Pays de neige de Yasunari Kawabata
(Yukiguni)
Catégorie(s) : Littérature => Asiatique
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Kawabata, l'entomologiste
Yasunari Kawabata est considéré comme le plus grand auteur japonais du vingtième siècle et Pays de neige, comme son oeuvre maîtresse.
L'intrigue est simple : Shimamura, un aristocrate désoeuvré de Tokyo, lors d'un voyage dans une station thermale dans les montagnes du nord du Japon, s'éprend d'une geisha, Komako. Abandonnant périodiquement femme et enfants, il revient dans la station thermale pour retrouver Komako, qui est follement amoureuse de lui.
«Ce fut alors qu'une lumière lointaine vint resplendir au milieu du visage. Dans le jeu de reflets, au fond du miroir, l'image ne s'imposait pas avec une consistance suffisante pour éclipser l'éclat de la lumière, mais elle n'était pas non plus incertaine au point de disparaître sous elle. Et Shimamura suivit la lumière qui cheminait lentement sur le visage, sans le troubler. Un froid scintillement perdu dans la distance (...)»
Il y a quelque chose d'insaisissable dans ce roman et on en est constamment à se demander si c'est son caractère poétique ou son appartenance à la culture nippone qui en est la cause. Peu importe, ce flou est envoûtant. Il est difficile de cerner le véritable propos avec précision. Risquons-nous quand même : on y voit un homme envoûté par les traditions millénaires du Japon, par la beauté des femmes, par la pureté de la neige. Ce Shimamura est plein de regrets, regret d'une pureté perdue dont la montagne et la neige semblent les symboles.
«Et pourtant tout l'amour de la femme du Pays de Neige s'évanouirait avec elle, ne laissant en ce monde pas même une trace aussi certaine qu'une toile de Chijimi ! (toile blanchie à la neige selon un vieux procédé artisanal) Car si l'étoffe est le plus fragile des produits de l'artisanat, un bon Chimaji néanmoins, quand on en prend convenablement soin, garde sa qualité et le vif de ses couleurs un demi-siècle au moins, et ne s'use complètement que bien longtemps après. Ainsi songeait Shimamura, méditant sur l'inconstance des intimités entre les humains, leur durée éphémère qui ne connaît pas même la longueur d'existence d'un bout de toile...»
Toujours en retrait, il s'accroche à Komako, à ce lieu perdu, incapable de le quitter, fasciné par la vie qui se déroule devant lui, comme un entomologiste devant des insectes. «Les choses allaient ainsi jour après jour. Prendre la fuite et se cacher, c'était tout ce que pouvait vouloir faire Komako, si d'aventure elle se demandait où cela pouvait bien la mener. Mais elle n'en était que plus séduisante dans ce nimbe invisible de désespérance et de perdition.»
Ou encore : «L'agonie et la mort des insectes, par exemple, occupait ici une part de son loisir. [...] Sur l'écran métallique de sa fenêtre, il y avait des papillons de nuit, longtemps immobiles, qui finirent eux aussi, par tomber comme des feuilles mortes. Il y en avait aussi, posés sur le mur, qui glissaient soudain et tombaient au sol. La richesse somptueuse, la beauté prodiguée sur ces vies éphémères plongeait Shimamura dans de longues méditations contemplatives, l'insecte au creux de la main.»
Seule la violence des événements le ramènera à Tokyo.
Ce roman unique nous invite à la relecture. Unique.
Les éditions
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Pays de neige de Yasunari Kawabata
de Kawabata, Yasunari
Albin Michel
ISBN : 9782226085887 ; 15,00 € ; 21/03/1996 ; 252 p. ; Broché -
Pays de neige
de Kawabata, Yasunari
le Livre de poche
ISBN : 9782253030737 ; 6,90 € ; 01/11/1982 ; 190 p. ; Poche
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Triangle amoureux
Critique de Vince92 (Zürich, Inscrit le 20 octobre 2008, 47 ans) - 3 mai 2021
Kawabata était le maître à penser de Yukio Mishima qui vouait au roman un véritable culte: il ne m'en fallait pas plus pour tenter de percer ses secrets. Sans doute attendais-je trop de ce livre car à l'heure de le refermer, je ne pouvais m'empêcher d'éprouver un coupable soulagement.
