Giny 05/08/2005 @ 18:00:20
Il y repense, ce matin en se rasant avec sa toute nouvelle mousse, celle qu’il avait achetée au rabais dans une foire poussiéreuse, obscure, il repense au scénario échafaudé dans la moiteur de ce jeudi de juillet.
Ce jour-là, alors qu’il était planté devant la vendeuse, une amie de sa femme, trop occupée à le convaincre d’acheter sa mousse-miracle, ‘véritable exploit de la science qui laisse la peau douce et nette’ pour remarquer son air soucieux, il repensa au caractère misérable de son existence. C’était vrai, après tout : tous les jours, sortir de son foyer au pas de course, se faire bousculer sur le trottoir par des passants hargneux qui ne pensent qu’à une chose dès qu’ils sortent de leur lit douillet : vite y retourner. Et puis, surtout cette mégère qu’il était obligé de se traîner depuis des années, sous le prétexte obscur qu’il avait signé, dans la folie de la jeunesse, un papier ridicule. Non vraiment, il n’en pouvait plus. Mais quand même, il fallait avouer que cette belle inconnue, rencontrée au hasard d’une rue un mois auparavant, n’était pas étrangère à ce plan, bien au contraire. Bizarrement, pour une fois, il avait été suffisamment hardi pour l’aborder, et ses efforts avaient été récompensés. Elle, Mandra, avait accepté de sortir avec lui le douze, quelle coïncidence, justement le jour où sa femme, Line, se ressourçait chez une amie, médium de son état, qui organisait des séances de télépathie. Cette chère Line, avant ça, elle avait déjà testé l’acupuncture, des séances spirituelles dans une abbaye, elle prétendait que ces charlatans l’aidaient à entretenir son précieux karma.
Le 12, donc, il l’emmena dîner au ‘Pharaon’, et là, il eut une illustration de ce qu’aurait été sa vie au paradis : une femme saine, normale, avec qui il pouvait enlever le masque de froideur et d’indifférence qu’il arborait en face de Line, qui pouvait être son double féminin et dont il pouvait être le héros.
Le lendemain, il se résolut à parler à Line, alors qu’elle était en train de décorer le mur du salon d’un tableau hideux représentant un troupeau de moutons en transhumance. Elle l’écouta d’une oreille distraite, occupée à boire le sirop contre la toux que lui avait prescrit son médecin. Lorsqu’il finit sa diatribe, elle énonça d’une voix tranquille : « Mais bien sûr mon chéri, voudrais-tu un jus de pamplemousse frais ? Je viens d’en faire, il est excellent. C’est vrai qu’avec la hausse de l’alimentaire ces derniers temps, et surtout des fruits de caractère tropical, on devrait établir une limite, mais je n’ai pas résisté à les acheter, ils avaient l’air tellement juteux… ».Et elle continua à parler, et parler, et discuter de l’impact de la bourse sur la vie de tous les jours, et puis de la nécessité d’arroser souvent les bonzaïs pour ne pas les laisser dépérir, du chocolat suisse, du prix des billets d’avion. Elle ne s’arrêtait pas de parler, d’un milliard de sujets différents, qu’il sentit sa tête exploser. Il sortit comme une flèche dans les minutes qui suivirent. Il renonça à lui reparler de ce sujet, et décida de passer aux choses sérieuses : la seule solution qui lui restait était le meurtre.
Il passa en revue toutes les techniques, tandis qu’un bourgeon d’idée entamait un décollage dans son esprit : l’empoisonnement ! Mais oui, pourquoi n’y avait-il pas pensé plus tôt ! Il n’avait qu’à saupoudrer quelques grains de ce poison incolore que lui avait fait en cadeau quelques années auparavant un asiatique de ses amis, féru de drogues en tous genres dans la tisane matinale de sa femme. Il le dénicha, au milieu de sa bille fétiche et de son poignard ‘kriss’, souvenirs de son enfance, et de bouquins de physique poussiéreux traitant de relativité et d’inertie dans une vieille malle, rangée dans le grenier et décida d’exécuter sa tâche morbide le plus tôt possible.
Il revit Mandra une semaine plus tard, et tous ses scrupules ou hésitations s’évanouirent, sa volonté était incassable, il lui fallait posséder cette femme à tout prix. Aucun paramètre ne viendrait troubler son projet, il s’était assuré de l’absence de la femme de ménage noctambule, et qui ne venait donc travailler que tard le lendemain matin. Elle découvrirait elle-même le corps inanimé de Line, tandis que lui irait nonchalamment à son travail. C’était décidé, le lendemain serait le jour idéal, et ironie du sort, la météo annonçait un soleil éclatant, un signe du destin, à croire que même les éléments naturels étaient ligués contre sa femme, l’appuyant dans sa tâche macabre.
Enfin le jour fatidique est arrivé. Il sourit, en repensant aux moments heureux passés avec Mandra, et à Line allongée dans son lit, tout près, prête à boire sa dernière tisane, quand soudain il ressent une étrange faiblesse, une torpeur irrésistible l’envahir. Il sent l’arôme mentholé de cette mousse à raser qui l’envahit tout à coup, et repense étrangement à son ami asiatique qui lui vantait les mérites de ce nouveau poison ‘redoutable, un véritable exploit de la science, qui traverse la peau, mais qui a une odeur caractéristique assez forte’. Il suffoque à cette dernière évocation, glisse le long du lavabo, essaie de lutter, d’ouvrir les yeux, et la dernière chose qu’il voit c’est sa femme, qui parle, parle, n’arrête pas le flot de ses paroles, encore et toujours…

