Deashelle

avatar 09/03/2012 @ 10:09:38
Je cite un commentaire intéressant: " cette répétition est vraiment exceptionnelle (je ne l'ai jamais rencontrée à ce point en littérature),il y a dans ce style non pas des mots alambiqués ,mais des digressions aussi lentes et monotones que les méandres du delta indochinois."

Donc la forme et le style complexe épousent vraiment le fond... N'êtes-vous pas d'accord?

Eric Eliès
avatar 09/03/2012 @ 12:50:33
Je n'ai pas lu le livre mais, étant moi-même militaire, j'ai eu l'écho de nombreux amis, officiers d'active des différentes armées, qui l'ont lu. Les avis sont globalement mitigés et font ressortir deux choses :
* sur le fond : parallèle très excessif entre l'activité des unités parachutistes pendant la guerre d'Algérie et les activités actuelles des forces de police dans les banlieues. Dit comme ça, ça me fait d'ailleurs penser à la conclusion de la chanson de Michel Delpech "Le Parachutiste".
* sur la forme : plusieurs pensent (en raison des ruptures de style et du niveau de détail des opérations décrites) que le livre est en fait écrit à 4 mains, ie que l'auteur a déniché, par connaissance personnelle ou chez un bouquiniste, les mémoires ou les souvenirs d'un militaire (manuscrits ou publiés à compte d'auteur à quelques exemplaires), qui a participé à ces campagnes.

DE GOUGE
avatar 09/03/2012 @ 19:33:21
* sur le fond : parallèle très excessif entre l'activité des unités parachutistes pendant la guerre d'Algérie et les activités actuelles des forces de police dans les banlieues. Dit comme ça, ça me fait d'ailleurs penser à la conclusion de la chanson de Michel Delpech "Le Parachutiste".
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Eric, ce ne sont pas du tout les militaires qui sont mis en cause dans le phénomène : banlieue ! C'est une forme de néo colonialisme qui est dénoncée dans ce livre, un état d'esprit qui porte sur une réalité sociétale et non sur des corps de métier. Ca change tout.....

Je ne connais pas de chanson de Delpech, mais j'ai un parfait souvenir de "parachutiste" par Maxime le forestier. Est ce la même chanson que tu évoques ?

Eric Eliès
avatar 09/03/2012 @ 21:50:03
Merci de ces précisions ! Avec le temps (je suis dans la marine depuis presque 15 ans maintenant...), j'ai appris à quel point la plupart des militaires ont tendance à être excessivement susceptibles chaque fois qu'on parle d'eux. Notamment dans l'armée de terre, car ils sont souvent en charge de situations extrêmement difficiles à gérer, à la fois au contact des groupes armés et des populations civiles, dans des contextes d'une complexité presque inimaginable tant qu'on n'y a pas été confronté : ils ont donc souvent l'impression qu'on caricature soit ce qu'ils sont soit ce qu'ils font. Il est fort probable qu'il y ait eu un biais d'interprétation de ceux qui m'ont parlé du livre. Il faudra peut-être que je trouve le temps de le lire pour m'en faire mon idée propre !
Concernant la chanson, c'est bien sûr à Maxime Le Forestier que je pensais. Je ne sais pas pourquoi mais je confonds souvent Maxime Le Forestier avec Michel Delpech et Michel Delpech avec Michel Fugain. Des trois, c'est pourtant le seul dont j'ai des disques !

Radetsky
avatar 09/03/2012 @ 22:50:15
j'ai appris à quel point la plupart des militaires ont tendance à être excessivement susceptibles chaque fois qu'on parle d'eux. Notamment dans l'armée de terre, car ils sont souvent en charge de situations extrêmement difficiles à gérer, à la fois au contact des groupes armés et des populations civiles, dans des contextes d'une complexité presque inimaginable tant qu'on n'y a pas été confronté : ils ont donc souvent l'impression qu'on caricature soit ce qu'ils sont soit ce qu'ils font.

