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Petites considérations à propos du rattachement de la Belgique à la France, entamées voici un demi siècle par Victor Hugo et des proches :
Extrait du livre « Lettres de Belgique « :
Journal d’Adèle Hugo – octobre 1854
A déjeuner. Présents : M. Meurice, Mme Meurice, M.Téléki, mon père, mes frères, moi, Auguste Vacquerie.
Les Etats-Unis du monde. Point de départ : configuration géographique de la France par rapport à la Belgique.
Charles : Il est possible que Bonaparte envahisse la Belgique et mette une armée sur le Rhin.
Victor Hugo : Quoique je n’approuve rien de ce que peut faire ce drôle, pourtant, je trouverais bon que la Belgique soit envahie par la France, conquise par elle, et gardée comme faisant partie de la France.
Charles : Mais les Belges ont leur nationalité et leur droit de patriote ; s’ils veulent rester belges et non devenir français, ils sont dans leur droit.
Victor Hugo : Non. Ils ne doivent pas se refuser à l’agrandissement de la France, qui porte en elle l’idée, la civilisation, le progrès. Ils ne doivent pas se refuser à la nature, qui a assigné la Belgique dans les limites naturelles de la France. La Belgique est à proprement dire un département français comme l’Alsace, comme la Franche-Comté ; elle n’a pas plus le droit de se refuser à faire partie de la France que la Franche-Comté ou que l’Alsace.
Charles : Mais pourtant, il y a quelque chose qui est au-dessus des lignes géographiques, des dispositions territoriales de la France, c’est l’idée patrie. Les Belges sont belges et sont dans leur droit de ne pas être français.
Victor Hugo : C’est absolument comme si tu disais que la Franche-Comté et l’Alsace sont dans leur droit en ne faisant pas partie de la France.
Charles : Sans doute, la Franche-Comté et l’Alsace pourraient parfaitement se faire Etats indépendants ; puis la comparaison même n’est pas absolument juste, car les Belges ont leur langue, leur gouvernement. Les Alsaciens et les Franche-Comtois parlent français.
M. Meurice : Je vous demande pardon, Charles ; les Alsaciens parlent allemand à Strasbourg. La langue usuelle n’est pas le français, c’est l’allemand.
Charles : C’est possible ; n’ayant pas voyagé, j’ignore. Mais dans tous les cas, la Belgique aussi parle belge et a plus de journaux écris en belge qu’en français.
Victor Hugo : C’est contestable. Les Belges parlent généralement un patois français d’ailleurs. Ce serait rendre service à la Belgique que d’en faire un département français. Qu’est-ce que la Belgique a donné comme hommes ? Qu’ont-ils donné comme écrivains ? Ne vaudrait-il pas mieux pour elle qu’elle fit partie d’un grand pays que d’être un petit peuple.
Charles : Alors, si les grands Etats absorbent les petits, si la France absorbe la Belgique, pourquoi la Hongrie ne deviendrait-elle pas l’Allemagne ? L’Allemagne aussi pourrait dire : Je suis plus grande que la Hongrie ; la Hongrie doit devenir Allemagne.
Victor Hugo : L’Allemagne n’a pas eu en Europe une influence comparable à celle de la France, ni comme art, ni comme idée, ni comme langue, ni comme action politique, ni comme la guerre. Quant à la Hongrie, c’est un grand Etat qui compte quinze millions d’habitants, n’est-ce pas, Téléki ?
M. Téléki : Oui, à peu près.
Victor Hugo : La Hongrie parle hongrois, et ne bégaye pas l’allemand.
Charles : Au bout du compte, je trouve que la Hongrie a le droit de rester Hongrie, que la Belgique à celui de rester Belgique, que l’Alsace doit de faire Alsace, la Franche-Comté, Franche-Comté ; ou plutôt, qu’il ne doit plus y avoir ni Hongrie, ni Belgique, ni Allemagne, ni France, ni Alsace, ni Franche-Comté. Il ne doit rester que l’Europe et la Commune.
Victor Hugo : Alors nous retournerons à l’état sauvage.
François : Avec la vapeur, le fil électrique, la presse ?
