Micharlemagne

avatar 30/12/2009 @ 19:55:47
La réponse me paraît aller de soi : Wagner a plongé dans des mythes célébrant une Allemagne forte, guerrière, renouvelée et triomphante, renaissant de ses cendres (non ?). Quoi de mieux pour plaire à Hitler ? D’autant plus que la majesté de la musique de Wagner convient parfaitement aux démonstrations de force et aux marches triomphales, grandes spécialités des nazis..

Je ne sais pas si je dois te suivre sur ce terrain. Il ne me semble pas que la Tétralogie célèbre une Allemagne forte et triomphante, etc. Qu'elle soit inspirée par les mythes scandinaves et germaniques et, aussi, par un grand poème épique du XIIIe siècle, d'accord. Que la légende de Siegfried, qui remonte sans doute à une épopée austrasienne du VIe siècle, soit la célébration du héros pur et juste, d'accord. Mais ce qu'en fait Wagner n'est qu'une très libre interprétation qui ne va pas dans ce sens.
Mais Lohengrin vient du cycle arthurien - il est le fils de Perceval - Parsifal, justement, aussi. Tannhauser vient d'un poème de Wolfram von Eschenbach et le thème en est la rédemption par l'amour.
J'ignore l'origine du Hollandais volant mais il mes semble qu'elle est commune à l'Angleterre et à la Hollande, plutôt qu'à l'Allemagne. Tristan et Isolde sont plutôt irlandais. Bref, l'inspiration de Wagner ne semble pas résider dans l'idée de célébrer une Allemagne triomphante.
Bon, maintenant, que les nazis aient trouvé dans certains extraits de ces opéras des musiques triomphales et très impressionnantes, on est bien d'accord. Mais ils ne sont pas les seuls... Souviens-toi d' "Apocalypse now".

Coïncidence curieuse : hier soir sur Radio Classique, à propos de musique donc, Pivot a évoqué le fait que les descendants de Wagner auraient été vus souvent parader en compagnie de Hitler. Ça par contre, ce n’est sûrement pas un hasard.. :o)

Très exact... Winifred Wagner avait fait la connaissance d'Hitler en 1923 et était une de ses intimes. Mais il s'agissait d'une Anglaise, épouse de Siegfried Wagner, lui-même fils de Richard. Siegfried est mort en 1930 et Winifred assuma la direction du festival de Bayreuth à partir de sa mort. De 1933 à 1939, Hitler se rendit chaque année au festival et, naturellement, on voit Winifred parader au côté de son ami. Il y a cependant des commentateurs pour dire que si la Propaganda Abteilung n'a jamais pu mettre la main sur le Festival, c'est grâce à cette amitié. Se non è vero... Mais enfin, de là à essayer d'en faire une héroïne de la résistance au nazisme...
(Voir
http://richardwagner.free.fr/index_02.htm

Torquemada

avatar 31/12/2009 @ 01:37:47
Très chers tous,

Suite à cette discussion enflammée, je vous livre à l’état brut quelques extraits du chapitre introductif du musicologue D. Bosseur sur R. Wagner que vous pourrez trouver en intégralité en référence [1]. J’attire votre attention sur la fin de cet extrait :

….Si sa production inclut des lieder, des sonates pour piano, des symphonies, un poème symphonique, voire des marches, c’est toutefois dans le drame lyrique que Wagner manifeste le plus intensément la novation de sa démarche créatrice ; sa tentative de renouveler la forme de l’opéra traditionnel, par l’introduction de ce qu’il appelle la « mélodie continue » et du « leitmotiv », va de pair avec une conception du drame grec fondé sur le mythe et la force irrationnelle de la musique pouvant aboutir à un nouvel art Allemand. L’aspect nationaliste de ce projet n’a pas échappé à une récupération idéologique et à sa glorification pour des fins détournées au moment de l’avènement du IIIe Reich ; on n’oubliera pas toutefois que Wagner était déjà mort depuis cinquante ans quand Hitler prit le pouvoir ; faire de l’auteur de Parsifal un nazi par avance serait un contresens aussi odieux que stupide….

Le musicologue n’évoque pas ici les relents antisémites du compositeur qui ne peuvent être remis en cause bien évidemment. L’antisémitisme n’est qu’une composante du nazisme, ne l’oublions pas.

[1] D.Bosseur, «Richard Wagner » - Histoire de la musique occidentale – J. et B. Massin – Edition Fayard 1983

Bien à vous
T.T.

Shelton
avatar 31/12/2009 @ 04:23:11
Voilà, on parle musique alors parlons-en !

Je viens d'acheter, fortement influencé par le débat en cours, hier, chez mon bouquiniste préféré, Histoire de la musique d'Emile Vuillermoz, un ouvrage de 1973, publié par Fayard.