Vaste sujet ! La suppression du service armé n'a pas arrangé les choses , ce fut à la fois un bien (la fin de la vie de caserne, avec toutes ses absurdités, son temps perdu, sa stérilité...) et un mal : la coupure s'est accentuée, on ne se rend plus compte de ce que vivent nos soldats (l'Afghanistan est une faillite stratégique et surtout politique), on n'apprend plus à vivre collectivement et pas uniquement pour soi, on s'en remet à des prétoriens pour défendre le pays, on n'apprend ni n'éprouve plus la terrible responsabilité de l'ordre donné (j'étais OR appelé) et j'en passe... Un soldat devrait être un citoyen en armes et non pas un militaire qui vote. Bon, c'est une vision très "maquisarde" et "Armée Rouge" de la chose : on se refait difficilement.

Question liminaire. Pourquoi les militaires sont-ils (en général) toujours en retard d'une guerre dans leur vision du monde : il y en a un tas qui croient encore être là pour "faire barrage au communisme" - c'est eux qui le disent.
Le capitalisme n'a pas de morale (c'est lui qui le dit), donc pas d'honneur non plus , or il est inscrit sur nos étendards "Honneur et Patrie", ergo le capitalisme étant déshonoré, il ne devrait plus être défendu, camarade soldat.
J'espère donc que tu prendras le Palais d'Hiver avec nous pour la prochaine....
signé : Radetsky, commissaire du peuple

Eric Eliès
avatar 10/03/2012 @ 00:51:19
Vaste sujet effectivement, camarade ours blanc... Il y a, c'est vrai, notamment dans la "vieille" génération qui s'est engagée dans les années 70 et 80, beaucoup d'officiers hostiles au communisme par principe et qui ont servi pour se battre (sans l'espérer mais en y étant résolument prêts) dans le conflit entre les 2 blocs. Depuis, le vent de l'Histoire a soufflé : les conflits n'ont pas disparu mais l'idéologie n'en est plus le moteur. Plus aucun officier, parmi ceux de ma génération, ne s'affiche comme un barrage au communisme... Surtout depuis le 11/09... Certes, il reste un sentiment généralisé d'hostilité globale au communisme mais il se nourrit (attention : je décris à grands traits !) d'une approche plutôt traditionaliste de la nation et de la personne humaine, fondée sur les valeurs religieuses, etc. De Gaulle est un peu l'archétype et la référence de la communauté militaire. Le refus du communisme me paraît donc être avant tout une hostilité au matérialisme et au collectivisme incarné par le communisme (là aussi ce sont des grands traits à la limite de la caricature), sans oublier l'importance du contentieux historique entre l'armée et certains communistes français, comme Sartre (j'ai vu votre dernière critique sur Situations V) dont les écrits ont appelé explicitement à tuer les militaires et les civils établis en Algérie (cf [de mémoire] sa fameuse phrase dans la préface des "Damnés de la terre" de Fanon) + les sabotages dans les usines et les bases militaires, etc., qui ont fait des morts dans les rangs de l'armée par défaillance des matériels sur le terrain. Néanmoins, ce qui vaut pour le communisme vaut aussi pour le capitalisme, dont le matérialisme forcené suscite la même répulsion. Même si l'armée ne fait pas de politique, les militaires considèrent qu'ils servent les "intérêts supérieurs de la nation" et sont offusqués lorsque ceux-ci sont instrumentalisés au nom d'intérêts financiers et/ou des intérêts particuliers, qui ne méritent pas qu'on meurt ou qu'on tue pour eux. Je pourrais encore écrire longtemps sur le sujet mais ce billet est déjà bien long, outre qu'il a nous fort éloignés de ce dont voulait discuter Deashelle...
Par ailleurs, j'ai lu, mais sans y prendre part, vos échanges avec SJB, Saule, Pierronnelle et d'autres dont j'ai j'oublié le pseudo. Il y a des choses inacceptables dans la société mais j'espère qu'on en n'arrivera pas aux barricades... Toute révolution n'est qu'une reconduction du pouvoir sous une autre forme et aucune révolution (en France, en Russie, en Iran, etc.) n'a jamais su se dépêtrer de la phase de consolidation post-révolutionnaire.
Quant aux armées de citoyens en masse, je suis très heureux que le concept ait péréclité car il a été directement à l'origine des guerres totales du XXème siècle. Il n'a pas provoqué les deux guerres mondiales, bien sûr, mais il les a transformés en effroyables massacres : quand toute la population d'un pays devient un vivier à soldats et à ouvriers d'usine d'armement, c'est qu'on a basculé dans la folie...