Victor Hugo : Ne m’interromps pas. C’est l’état sauvage. Il faut que les petits peuples se fondent dans les grands peuples. Il faut que la Belgique se fonde dans la France, que la France se fonde dans l’Europe, et si la France s’y oppose, nous l’y forcerons comme nous y aurons forcé la Belgique. Il faut qu’à son tout l’Europe se fonde dans le monde, et qu’après avoir vu les Etats-Unis d’Europe, nous voyions les Etats-Unis du monde.
Charles : Cela revient à ce que je disais.
Victor Hugo : De l’unité de la France sortira l’unité de l’Europe ; de l’unité de l’Europe sortira l’unité du monde. Les Etats-Unis du monde auront pour gouvernants les penseurs, les philosophes, les écrivains. Les Etats-Unis du monde auront pour Assemblée l’institut. L’avenir est à la science et à l’art.
Extrait du livre « Lettres de Belgique « :
Journal d’Adèle Hugo – octobre 1854
A déjeuner. Présents : M. Meurice, Mme Meurice, M.Téléki, mon père, mes frères, moi, Auguste Vacquerie.
Les Etats-Unis du monde. Point de départ : configuration géographique de la France par rapport à la Belgique.
Charles : Il est possible que Bonaparte envahisse la Belgique et mette une armée sur le Rhin.
Victor Hugo : Quoique je n’approuve rien de ce que peut faire ce drôle, pourtant, je trouverais bon que la Belgique soit envahie par la France, conquise par elle, et gardée comme faisant partie de la France.
Charles : Mais les Belges ont leur nationalité et leur droit de patriote ; s’ils veulent rester belges et non devenir français, ils sont dans leur droit.
Victor Hugo : Non. Ils ne doivent pas se refuser à l’agrandissement de la France, qui porte en elle l’idée, la civilisation, le progrès. Ils ne doivent pas se refuser à la nature, qui a assigné la Belgique dans les limites naturelles de la France. La Belgique est à proprement dire un département français comme l’Alsace, comme la Franche-Comté ; elle n’a pas plus le droit de se refuser à faire partie de la France que la Franche-Comté ou que l’Alsace.
Charles : Mais pourtant, il y a quelque chose qui est au-dessus des lignes géographiques, des dispositions territoriales de la France, c’est l’idée patrie. Les Belges sont belges et sont dans leur droit de ne pas être français.
Victor Hugo : C’est absolument comme si tu disais que la Franche-Comté et l’Alsace sont dans leur droit en ne faisant pas partie de la France.
Charles : Sans doute, la Franche-Comté et l’Alsace pourraient parfaitement se faire Etats indépendants ; puis la comparaison même n’est pas absolument juste, car les Belges ont leur langue, leur gouvernement. Les Alsaciens et les Franche-Comtois parlent français.
M. Meurice : Je vous demande pardon, Charles ; les Alsaciens parlent allemand à Strasbourg. La langue usuelle n’est pas le français, c’est l’allemand.
Charles : C’est possible ; n’ayant pas voyagé, j’ignore. Mais dans tous les cas, la Belgique aussi parle belge et a plus de journaux écris en belge qu’en français.
Victor Hugo : C’est contestable. Les Belges parlent généralement un patois français d’ailleurs. Ce serait rendre service à la Belgique que d’en faire un département français. Qu’est-ce que la Belgique a donné comme hommes ? Qu’ont-ils donné comme écrivains ? Ne vaudrait-il pas mieux pour elle qu’elle fit partie d’un grand pays que d’être un petit peuple.
Charles : Alors, si les grands Etats absorbent les petits, si la France absorbe la Belgique, pourquoi la Hongrie ne deviendrait-elle pas l’Allemagne ? L’Allemagne aussi pourrait dire : Je suis plus grande que la Hongrie ; la Hongrie doit devenir Allemagne.
Victor Hugo : L’Allemagne n’a pas eu en Europe une influence comparable à celle de la France, ni comme art, ni comme idée, ni comme langue, ni comme action politique, ni comme la guerre. Quant à la Hongrie, c’est un grand Etat qui compte quinze millions d’habitants, n’est-ce pas, Téléki ?
M. Téléki : Oui, à peu près.
Victor Hugo : La Hongrie parle hongrois, et ne bégaye pas l’allemand.
