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Charles 28/07/2005 @ 08:43:11
toujours les mêmes qui trichent !

un jour d'avance sur l'heure de l'appel car pas sûr que j'ai le temps pour CL demain et ensuite je serais "théoriquement" en vacances jusqu'au lundi 8 août, jour où je commencerais à découvrir vos textes

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- "J'en veux deux! Oui, deux! On se débrouillera, tu m'entends?!"

Sûr qu’il entend, même moi qui passait à quelques mètres, j’ai entendu. Alors lui … Elle n’avait pas l’air contente cette jeune femme aux cheveux bruns, elle semblait véritablement à bout.

C’était un après midi de novembre, de nombreuses feuilles jonchaient les trottoirs des quais de l’Arve. A cette époque, je perdais mes heures à errer le long des berges froides, désertées au profit des cafés à l’ambiance douillette. Je l’avais aperçu de loin, perdue dans cette vieille cabine téléphonique, petite boite de lumière dans la pénombre naissante. Arrivé à sa hauteur, je ralentis pour l’entrevoir. La trentaine, plutôt jolie, les traits tirés dissipant une impression de fragilité touchante.

J’aurais voulu m’arrêter pour l’observer mais je n’osai pas et continuai mon chemin en tendant l’oreille. Peut être retourner en arrière pour me planter devant la cabine, inconnu en attente d’un téléphone libre, perturbateur de conversation … Je n’en fis rien.

Immanquablement, cette apparition me renvoya quelques mois en arrière. A moi aussi, un jour, une femme m’avait dit cette phrase. Peut être pas exactement celle-ci mais le sens était le même. Elle en voulait deux ! Au départ, elle en voulait même plus puis pour ne pas m’effrayer, me perdre, elle s’était résolu au minimum, enfin minimum pour elle. Ce serait deux !

Deux enfants avec ou sans toi m’avait t’elle dit ! Sur le coup, je ne l’avais pas prise au sérieux. Une conversation de plus, une dispute récurrente avais je pensé et je n’avais pas cédé ! Je n’en voulais pas, je l’avais répété, c’était comme ça et c’est tout… ainsi soit il …
Je n’avais rien vu venir, je n’avais pas croisé son dernier regard triste, je n’avais pas vu ses tremblements nerveux et je ne l’avais pas entendu partir.

Evidemment, j’avais beaucoup réfléchi depuis, sans savoir, sans comprendre, sans rien résoudre. Et finalement, j’avais choisi la voie la plus simple, celle qui ne demande aucun autre effort que celui d’attendre, l’oubli. J’avais mis tout mon cœur dans cette attente. Attendre qu’elle revienne tout d’abord, attendre de l’oublier ensuite, attendre un nouveau sens, une nouvelle vie, une autre chance …

Et voilà qu’en une phrase, une inconnue déterrait mes souvenirs enfouis et me ramenait à mes tourments. J’avais continué de marcher, résolu à chasser ces enfants de mes pensées, tentant vainement de me noyer dans l’observation méticuleuse de cet automne genevois.

Un caniche noir endimanché d’une fourrure synthétique urinait au milieu des feuilles, sur la balustrade de métal vert, sa maîtresse bourgeoise sombrant dans un ridicule burlesque en l’appelant par petits cris successifs : gingembre, gingembre … reviens ici …

Quelques bourrasques légères s’enroulaient à mes jambes …

Elle pouvait tout aussi bien parler d’autre chose. Deux quoi ? … Deux voitures, oui, deux voitures ! Elle en avait assez de devoir prendre le bus ou de marcher dans le froid pour aller travailler et elle lançait un menaçant ultimatum : tu m’achètes une voiture ou …
Non, pas possible ! On ne se met pas dans cet état pour une voiture … Deux enfants donc …

Le tram passait sur le pont de Carouge, un des derniers vieux wagons oranges me masquant en partie le Salève pas encore blanchi par la neige. Il me salua d’un long tintement menaçant, m’enjoignant avec force à ne pas m’aventurer devant lui. J’avais donc l’air si triste que le conducteur m’avait catalogué suicidaire.

Deux hommes, ce devait être deux hommes ! Elle voulait simplement un ménage à trois ! Il ne la satisfaisait pas totalement et elle allait passer une annonce : cherche jeune homme aimant se promener sur les quais, la trentaine, célibataire pour compléter trio ! La pensée d’aller proposer mes services me fit sourire. J’imaginais très bien le ridicule de la situation. Bonjour, je suis d’accord pour être votre deuxième homme ! comment ?… vous dites ? … pas deux hommes, deux enfants ?