Il faut dire qu'au delà du débat sur musique et politique, je suis en train de lire le second carnet de Max Liebermann, un roman policier de Franl Tallis portant le nom de : Du sang sur Vienne. Or, l'affaire criminelle est sur fond musical avec justement la récupération de certains thèmes musicaux par des pangermanistes...

Il fallait donc que j'ailler chercher d'autrtes précisions dans l'histoire musicale. Ce livre de Vuillermoz n'est pas encore critiqué sur le site mais je ne sais pas si quelqu'un le connait. Appel lancé mais moi je plonge de dans !

Le rat des champs
avatar 31/12/2009 @ 06:23:28
L'histoire de la musique de Vuillermoz est assez neutre et contient peu de parti-pris. Je crois qu'elle est bien antérieure aux années 70 puisque je l'avais déjà lue dans les années soixante. Elle fait une large place à certains compositeurs français un peu oubliés, passés de mode comme Vincent d'Indy ou Albert Roussel. A l'époque, mais c'est loin, je me souviens avec beaucoup plus de plaisir de l'œuvre de Roland de Condé, plus vivante et plus richement illustrée. Il y en avait une autre plus vivante et passionnée, écrite par un chef d'orchestre allemand dont j'ai oubliée le nom, publiée chez Marabout. J'ai déjà plusieurs fois écumé les solderies en livres et les bouquinistes pour retrouver Roland de Condé mais en vain.

Shelton
avatar 31/12/2009 @ 09:13:14
Effectivement, pour revenir ce que dit Le Rat, cette édition que j'ai achetée a été complétée par Jacques Lonchampt post mortem. Pour le reste je n'ai lu que ce qui concerne Wagner donc trop tôt pour porter un jugement.

Oburoni
avatar 31/12/2009 @ 10:44:43
Très chers tous,

Suite à cette discussion enflammée, je vous livre à l’état brut quelques extraits du chapitre introductif du musicologue D. Bosseur sur R. Wagner que vous pourrez trouver en intégralité en référence [1]. J’attire votre attention sur la fin de cet extrait :

….Si sa production inclut des lieder, des sonates pour piano, des symphonies, un poème symphonique, voire des marches, c’est toutefois dans le drame lyrique que Wagner manifeste le plus intensément la novation de sa démarche créatrice ; sa tentative de renouveler la forme de l’opéra traditionnel, par l’introduction de ce qu’il appelle la « mélodie continue » et du « leitmotiv », va de pair avec une conception du drame grec fondé sur le mythe et la force irrationnelle de la musique pouvant aboutir à un nouvel art Allemand. L’aspect nationaliste de ce projet n’a pas échappé à une récupération idéologique et à sa glorification pour des fins détournées au moment de l’avènement du IIIe Reich ; on n’oubliera pas toutefois que Wagner était déjà mort depuis cinquante ans quand Hitler prit le pouvoir ; faire de l’auteur de Parsifal un nazi par avance serait un contresens aussi odieux que stupide….

Le musicologue n’évoque pas ici les relents antisémites du compositeur qui ne peuvent être remis en cause bien évidemment. L’antisémitisme n’est qu’une composante du nazisme, ne l’oublions pas.

[1] D.Bosseur, «Richard Wagner » - Histoire de la musique occidentale – J. et B. Massin – Edition Fayard 1983

Bien à vous
T.T.


Naaan

Il analyse Wagner en tant que musicologue, et en tant que tel se limite a la musique de Wagner : ses oeuvres sont-elles ou ne sont-elles pas nazies avant l'heure ? Evidement que non; tout le monde est d'accord la-dessus ( et Micharlemagne a amplement démontré pourquoi ). Que les nazis les aient repris a leur compte de la facon dont ils les ont repris est donc "stupide et odieux".

MAIS au-dela de la musique il y a l'homme Wagner; un homme pronfondément antisémite, convaincu de l'influence rapace des Juifs dans la culture allemande... Un tel homme auraient-il pu adhérer au nazisme ? Ben, clairement, oui.

Torquemada

avatar 31/12/2009 @ 12:08:15

MAIS au-dela de la musique il y a l'homme Wagner; un homme pronfondément antisémite, convaincu de l'influence rapace des Juifs dans la culture allemande... Un tel homme auraient-il pu adhérer au nazisme ? Ben, clairement, oui.