Déception, incompréhension devant le succès critique et la notoriété qu'il a acquis jusqu'à représenter aujourd'hui l'une des oeuvres de la littérature japonaise contemporaine. Je n'avais jamais lu Kawabata et je me réjouissais de découvrir cet auteur. Ma déception est à la hauteur des espérances que je plaçais dans la lecture de Pays de neige.
Un homme se rend dans une station de ski en train. Il vole dans le reflet de la vitre une scène étrange, celle d'une belle jeune femme qui tente d’apaiser les souffrances d'un jeune homme malade. Shimamura est tombé sous le charme de la belle Yôko, mais c'est une autre femme qu'il va retrouver au pays de neige: Komako, une geisha bien particulière dont il a fait la connaissance il y a quelque temps et qu'il retrouvera une dernière fois lors d'un ultime voyage dans cette station de ski isolée, loin de Tokyo qu'il habite à l'année avec femme et enfants.
C'est donc l'histoire de cette liaison que Kawabata nous narre, une liaison compliquée et marquée par le sceau de l'indécision de Shimamura qui, on le devine ne reste pas insensible à la jeune Yôko. Indécision de Komako également qui désire et rejette le bourgeois tokyoïte tant elle sait que cette aventure ne peut que déboucher sur une impasse. Shimamura-Komako avec dans l'ombre Yôko, telle est la scène d'un drame amoureux qui se terminera immanquablement par une rupture.
Si Kawabata nous offre de belles pages à la manière d'un maître d'estampe japonais (ainsi de la première scène se déroulant dans le train, très forte), la plus grosse partie du roman m'a ennuyé, voire agacé tant les hésitations de Komoko, son état d'ivresse permanent, les questions de Shimamura et ses états d'âme semblaient factices et le fruit du désoeuvrement de sa condition de bourgeois cultivé.
Il n'y a que peu d’authenticité dans les rapports entre les personnages du livre... le lecteur semble assister à une scène de théâtre No, et sans doute faut-il être japonais pour apprécier totalement ce récit avec ces lents moments de contemplation et les valses hésitations de ses protagonistes.
Splendeur de l'écriture.
Critique de Hirondelle. (, Inscrite le 24 avril 2012, 62 ans) - 25 avril 2012
L'hiver s'est éloigné et a laissé place à une délicate douceur printanière qui met la nature et nos coeurs en émoi.
Dans mon jardinet , où je prends le soleil, je découvre un roman japonais.
Point d'intrigues à rebondissements échevelés.
Point de déballage tonitruant.
Point d'épanchement indécent.
Non.
Une histoire à l'apparence minimaliste qui pourtant nous empoigne et ne nous lâche pas, tant l'écriture somptueuse nous envoûte.
Trois personnages principaux:
SHIMAMURA: Un homme (marié, père de famille, résidant à Tokyo), vient de passer une semaine seul en montagne et arrive par le train, presque par hasard, dans une minuscule station thermale, un coin perdu, où, las de sa vie d'oisiveté, il espère se retrouver.
Il rencontre KOMAKO, jeune-fille qui n'a pas encore vingt ans, fraîche, à la carnation de porcelaine, dont la beauté singulière est une façade derrière laquelle se cache la force d'un caractère particulier.
Pour acquitter les frais médicaux nécessaires aux soins de Yokio, jeune-homme gravement malade, auquel des liens mystérieux l'attachent, elle est devenue Geisha.
Yokio n'est qu'une ombre dans le roman, mais il est arrivé au village accompagné de YÔKO, toute jeune-fille qui s'occupe de lui tendrement. (elle occupera une place significative dans un des séjours que fera Shimamura à la station thermale).
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Shimamura est comme ensorcelé par Komako, et "aspire à deviner qui elle est vraiment sous le couvert de sa nonchalance".
Apparemment, dans ce roman, tout n'est que lenteur, à l'image des flocons de neige qui, la saison venue, virevoltent dans une atmosphère feutrée, mais, intimement, tout est tumulte.
KAWABATA écrit des pages sublimes sur la résonance charnelle de la musique en Shimamura et sur la volupté exquise qui le baigne lorsque Komako s'accompagne de son samisen. Il en conclut:" elle pourrait faire de lui ce qu'elle en voudrait"...
Il nous dépeint l'envoûtement engendré par "la splendeur d'une voix magnifique qui avait quelque chose de stupéfiant".
Il nous décrit l'acuité d'un regard "si intense et si beau qu'il avait l'impression de s'y sentir « embroché », ou, "il resta hanté par un regard qui lui laissait comme une brûlure en plein front".