Les stores des balcons étaient tous fermés, personne, aucune fête, aucun repas entre amis, aucun appartement rempli de vie. Je me voyais pourtant bien en personnage de Modiano, perdu dans un dédale de rues grises, surmontées de terrasses éclairées, bruyantes, remplis de destins inconnus, loin de ma solitude errance.

Deux kilos de cocaïnes ! ou de cannabis peut être ! … Deux semaines de vacances ! … deux bébés !

L’eau glacée filait sous le pont, noire, impénétrable aux regards.

Deux boulots ! Deux paires d’Afflelou ! Deux lits séparés ! … Deux canaris ! Deux chats ! … Deux bébés !

La petite fontaine de la place d’Armes était arrêtée, aucun ruissellement d’eau n’égayait les platanes nus et l’herbe boueuse …

Deux platanes ! Deux bancs ! Deux imbéciles qui ne savent pas discuter ! Deux enfants dans des corps d’adultes ! Un homme qui a peur d’être père ! Deux, pourquoi deux !

Plus rien à observer … aucun détail pour faire diversion, aucune fuite possible …

Deux qui ne font qu’un ! Un homme qui dormait, un homme qui s’éveille … peut être … Un demi tour … un pas rapide … une cabine vide … un numéro … deux sonneries … une voix, des excuses … une deuxième chance ? … Deux enfants ?

Charles 28/07/2005 @ 08:44:04
Zut ! j'ai pas mis de titre !!!! bon ben tant pis....

Zou 28/07/2005 @ 10:04:56
Zut ! j'ai pas mis de titre !!!! bon ben tant pis....

C'était quoi ?

Mentor 28/07/2005 @ 10:11:08
Charles, je mets un mot juste pour dire que je lirai plus tard... En même temps que les autres. Je ne veux pas être influencé...
;-)

Charles 28/07/2005 @ 10:15:51
Je n'en avais pas ! et avant de poster, j'ai oublié qu'il m'en fallait trouver un !!!!

du coup, tant pis, ce texte restera sans titre !

Sahkti
avatar 28/07/2005 @ 10:19:46
Je lirai plus tard aussi, je ne veux pas être influencée surtout que je n'ai encore rien écrit!

Zou 28/07/2005 @ 10:23:03
Bon, moi j'ai lu parce que le mien est bouclé aussi. Que de douceur et de tendresse dans ce texte, Charles. L'atmosphère de début d'hiver est bien rendue. Et cette femme en quelques mots tu nous la rends bien réelle, palpable. Consignes bien respectées puisque il échaffaude des tas de possibilités à partir des quelques mots entendus. Celles-ci nous permettent d'appréhender le personnage masculin et ses blessures. Seul point négatif, (pour moi, hein) les trois mots à placer me semblent faire l'objet d'un paragraphe un peu incongru dans le reste du récit très joli du reste, je l'ai dit.

Kilis 28/07/2005 @ 13:42:29
Quel beau texte Charles ! Une réflexion très… émouvante.
La rêverie d’un promeneur solitaire dans l’automne de Genève.
Comme c’est bien raconté ! On la voit tellement cette « petite boite de lumière dans la pénombre naissante »

« C’était un après midi de novembre, de nombreuses feuilles jonchaient les trottoirs des quais de l’Arve. A cette époque, je perdais mes heures à errer le long des berges froides, désertées au profit des cafés à l’ambiance douillette. Je l’avais aperçue de loin, perdue dans cette vieille cabine téléphonique, petite boite de lumière dans la pénombre naissante.»

Et, à moi elle plait bien la bourgeoise au chien-chien Gingembre.

Krystelle 28/07/2005 @ 14:25:49
J'aime bien la manière dont tu évoques les souvenirs du narrateur à partir de la fameuse phrase de la cabine.
J'aime aussi beaucoup l'idée de jouer sur la dualité:

Deux platanes ! Deux bancs ! Deux imbéciles qui ne savent pas discuter ! Deux enfants dans des corps d’adultes ! Un homme qui a peur d’être père ! Deux, pourquoi deux !


par contre, tout comme Zou, j'ai trouvé que le contraintes auraient pu être placées de manière plus subtile.

Nothingman

avatar 28/07/2005 @ 15:30:19
J'ai aimé l'atmosphère : cette douce mélancolie, ces souvenirs qui refont surface, ces regrets contre lesquels on ne peut rien. On est, pour ainsi dire, impliqué avec le personnage dans ses questionnements qui le hantent, les doutes qui reviennent le tarauder. Par contre, même remarque que les autres quant aux mots à placer. Cela aurait pu être fait plus subtilement -). Mais très beau texte, j'insiste...