Très cher Oburoni,

La dernière phrase de votre commentaire ne peut être acceptée. Rappelez-vous que l’histoire se construit avec des faits, pas à l’aide des suppositions qui sont censées vous (nous) arranger. L’inquisition a-t-elle été plus implacable qu’on ne le pense ? Louis XVII aurait-il pu régner sous une monarchie constitutionnelle ? Napoléon a-t-il été empoisonné ? Sarkozy aurait-il pu être plus efficace à Copenhague ? …Autant de questions pour lesquelles vous pouvez répondre par « Ben, clairement, oui » ou par « Ben, clairement, non » selon celle envisagée et selon vos convictions.

Bien à vous
T.T.

Saint Jean-Baptiste 31/12/2009 @ 12:14:59
Un tel homme aurait-il pu adhérer au nazisme ? Ben, clairement, oui.
(dixit Oburoni)

Procès d’intention, ça Oburoni ! Pas beau… ! ;-((

Micharlemagne

avatar 31/12/2009 @ 12:16:41
Oui, d'accord... Mais au risque de me répéter, il ne faut pas commettre d'"a posteriorisme" absurde. Il aurait certainement pu être nazi, mais peut-être pas plus que Bismarck ou que Frédéric II ou que Frédéric Barberousse ou que... Karl Marx. Mais on entre là dans le domaine des suppositions. On peut toujours supposer que Wagner, se rappelant de ses jeunes années révolutionnaires, ait adhéré au spartakisme... Si on va par là, tout est possible (et son contraire). Donc, j'adhère pleinement à l'extrait que nous a donné Shelton qui, modéré et sans passion, résume assez bien la question.

Micharlemagne

avatar 31/12/2009 @ 12:19:44
Oui, d'accord... Mais au risque de me répéter, il ne faut pas commettre d'"a posteriorisme" absurde. Il aurait certainement pu être nazi, mais peut-être pas plus que Bismarck ou que Frédéric II ou que Frédéric Barberousse ou que... Karl Marx. Mais on entre là dans le domaine des suppositions. On peut toujours supposer que Wagner, se rappelant de ses jeunes années révolutionnaires, ait adhéré au spartakisme... Si on va par là, tout est possible (et son contraire). Donc, j'adhère pleinement à l'extrait que nous a donné Shelton qui, modéré et sans passion, résume assez bien la question.

Sorry, je voulais dire Torquemada, bien sûr.

Oburoni
avatar 31/12/2009 @ 13:17:33

La dernière phrase de votre commentaire ne peut être acceptée. Rappelez-vous que l’histoire se construit avec des faits, pas à l’aide des suppositions qui sont censées vous (nous) arranger. (...) Autant de questions pour lesquelles vous pouvez répondre par « Ben, clairement, oui » ou par « Ben, clairement, non » selon celle envisagée et selon vos convictions.


Hé hé... :-))

Oui mais je dis bien "auraient-il PU adhérer au nazisme", question a laquelle je reponds "certainement oui"parce que je ne vois pas comment on peut écarter cette hypothese au vu de ses idées antisémites.
Si javais demandé "aurait-il adhéré au nazisme" -question différente-, en apportant toujours la meme réponse, la vous auriez pu m'accuser de procés d'intention... ;-)

Bien sur il ne s'agit pas de mes convictions ou de ce qui m'arrange, mais des convictions de Wagner ( et non le contenu de sa musique, sur lequel tout le monde s'accorde ) et leurs POSSIBLES répercussions sur l'attitude qu'il aurait PU avoir a une époque qu'il n'a PAS connu... Ce qui n'est pas de l'histoire mais des spéculations; ce que personne ne remets en cause depuis le début de ce fil.

Provis

avatar 31/12/2009 @ 16:15:14
..... Bref, l'inspiration de Wagner ne semble pas résider dans l'idée de célébrer une Allemagne triomphante.
Bon, maintenant, que les nazis aient trouvé dans certains extraits de ces opéras des musiques triomphales et très impressionnantes, on est bien d'accord. Mais ils ne sont pas les seuls... Souviens-toi d' "Apocalypse now".
On a même eu droit à ça pour un défilé du 14 juillet, sous Sarkozy 1er !
Bon, ici aussi on va éviter les extrapolations à connotation politique.. :o)

Pour le reste sûrement tu as raison, Wagner n'est sans doute pas aller puiser son inspiration dans les questions politiques, mais il me semble tout de même que c'est souvent l'Allemagne en tant que nation qui, en arrière-plan au moins, est évoquée sinon célébrée. Ce qui bien sûr n'était pas fait pour déplaire à Hitler, d'autant plus que l'antisémite de Wagner ne lui était sûrement pas inconnu..

Micharlemagne

avatar 31/12/2009 @ 16:33:00
Il y a quand même de curieuses ironies dans l'histoire. On nous dit qu'Hitler, après la mort de sa mère en 1907, retourna mener sa vie de Bohême à Vienne, se repaissant des opéras de Wagner montés par le Wiener Hofoper. Or, à cette époque, le directeur musical de ce prestigieux théâtre était Gustav Mahler. Or Mahler était juif. Donc Hitler a dû se délecter à l'écoute d'oeuvres dirigées par un Juif... Singulier, quand même...

