Si je t'oublie, Jérusalem de William Faulkner

Si je t'oublie, Jérusalem de William Faulkner
( "If I forget thee, Jerusalem")

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Fee carabine, le 7 novembre 2005 (Inscrite le 5 juin 2004, 50 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (3 754ème position).
Visites : 6 077  (depuis Novembre 2007)

Les récits de notre emprisonnement

A première vue, "Si je t'oublie, Jérusalem", ce sont deux romans plutôt qu'un: "Les palmiers sauvages", qui nous conte l'histoire de Charlotte Rittenmeyer et de Harry Wilbourne, et "Old Man", les aventures d'un forçat évadé pendant la grande inondation du bassin du Mississippi en 1927. Deux romans qui nous sont donnés à lire en alternance, un chapitre de l'un, puis un chapitre de l'autre, sans jamais se rejoindre.

Parlons tout d'abord des "palmiers sauvages". C'est l'histoire terriblement banale de la passion soudaine, de l'adultère, de la fuite, du quotidien qui rattrape les amants, une histoire qui connaîtra un dénouement tragique. Je ne vends pas la mèche, Faulkner nous raconte cette histoire en commençant par la fin (ou presque), et l'image de Charlotte Rittenmeyer allongée sur un transat au bord de la mer, bercée par le bruissement du vent dans les palmes, de plus en plus pâle, de plus en plus faible, de plus en plus exsangue, goutte à goutte, saignant "là où saignent les femmes", saignant ainsi depuis plusieurs semaines et l'opération dont l'illégalité lui interdit à présent de chercher du secours... L'histoire est banale, le traitement de Faulkner ne l'est pas, d'une telle simplicité et d'une telle force que ses "palmiers sauvages" appellent la comparaison avec "Anna Karénine" ou "Belle-du-Seigneur". Des oeuvres où la banalité se métamorphose et où le destin des personnages révèle bien plus que ce qu'on pourrait supposer au premier abord. Uniques. Inoubliables.

Si Charlotte Rittenmeyer et Harry Wilbourne sont prêts à tout sacrifier pour vivre leur passion - famille, carrière, sécurité... Le héros de "Old Man", évadé malgré lui du pénitencier, ne souhaite qu'une chose: retrouver au plus vite la sécurité de la prison. Nous ne connaîtrons jamais son nom. Du début à la fin du livre, il sera pour nous "le grand forçat" - par opposition à son camarade de chambrée, "le petit gros". Le "grand forçat" s'est retrouvé au pénitencier alors qu'il sortait à peine de l'adolescence. Il n'a pas vraiment eu le temps de découvrir le monde, et une de ses premières tentatives pour y faire son trou s'est soldée par le jugement qui l'a expédié au pénitencier. Alors non, notre homme n'est pas précisément heureux lorsqu'après plusieurs années d'emprisonnement, la grande crue de 1927 force l'évacuation du pénitencier et qu'un concours de circonstances le sépare du groupe formé de ses camarades et des gardiens, le laissant à la merci des flots de l'"Old Man River", dans une petite barque avec pour seule compagnie une jeune femme, enceinte jusqu'aux dents, qu'il a cueillie dans un arbre. "Old Man" est l'histoire d'un prisonnier. Mais de qui ou de quoi est-il le prisonnier? Des flots du Mississippi qui ne cessent de le refouler vers la Nouvelle-Orléans, de son propre désir de retrouver la sécurité des quatre murs du pénitencier ou de sa peur du vaste monde, de l'inconnu et de cet élan vital, obscur et inquiétant, qui bourgeonne encore au milieu du désastre, et dans l'énorme ventre de sa compagne. Allez savoir...

"Les palmiers sauvages" et "Old Man" sont deux textes simples et forts, bouleversants, débordants d'humanité. Il est difficile de leur rendre justice ici. Et il est impossible de rendre compte du processus par lequel ses deux histoires semblent s'amplifier l'une l'autre, sans même se toucher ni se recouper à aucun moment. Les chefs-d'oeuvre ne courent pas les rues. Que dire alors d'un roman qui nous offre deux chefs-d'oeuvre pour le prix d'un - et encore un peu plus...

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9 étoiles

Critique de Cafeine (, Inscrite le 12 juin 2007, 50 ans) - 29 août 2009

Comme toujours chez Faulkner, l'histoire ressemble à un puzzle (l'oeuvre de Faulkner s'apparente à un puzzle), là nous en aurons deux.

Deux récits qui ne sont a priori reliés par rien : "les palmiers sauvages" et "le vieux père".
Pour la première, histoire d'un couple illégitime qui paie le prix de cet amour par le bannissement, un couple d'amoureux mortifère (le compte à rebours des boites de conserve, avec au bout la mort). L'homme donne l'impression de tenter de fuir la mort plus que la banalité ou l'enfermement dans des maisons sans âme. Ils fuient, les boites de conserve, la platitude de la vie, ce quotidien qui les étouffe...

Dans "le vieux père", des forçats sont mis à contribution pour secourir les victimes d'une crue du Mississippi. L'un d'entre eux, bien malgré lui secourt une femme enceinte...il n'a qu'une idée : la tenir le plus à distance possible de lui, c'est la vie qu'il fuit.
Wilbourne, l'homme des palmiers sauvages, donne l'illusion d'être lucide, clairvoyant, son parcours n'est jamais nommé fuite, il se pense acteur. En parallèle, la barque sur laquelle se trouve le forçat semble en savoir plus que lui. Mais surtout, en réponse à la lucidité de Wilbourne, il ne sait rien, il ne voit rien ,rate les villes...

Comme toujours Faulkner demande à son lecteur du labeur, de l'attention.
Lorsque je lis la première critique, c'est aussi ça.
L'œuvre de Faulkner est foisonnante, riche, multiple, difficile et fascinante.

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