Kilis 06/08/2005 @ 09:58:11
T'u t'en sors bien Giny! Situations un peu classique mais bien menée. Quelques maladresses de temps et passages d'un personnage à l'autre parfois un peu confus mais je le répète l'exo était difficile. Les mots imposés sont assez bien placés et j'ai trouvé exquise "la femme de ménage noctambule".
La chute à la "est pris qui croyait prendre" c'est pas mal trouvé.
Voilà, au prochain exo?

Sahkti
avatar 06/08/2005 @ 12:01:41
Giny, je te le redis, je ne comprends pas pourquoi tu as peur de participer, tu té débrouilles bien! J'aime bien ce texte. Il est écrit avec une certaine élégance et même si il y a ci et là quelques petites maladresses, je trouve ça bien. L'atmosphère me plaît. Tu as réussi à caser tous les mots sans que ça se sache, ça ne fait pas du tout bricolé. Le scénario est assez classique oui, mais tout cela est fluide et donne une histoire agréable à lire.

Lyra will 06/08/2005 @ 12:12:55
Mais oui, tu t'inquètes pour rien !
Et dire que ce sont tes premiers textes ! j'imagine pas dans quelques temps :0)

C'est bien écrit, j'ai bien aimé l'histoire, la chute, la mousse qui traverse la peau, la femme qui n'arrête pas de parler, jusqu'au dernier soupir.
Ça m'a vraiment plu, trés bon Giny.

Yali 06/08/2005 @ 12:22:24
Oui, pas d'inquiétude à avoir Giny, ça roule. Pour les petits heurts ici et là, faut se faire lire par quelqu'un d'autre avant de poster. N'empêche, c'est une histoire rondement menée et bien ficelée que tu as écrit là, et vu de la difficulté de l’exercice : chapeau !

Krystelle 06/08/2005 @ 23:47:37
Ton histoire se tient plutôt bien et les quelques maladresses ne gènent pas trop la lecture. J'aime bien aussi l'idée finale de l'arroseur arrosé...
Tu devrais peut-être aérer un peu plus (saut de lignes) pour faciliter la tache du lecteur.
Je me joins à l'opinion générale selon laquelle tu devrais continuer à poster sans retenue!
Juste une question qui n' a rien à voir avec ton texte, fallait-il placer le mot "bourse"??? Je l'ai lu dans 3 ou 4 textes et ne l'ai pas vu dans les contraintes...

Giny 06/08/2005 @ 23:58:16
Merci Krystelle pour tes encouragements, et oui j'ai vérifié, il ne fallait pas placer le mot bourse.Pourtant, bizarrement, je l'avais cru

Bluewitch
avatar 07/08/2005 @ 16:29:10
Ben ou, pour tes premiers textes, tu ne t'en sors pas mal du tout! L'idée est bonne, même si un peu classique. Le tout a du rythme et c'est plaisant.
Seul reproche, je trouve que tu fais des phrases trop longues, phrases à l'intérieur des phrases et ça alourdit l'ensemble. Sinon: bravo!

Mentor 07/08/2005 @ 22:51:36
C'est très bien Giny! Tu as déjà un beau brin de plume! Et bien placé... ;-)
Sans blague hein? Je ne dis pas ça pour te flatter bêtement et pour que tu te crois déjà arrivée, pas du tout!
Tu as du vocabulaire, tu construis des phrases solides sur un scénario qui tient la route même si ça reste classique.
Bref: tu as de très bonne bases.
Ma seule petite gêne: la "volonté incassable", alors tu vois, c'est pas grand chose!
Continue Giny, à la demande générale: CONTINUE!!
:-))))
ps: pour le mot "bourse", moi aussi je l'ai mis, et j'ai été entraîné par le mot "hausse" qui, lui, était imposé...

Nothingman

avatar 08/08/2005 @ 14:16:29
Variation sur le thème connu de "L'arroseur arrosé". Très bonne entrée en matière, Giny! Petit bémol : effectivement, quelquefois les phrases ont tendance à se rallonger et à devenir kilométriques. Mais rien de bien grave...-). Bravo et au prochain exo! -)

Tistou 22/08/2005 @ 17:32:38
Compte tenu de la difficulté à intégrer ces fichus mots, réussir à faire une histoire est méritoire. Ca se tient, ça ne fait pas bric à brac, bravo !

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