Lyra will 05/08/2005 @ 17:56:44
                     Paradis, le 12 novembre

Mon ange,

Un an déjà que je suis parti, alors peut-être, me suis-je dit, qu’il était temps que tu reçoives une lettre de là-haut.
J’ai du convaincre les anges de me laisser t’envoyer un mot, tu sais, ce n’est pas coutume ici, je leur ai, en échange, donner quelques souvenirs.
Les plus précieux.
Oui, ça marche comme ça ici, on paye en souvenirs, si bien que dans quelques temps, je ne me souviendrais sans doute de rien, mais je te garde toi, pour moi, quitte à descendre six pieds sous terre s’ils le veulent, tu ne seras jamais une inconnue.
Alors dans 24 h j’aurais trois souvenirs en moins, quand cette lettre te parviendra, je ne les aurais plus, mais ils seront encore à toi. Comme par télépathie à trop longue distance.
Je leur ai cédé un de nos souvenirs à tous les trois, sur la terrasse, tu sais lorsque Lucas ne prononçait les mots qu’à moitié, il raffolait de pamplemousse… « Mousse ! Mousse !! » Qu’il s’écriait, et on riait, et tu rayonnais, mâchouillais la paille qui se baignait dans ton sirop tropical, tu faisais tout le temps ça avec les pailles. Puis venait le tour du jeu alimentaire, tu devais saupoudrer le pamplemousse de tes doigts de fée, décorer l’assiette sans faire de tâche, ma petite Fée maladroite… on riait de plus belle…

Oui, tu vois les anges ne sont pas ce que l’on croit… on les pense heureux… au contraire, ils sont tellement tristes qu’ils se nourrissent de nos souvenirs pour avoir l’impression d’avoir vécu, il n y’a jamais de soldes, juste une hausse qui me fait peur.
Le deuxième souvenir, c’est notre mariage, tu t’en serais douté. Toi à moitié habillée, ou plutôt à moitié déshabillée, qui ouvrais la malle impatiemment pour sortir la robe ancienne, mes mains qui resserraient les lacets délicatement dans ton dos, entre deux baisers.
En théorie, le marié ne doit pas voir son ange avant, mais qu’est-ce que je craignait, à part des minutes de bonheur en plus, nous on préférait pratiquer la vie… On ne croyait pas vraiment à ce genre de science, les signes et autres présages… on prenait les problèmes trop fréquents pour des coïncidences, rien de plus, et puis on avait une existence pour nous, rien qu’à nous, alors le reste…
On est sortis, tu as perdu ta chaussure sur le trottoir, on riait tous les deux, comme des enfants, tout le monde t’appelait Cendrillon, mais je préfère mon ange, ça te va tellement mieux. La météo était étrange, le soleil jouait au Loup avec de gros nuages obscurs, jusqu’à ce qu’ils l’attrapent, le mordent. Alors il s’est mis à pleurer, jusqu’au soir. De gros sanglots qui ont arrosé ce jour comme autant de larmes de joie.
Tu avais un si joli bouquet, des roses et des lys, certaines fleurs encore en bourgeons, comme le début d’un amour, d’années qui vont s’ouvrir peu à peu devant nous…
Alors on s’est mariés, jusqu’à ce que la mort nous sépare, elle nous a séparé.
Devant une petite abbaye en ruine, tu aimais ça, les ruines. Les choses incassables semblaient pour toi n’avoir aucune histoire, tu disais que la moindre chose sur cette terre devait s’abîmer dans les regards, devait laisser un peu de sa vie dans les yeux émerveillés de celui qui la regarde.
Je me souviens de ton rire, lorsque les moutons sont passés sur le chemin de pierre, dans un boucan incroyable, en plein milieu de la cérémonie, la transhumance… on aurait du y penser.
Tu t’en souviendra pour deux de ce jour-là, s’il te plait.
Le troisième souvenir, c’était notre premier carnaval à tous les trois, Lucas avait six ans. C’était sa première nuit de noctambule. Je devais me déguiser en super-héros, avec masque évidemment, et faire exploser la tête de je ne sais plus quel méchant sanguinolent. Moi je préférais pharaon, pour coller avec la plus belle des égyptiennes, mais bon, pour son sourire…
Le petit lui, s’était fait robin des bois le temps d’une nuit, armé de flèches et de malice. C’est ce jour-là qu’il nous a avoué qu’il voulait se lancer dans l’acuponcture, tu te souviens, il pensait que l’on pouvait se servir de flèches et d’épées, il s’imaginait déjà tout un tas de scénario, on a mis un temps fou à lui expliquer qu’on ne pouvait pas dégager une épée d’un corps aussi facilement... Ses yeux nous regardaient comme deux grandes billes bleues, ça a du avoir un sacré impact, on en a pu entendu parler…

Trois souvenirs volés par les anges.



Je sais que cette lettre défie tous les paramètres logiques de la relativité, mais tout ça n’est rien, on s’aime suffisamment pour que tu me reconnaisses dans ces mots.
Je te demande une chose, ais le plus de souvenirs possibles, des milliards si tu peux, vis sans limite pour qu’on ne puisse jamais te les voler, et quand tu me rejoindras, tu me les conteras comme si je ne les avais jamais oublié. Comme une illustration, des collages qui me redessineront notre vie.
Promets le moi…


A toi mon ange, mon double, ma fée maladroite.