La puissance des métaphores est à pâmer.
Qu'il s'agisse de la nuit, des étoiles, de la voie lactée (cette voûte immense de lumière), de la végétation, (la splendeur de l'effet produit par la Kaya, une variété de roseau), ou de la neige (dont il compare les gros flocons à des pivoines blanches), la personnalisation des éléments nous entraîne dans une nature de laquelle émane une tranquillité grandiose , ou...une froide sérénité.
La blancheur domine et devient un personnage à part entière, symbolisant-peut-être- la quête de purification du héros.
On se retrouve dans un univers exotique, au sens profondément noble du terme.
Ce roman n'est pas qu'un long frémissement sensuel, où le trouble de Shimamura est omniprésent: c'est le questionnement d'un homme sur son devenir: l'essentiel n'est-il pas ce dont on ne parle jamais ?
Cette histoire de feu et de cendres sous la neige confine à la Beauté absolue.
Lorsque survient la dernière ligne, on comprend vraiment pourquoi Kawabata a reçu le PRIX NOBEL de littérature. (en 1958).
" Pays de neige" de Yasunari Kawabata.
Lorsque les sentiments et les amours ne se disent pas tout à fait ...
Critique de BMR & MAM (Paris, Inscrit le 27 avril 2007, 64 ans) - 20 août 2007
Son roman Pays de Neige a été publié au Japon dans les années 30 et traduit en France en 1960.
Kawabata décrit la vie simple d'un village de montagne, à quelques heures de train de Tôkyô, où ceux de la grande ville viennent parfois skier.
Des montagnes recouvertes de neige immaculée tout l'hiver.
Une sorte de paradis tranquille, idéalisé par les yeux d'un citadin qui cherche à se ressourcer, à la recherche d'un éden perdu.
[...] Adossée à un mur de pierres, une gamine de douze à treize ans tricotait, à l'écart des autres. Hors de la rude étoffe de ses larges pantalons montagnards, il vit qu'elle avait les pieds nus dans ses geta, et que la peau en était rouge et gercée par le froid.
Sagement assise sur un tas de bûches à côté d'elle, un petit bout de fille qui pouvait avoir deux ans écartait ses menottes pour lui tenir avec patience l'écheveau de laine, d'une couleur terne et grise, dont le fil acquérait une teinte plus vive et plus chaude, en passant des bras de la plus petite aux mains de la plus âgée des deux fillettes.
Un riche oisif de Tôkyô y vient régulièrement en villégiature et fait la connaissance de deux femmes dont une geisha.
On a presque tout dit car il ne se passe pas grand chose dans ce roman qui enchaine les rencontres entre cet homme et ces deux femmes.
Mais c'est précisément ce qui en fait tout le charme : les rencontres inabouties, les dialogues inachevés, les passés et les sentiments à peine entrevus, les amours qui ne se disent pas vraiment, ...
On y retrouve donc une part de l'atmosphère qu'on avait déjà appréciée à la lecture des Années douces de Hirowi Kawakami.
[...] - J'ai pensé que je pourrais vous demander de venir jusque chez moi; c'est pour cela que je vous ai rejoint.
- Ta maison est par ici ?
- Tout près.
- J'accepte, si j'ai la permission de lire le journal que tu tiens.
- J'ai l'intention de le brûler avant ma mort.
Pour le lecteur, comme pour le personnage principal, ce livre est une douce parenthèse à ouvrir.
Il a neigé au pays de neige
Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans) - 23 novembre 2006
Une histoire un peu banale mais l’écriture est tellement belle que la magie de Kawabata m’a complètement envoûtée. Les descriptions du village de montagne sous la neige, de l’artisanat local et des beaux paysages de ce coin de pays rendent ce livre inoubliable d’un écrivain qui possède l’âme d’un poète.