Débézed

avatar 01/01/2010 @ 15:12:46
Il y a quand même de curieuses ironies dans l'histoire. On nous dit qu'Hitler, après la mort de sa mère en 1907, retourna mener sa vie de Bohême à Vienne, se repaissant des opéras de Wagner montés par le Wiener Hofoper. Or, à cette époque, le directeur musical de ce prestigieux théâtre était Gustav Mahler. Or Mahler était juif. Donc Hitler a dû se délecter à l'écoute d'oeuvres dirigées par un Juif... Singulier, quand même...


Pour lire une belle ironie de ce genre, lire "Mendessohn est sur le toit" de Jiri Weil, un juif tchèque qui organisé sa mort pour se dissoudre dans la vie souterraine de Prague pendant la guerre. Heidrych, sortant du Rudoffinum à Praque pendant la guerre, a remarqué que parmi les statues implantées sur le toit l'immeuble figure celle de Mendessohn, il exige alors qu'elle soit descendue. Mais les deux soldats chargés de cette mission ne connaissent pas le musicien et descendent celui qui a le plus gros nez, pensant comme on le leur a appris que c'est lui le juif, qui est en fait Wagner le musicien adulé du brave Adolf !

Saint Jean-Baptiste 01/01/2010 @ 17:52:03
Ce serait bien que Prince Jean revienne sur le site pour nous parler musique… rien que de musique.
;-))

Débézed

avatar 01/01/2010 @ 18:17:27
Deux fois la même faute à Mendelssohn ! C'est beaucoup pour un seul homme !

Micharlemagne

avatar 02/01/2010 @ 09:09:54
Ce serait bien que Prince Jean revienne sur le site pour nous parler musique… rien que de musique.
;-))

Oui. Ou pour nous chanter : "En revenant de la Lorraine".

Shelton
avatar 03/01/2010 @ 12:19:56
Musique et idées politiques... un thème transversal du roman policier que je viens de lire et critiquer... "Du sang sur Vienne" est, d'ailleurs, un excellent roman policier !

Shelton
avatar 07/01/2010 @ 13:50:58
Nous revoilà sur ce sujet très particulier. Pas pour relancer le débat dans ses retranchements mais pour signaler un ouvrage que j'ai ressorti de ma bibliothèque, j'ai même du enlever un peu de poussière :
Le destin juif et la musique, trois mille ans d'histoire.
Frans C. Le maire, éditions Fayard, 2001

Il y a un grand chapitre sur "Musique et antisémitisme". Je ne veux pas le résumer de peur d'en déformer la substance. Mais il faut le lire car c'est très bien fait...

La dernière partie de l'ouvrage donne des biographies de 150 compositeurs ou musicologues juifs comme Leonard Berstein, Philip Glass, Gustav Malher, Felix et Arnold Mendelssohn, Jacques Offenbach...

Voici donc un ouvrage à lire et qui doit être accompagné de moult écoutes des meilleurs morceaux musicaux de chacun des compositeurs...

Torquemada

avatar 07/01/2010 @ 17:42:37
Nous revoilà sur ce sujet très particulier. Pas pour relancer le débat dans ses retranchements mais pour signaler un ouvrage que j'ai ressorti de ma bibliothèque, j'ai même du enlever un peu de poussière :
Le destin juif et la musique, trois mille ans d'histoire.
Frans C. Le maire, éditions Fayard, 2001

Il y a un grand chapitre sur "Musique et antisémitisme". Je ne veux pas le résumer de peur d'en déformer la substance. Mais il faut le lire car c'est très bien fait...

La dernière partie de l'ouvrage donne des biographies de 150 compositeurs ou musicologues juifs comme Leonard Berstein, Philip Glass, Gustav Malher, Felix et Arnold Mendelssohn, Jacques Offenbach...

Voici donc un ouvrage à lire et qui doit être accompagné de moult écoutes des meilleurs morceaux musicaux de chacun des compositeurs...


Très cher Shelton,

Effectivement, cet ouvrage semble parfaitement adapté à la discussion ouverte ici-bas. Pour celles et ceux qui seraient intéressés par une critique de celui-ci (proposée par Laure Schnapper), elle est disponible sur le Net en version Acrobate dans la revue "Archives de sciences sociales des religions" d'octobre 2003. Je vous livre ci-dessous un lien vous permettant de charger cette critique :

http://torquemada.perso.sfr.fr/Frans_C_Le_maire.pd…

Bien à vous
T.T.

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