Giny 05/08/2005 @ 18:12:20
C'est pas bien ça Lyra d'écrire des textes aussi beaux..tu fais pleurer les copines.Les larmes ont commencé à descendre au milieu de ton texte et puis..comment te dire...c'est tellement émouvant, ca m'a touchée droit au coeur, tout simplement, c'est juste...j'arrive pas à trouver les mots..c'est sublime, c'est vraiment magnifique,voilà, les larmes me brouillent les yeux, j'arrive même plus à lire ce que j'écris.Merci Lyra

Krystelle 05/08/2005 @ 18:21:00
Oui ce texte est beau parce que l'idée de départ est très poètique je trouve. Les mots coulent, les 50 comme les autres... Lyra j'apprécie de plus en plus ta prose!

Kilis 05/08/2005 @ 23:46:22
Pour ce qui est de l’écriture proprement dite, Lyra, je trouve que ta prose tient de mieux en mieux la route et a un avenir certain.
En ce qui concerne le fond, c’est une jolie histoire mais un rien trop romantique pour mon goût.
Cependant j’ai beaucoup apprécié certains passages comme celui-ci :
« (…) tu disais que la moindre chose sur cette terre devait s’abîmer dans les regards, devait laisser un peu de sa vie dans les yeux émerveillés de celui qui la regarde. »

Il y a quelques fautes de conjugaison mais je laisse à Provis le plaisir de les corriger.

En tous cas : Bravo, pas facile cet exo.

Spirit
avatar 06/08/2005 @ 00:13:40
Très joli texte et après on me reproche de faire dans le tragique?
La mélancolie qui coule de ton texte est d'une extrème douceur et d'une grande tendresse.
J'ai l'impression de lire une lettre qui ne m'est pas adressé.Une lettre d'amour que quelqu'un a oublié sur un siège et que je regarde avec un sentiment de voler une chose qui n'est pas à moi.
Bravo!le but de l'ècriture est de provoquer des émotions c'est réussit.

Bluewitch
avatar 07/08/2005 @ 16:54:00
Ce texte n'est pas mal écrit du tout, Lyra. Il verse dans le léger, l'éthéré et le mélancolique. J'ai trouvé l'idée moins originale que pour l'exo "Conversation", un peu plus mièvre et ça m'a un peu moins plu. Trop de tragique, de romanesque et bon, c'est un peu fleur bleue, je trouve.
Mais ta plume prend davantage d'aisance et c'est bien. :o)

Sahkti
avatar 07/08/2005 @ 20:14:49
Quelques fautes d'accords et d'ortho Lyra, je suis sûre qu'ne relisant, il n'y en aurait plus.
Sur l'exercice en lui-même avec les 50 mots, rien à redire tout y est et tu as réussi à glisser tout cela sans que ça heurte les oreilles.
Sur le fond, je n'ai pas accroché. Pas uniquement parce que je trouve cela un peu mièvre mais parce que ça ne colle pas du tout à la vision que j'ai de tout cela, ça m'a empêché d'accrocher à 100%. Ton texte me fait penser à "Ghost" (un film que je n'aime guère...), c'est trop "moelleux".
Sinon, en écartant cette question du fond, ton écriture s'affirme de plus en plus, les autres te l'ont dit et c'est vrai.

Leura 07/08/2005 @ 20:37:25
Et bien moi j'ai adoré. L'idée des anges qui se nourrissent de souvenirs et vampirisent les âmes mortes, c'est génial. Tu as un don, Lyra, c'est super, continue.

Giny 07/08/2005 @ 20:47:13
Et bien moi j'ai adoré. L'idée des anges qui se nourrissent de souvenirs et vampirisent les âmes mortes, c'est génial. Tu as un don, Lyra, c'est super, continue.


Suis d'accord avec Leura

Mentor 08/08/2005 @ 08:45:22
Très originale cette idée des anges qui ne peuvent "vivre" que par le souvenir des âmes qui viennent les rejoindre.
J'ai juste trouvé que le mot "hausse" t'avait vraiment mal inspirée pour que tu le places comme tu l'as fait! ;-)
Sinon: on en a pu entendu parler…: trop mignon!! :-)))
Une Lyra romantique et délicate, comme dans sa poésie. Reste comme ça puisque c'est ainsi qu'on t'aime!
;-)

Nothingman

avatar 08/08/2005 @ 14:25:59
Et bien, pour ma part, j'ai vriament aimé ce texte à la mélancolie délicate, avec des petites pointes d'émotions distillées au hasard des lignes. Plus encore que celui avec Sophie la girafe! J'aime, Lyra, quand tu arrives comme ça à tisser des atmosphères. Et il me semble que ton style a vraiment gagné en assurance ces derniers temps...

Yali 10/08/2005 @ 10:51:30
À pas de géant elle avance la ch'tite, même si, c'est vrai, trés fleur bleu, c'est une belle description des fleurs.

Olivier Michael Kim
10/08/2005 @ 11:36:31
Ah oui, j'ai aimé ton texte ! Très mignon, très frais... Un brin de fantastique, un soupçon d'imagination, une pincée de sentiments... Une belle recette!
Après, je me suis familiarisé avec ton style. Tu sais? Les phrases longues avec plein de virgules. Là, j'ai trouvé que ça coulait, vraiment bien.

Tistou 22/08/2005 @ 18:07:31
Moi je tiens à dire que je n'ai rien contre les fleurs bleues. Et les fleurs bleues de Lyra me vont très bien. Continue comme ça.

FéeClo
avatar 23/08/2005 @ 09:07:13
L'idée de base est excellente (l'échange de souvenirs). Les mots imposés sont passés presque inaperçu. Le style est léger et hyper romantique. Pour ma part, un peu trop romantique. ça m'a fait penser à un extrait de "Si c'était vrai" ;o)

Dans tous les cas, continue à écrire sur des tons différents, dans des thèmes surprenants aussi.

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