiquer, le sens de la vie, la liberté et ses limites, la mort.
Précurseur de l’école du Montana et de toute la nouvelle littérature américaine de l’Ouest dont notamment Jim Harrison, Wallace Stegner produit une écriture riche, agréable, belle et érudite.
Ses personnages sont vrais, attachants et émouvants.
Pourquoi est-il si peu connu en France ?
A lire pour sombrer dans la plus belle des mélancolies.

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