« Le village qu’habitait Komako, à la source thermale, n’était pas du même type, bien qu’il fût lui aussi du style montagnard et bien aussi du Pays de Neige : ses maisons étaient plantées séparément et s’entouraient de terrain libre. Shimamura, qui voyait pour la première fois ce système des galeries couvertes tout au long d,une rue comme une cuirasse contre la neige, eut la curiosité de cheminer dessous. L’ombre y était épaisse, sous les profonds avant-toits, et il remarqua que le bois des piliers qui les supportaient commençait à se ronger à la base. Dans l’ombre, du côté des maisons obscures, il s’imaginait la longue nuit des longs hivers, où pendant des générations et des générations, avaient vécu les ancêtres des actuels habitants. »
fulgurance
Critique de JOIDéMO (, Inscrit le 12 février 2006, 59 ans) - 17 février 2006
elle se pose sur les choses comme une perle de rosée sur une feuille , tout en glissant elle fait loupe dans un naturel étonnant,
en effet tout eut pu être pédant, précieux, c'était sans compter sur l'auteur qui pour précieux n'en montre que les bons côtés la beauté!
la complexité du rapport geisha, client apparaît en toute lumière, d'ailleurs celui qui voudrait en savoir plus je lui conseille ces livres: Geisha de Golding, l'éloge de l'ombre de Tanisaki, le chrysanthème et le sabre de Ruth, vraiment formidable ce Pays de Neige: yukiguni en version originale.
Unique!
Critique de FightingIntellectual (Montréal, Inscrit le 12 mars 2004, 42 ans) - 19 juin 2004
La geisha
Critique de Darius (Bruxelles, Inscrite le 16 mars 2001, - ans) - 18 août 2002
"Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil" ou plutôt "Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes" voilà ce que je ressens après avoir lu ce roman.
Page après page, j’ai attendu en vain une once de critique sur le statut de ces pauvres filles qui deviennent geishas dès l'âge de 16 ans pour le plus grand plaisir de ces cohortes de touristes fortunés qui viennent se revigorer les bronches au sommet de la montagne enneigée, et qui, dès le premier jour de leur arrivée s’empressent de "commander" une geisha pour leur tenir compagnie, quelques heures ou quelques nuits… Au fil des pages, on apprend que ces pauvres filles seraient contentes de leur sort, (dixit l'auteur..) car elles parviennent non seulement à racheter leur dette, mais également à se faire un peu d'argent pour les années de vaches maigres.. Le plus pathétique, c’est lorsque l’auteur tente de nous faire croire qu'elles parviennent à se contenter des quelques cigarettes glanées ci et là pour rétribution de leurs services.
Pour assurer leur avenir, qui est bien plus proche qu’on ne le pense (vingt six ans !) elles ont intérêt à avoir un protecteur qui leur procurera une petite entreprise (restaurant, commerce…) qu'elles pourront faire prospérer en employant d'autres geishas (en devenant des Madames Claude, si vous voyez ce que je veux dire...) Bien sûr que l’auteur est touché par la franchise, l’ingénuité, la candeur, la gentillesse, la grâce de ces toutes jeunes filles, encore dans la fleur de l'âge, la peau fardée sous un épais maquillage blanc, les cheveux tirés en un chignon tout en hauteur, les hanches étroites serrées par le kimono, le ventre rebondi, toute une jeunesse au service exclusif de ces hommes mûrs et mariés qu’elles doivent distraire, en chantant, en jouant d’un instrument, en les accompagnant dans leurs beuveries et dans leur bain… et pour les choses plus intimes,l'auteur reste muet.
Une tradition séculaire n'est pas une raison suffisante pour ne pas donner la véritable parole, ne serait-ce qu'une seule fois, à ces filles qui exercent le plus vieux métier du monde, du moins, c’est ce que l'adage populaire prétend.
Un chef-d'oeuvre
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 4 juin 2001
C'est un livre qu'il faut lire plusieurs fois, je trouve que la beauté et la poésie de l'écriture ne sont pas évidentes à appréhender de premier abord. On dit aussi que la poésie du livre en langue japonaise est très difficile à rendre dans les traductions en langues occidentales.
Un livre magnifique donc, mais ceci dit, et d'un point de vue strictement personnel, je ne retrouve pas chez Kawabata (ni chez aucun autre d'ailleurs), la même puissance évocatrice que chez Mishima dont le style, pour moi, reste incomparable.
A ce titre je ne résiste pas au plaisir de citer Mishima, à propos de ce livre, dans une correspondance avec Kawabata. C'est vraiment caractéristique de son style. "Quant à Pays de Neige (combien de fois ai-je bien pu relire cette oeuvre !), ce roman est si grand, si sublime, que dans ma petitesse je ne puis que le vénérer de loin, comme le jeune berger qui, regardant les cimes bleues des Alpes à l'horizon, rêve du jour où il sera en mesure d'escalader même la plus haute."
Bref nous ne sommes pas les seuls à aimer ce roman !
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