Charles : Au bout du compte, je trouve que la Hongrie a le droit de rester Hongrie, que la Belgique à celui de rester Belgique, que l’Alsace doit de faire Alsace, la Franche-Comté, Franche-Comté ; ou plutôt, qu’il ne doit plus y avoir ni Hongrie, ni Belgique, ni Allemagne, ni France, ni Alsace, ni Franche-Comté. Il ne doit rester que l’Europe et la Commune.
Victor Hugo : Alors nous retournerons à l’état sauvage.
François : Avec la vapeur, le fil électrique, la presse ?
Victor Hugo : Ne m’interromps pas. C’est l’état sauvage. Il faut que les petits peuples se fondent dans les grands peuples. Il faut que la Belgique se fonde dans la France, que la France se fonde dans l’Europe, et si la France s’y oppose, nous l’y forcerons comme nous y aurons forcé la Belgique. Il faut qu’à son tout l’Europe se fonde dans le monde, et qu’après avoir vu les Etats-Unis d’Europe, nous voyions les Etats-Unis du monde.
Charles : Cela revient à ce que je disais.
Victor Hugo : De l’unité de la France sortira l’unité de l’Europe ; de l’unité de l’Europe sortira l’unité du monde. Les Etats-Unis du monde auront pour gouvernants les penseurs, les philosophes, les écrivains. Les Etats-Unis du monde auront pour Assemblée l’institut. L’avenir est à la science et à l’art.
Il y a actuellement un candidat aux élections qui se présente quand il a de l'argent et qui milite pour le rattachement de la Franche-Comté à la Suisse. Il est un peu suisse sur les bords.
Moi, je suis plus pour le rapprochement de la Bourgogne et de la Franche-Comté, pour retrouver une belle région culturelle, gastronomique, naturelle et esthétique...
Après tout rêver ne coute pas cher !
Après tout rêver ne coute pas cher !
Je trouve que le wallon est paresseux, et le français aussi : donc ça irait très bien ensemble :-)
Moi, je suis plus pour le rapprochement de la Bourgogne et de la Franche-Comté, pour retrouver une belle région culturelle, gastronomique, naturelle et esthétique...
Après tout rêver ne coute pas cher !
C'est en marche ! L'Université sera bientôt de Bourgogne et de Franche-Comté, le processus est en marche mais ça tousse dure en Franche-Comté ! Notre histoire nous a laissé un petit penchant automomiste.
Moi j'aime bien la Bourgogne ducale et comtale, alors pourquoi pas...
Je trouve que le wallon est paresseux, et le français aussi : donc ça irait très bien ensemble :-)
On partage on ne prend pas tout le travail, on en laisse pour les autres et il reste tout de même du chômage, désolant !
Marrant de voir ce bon Victor – qui aura décidément mangé à tous les râteliers de la pensée politique – défendre le rattachement de la Belgique à la France d’un point de vue d’abord quasi colonialiste pour aboutir in fine à une sorte d’internationalisme dont on sent bien qu’il n’est pas très prolétarien. Le meilleur, c’est sans doute quand il se gargarise en comparant la France et l’Allemagne : prétendre que cette dernière ne vaut pas la France sur le plan des apports culturels, c’est du dernier comique, surtout dans la bouche d’un romantique.
Très intéressant en tous les cas ce texte. Merci Catinus.
Très intéressant en tous les cas ce texte. Merci Catinus.
Marrant de voir ce bon Victor – qui aura décidément mangé à tous les râteliers de la pensée politique – défendre le rattachement de la Belgique à la France d’un point de vue d’abord quasi colonialiste pour aboutir in fine à une sorte d’internationalisme dont on sent bien qu’il n’est pas très prolétarien. Le meilleur, c’est sans doute quand il se gargarise en comparant la France et l’Allemagne : prétendre que cette dernière ne vaut pas la France sur le plan des apports culturels, c’est du dernier comique, surtout dans la bouche d’un romantique.
Très intéressant en tous les cas ce texte. Merci Catinus.
Effectivement, Bolcho ! Les propos du Père Hugo sont assez effrayants
et comiques comme tu dis, en ce qui concerne " l'apport " de l'Allemagne.
De plus, on a parfois la désagréable impression que Tonton Adolf n'est pas loin ... Gloups !
Je vous recommande chaleureusement la lecture de ce petit ouvrage !
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