Pieronnelle

avatar 10/03/2012 @ 19:04:06
C'est bien dommage de ne pas avoir participé aux échanges évoqués car le point de vue d'un militaire (et apparemment pas tout à fait tel qu'on se l'imagine, à tort sans doute...) est sacrément intéressant.
J'aimerais seulement préciser que la "révolution" telle qu'on peut la concevoir actuellement ne serait certainement pas sous les formes historiques qu'on a connues. Chaque révolution est unique, elle est adaptée au pays, aux peuples, aux cultures...Le tout est de savoir pourquoi elle est nécessaire ou inévitable; pourquoi on ne peut envisager d'autre solution car la situation est devenue explosive. Le plus dangereux ce n'est pas la révolution mais l’extrémisme d'un système qui ne comprend pas (ou n'a pas envie de comprendre) qu'il y a des limites dans l'abus.
Le rôle de l'armée est extrêmement important dans ces cas là. J'ai entendu récemment que des militaires (gradés) en Syrie avaient déserté pour ne pas tirer sur le peuple probablement. Vaste cas de conscience!
Je pense que les citoyens qui s'arment le font sous la contrainte; contrainte aux formes différentes suivant la situation : fascisme, occupation du pays, révolte contre un système ou une dictature.
Je ne sais pas si le concept de "citoyens armés en masse a périclité", je pense (et j'espère) que les conditions ne sont plus là pour qu'on le fasse ressurgir...

Radetsky
avatar 10/03/2012 @ 19:53:13
Piero, tu me coupes l'herbe sous le pied... ou presque ! En mai 68, dans certains régiments des FFA (dont le mien), nos gars nous laissaient entendre sans fard qu'il n'était pas question pour eux d'aller tirer éventuellement sur les civils en France et comme la moitié des pelotons étaient commandés par des officiers appelés (dont ma pomme), nous étions tous des civils en uniforme ; ça vous avait un petit parfum de "Potemkine" sans en avoir l'air. On connaît la suite. Dommage, je n'ai pas le temps de développer cette immense question de l'armée et des citoyens. ce sera pour plus tard.
Juste un mot : la Révolution n'est pas comme un point sur une droite, c'est un devenir... La pensée matérialiste au XIXe siècle a été, qu'elle l'ait voulu ou non, pénétrée des valeurs transcendantes de la religion (et de la religiosité) et elle s'est mise à "annoncer" la révolution comme les chrétiens annoncent la Parousie. Le problème réside dans l'unique misère humaine, qui s'invente un unique remède qu'elle baptise "espoir", avec des étiquettes différentes. On en reparlera, c'est "hors sujet" ici.

Eric Eliès
avatar 11/03/2012 @ 23:39:33
Pour Pieronnelle : la Syrie n'est pas le bon exemple. Les militaires qui désertent sont essentiellement des sunnites qui le font par affinités religieuses avec les insurgés plutôt que par conviction politique. Le sujet est extrêmement complexe, comme le montrent les hésitations d'un intellectuel tel qu'Adonis (poète syrien, qui était l'an dernier favori pour le prix Nobel de littérature), qui a pourtant toujours espéré une révolution dans la société arabe (j'ai fait une critique de son recueil d'entretiens "Identité inachevée" pour CL). Il vaut mieux évoquer le rôle de l'armée portugaise pendant la révolution des oeillets ou de l'armée tunisienne, qui a eu un comportement exemplaire. Cela dit, même si toute révolution est particulière à un lieu et à une époque, toute rupture radicale dans la continuité historique engendre forcément un combat et de la répression. J'ai fait une critique pour CL du livre de Jack London (Le talon de fer, qui avait reçu les éloges de Trotsky) dans lequel il prophétisait une révolution communiste aux USA : la fin est une grande boucherie !!!

Pour Radetsky : je suis tout à fait d'accord. J'ai eu la curiosité d'aller à la source (Marx : Philosophie chez Folio/essais [ce sont de longs extraits des oeuvres]) et j'ai lu, il y a 15 ans, le livre de Nicolas Berdiaev "Les origines et le sens du communisme russe", qui explique la réussite de la révolution en Russie par identification au messianisme de l'église orthodoxe russe. Si je parviens à le retrouver dans ma bibliothèque pour rafraîchir le souvenir que j'en ai, j'essayerai d'en faire une critique pour CL.

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