Yali 28/07/2005 @ 15:55:08
Faut dire que, pas facile à placer les mots en question, mais vrai, belle ambiance, et y contibue la récurrence des deux gosses exigés, que pour ma part, j'aime beaucoup.

Spirit
avatar 28/07/2005 @ 19:12:30
Beau texte qui grimpe dans l'intencitée émotionnel. En plus tu cites télement de posssibilité de "deux" que certaines vont se retrouvés dans les prochaine écrits.

Charles 29/07/2005 @ 08:00:51
merci pour vos réactions !

pour les mots obligatoires, c'est vrai que je ne voyais pas trop comment placer le gingembre dans toute cette histoire !!!

Sibylline 29/07/2005 @ 18:06:41
Gingembre ! T’imagines ! L’année des G ! Il a au moins 12 ans, ton caniche, et tu ne l’as pas remarqué quand tu l’as regardé pisser, tout rhumatisant ? Ce que c’est que de se trouver une excuse pour placer un mot. Ceci dit, Zou a raison. Ca sent le rajouté, ce paragraphe avec tous les mots imposés. Je ne dis pas, d’accord avec
Kilis, que ce soit un paragraphe anti-pathique, mais anti-naturel, ça, sûrement. Limite triche. ;-))) Mais on s’en fiche. Ton histoire est excellente et fort bien venue. Et même très drôle « comment ?… vous dites ? … pas deux hommes, deux enfants ? » On a toujours eu un problème de compréhension avec les hommes ;-)))))))))
Non. Sans rire. On sent parfaitement la progression de la pensée de l’homme, sa maturation in extremis, mais vitesse Grand V, et cela se termine de façon très harmonieuse avec ce retour vers la cabine téléphonique et vers la femme perdue… superbe. Tu as été vraiment très inspiré par cette énigmatique sentence. Tu l’as placée au début de ton histoire, moi, à la fin.

Mentor 29/07/2005 @ 18:16:11
Ben j'ai assez apprécié, cette progression à grande vitesse du mental de l'homme .
Pareil que les autres: les mots imposés sentent trop l'imposé...
Et pour la liste des hypothèses que tu énumères, je trouve juste que l'histoire du ménage à 3 est un tout petit peu déplacée, je trouve que ça ne cadre pas trop avec la sensibilité qui ressort de l'ensemble. mais c'est mon ressenti à moi.
Emouvant et sensible oui. Bravo Charles.

Sahkti
avatar 29/07/2005 @ 18:26:19
Les mots imposés ne m'ont pas trop dérangée dans ce texte. Le "gingembre" m'a fait sourire, j'imaginais la scène. Et puis l'Arve et cette balade je la connais tellement bien! Mon esprit était vraiment plongé dans le récit, il est de suite devenu réel à mes yeux.
J'ai apprécié, beaucoup. Enormément de sensibilité et de nostalgie. Un beau cheminement des pensées également. Tout cela est assez cohérent, cela ressemble bien aux propos décousus ou surprenants qu'on peut tenir quand on se met à réfléchir tout seul et partir dans tous les sens à cause d'un simple détail. Se faire plein de films sur tout et rien. J'aime aussi la fin, son retour à la cabine, un peu d'agitation, la méditation s'achève et la vie repart à toute vitesse. Merci Charles!

Tistou 29/07/2005 @ 22:50:36
Sensibilité, finesse, le tout sur un thème pas forcément hilarant. Tu parles de Modiano. Oui il y a un peu de son désenchantement et en même temps d'une possibilité qui reste de tout sauver.
Très joli texte Charles.

Sahkti
avatar 30/07/2005 @ 22:33:55
Hop! Noyé par les rencontres, je fais remonter :)

Lyra will 31/07/2005 @ 13:00:53
Trés beau texte Charles !
Tu écris trés bien, toujours.

Donc un joli texte avec plein de phrase à relever, une que j'ai particulièrement aimé :

J’avais donc l’air si triste que le conducteur m’avait catalogué suicidaire.

On voit trés bien la petite boîte de lumière, l'ensemble est d'ailleurs trés visuel, on le voit déambuler, et puis reprendre les souvenirs comme ça, c'était une bonne idée bref, bravo !

Fee carabine 02/08/2005 @ 22:50:12
Un très beau texte. Une très jolie balade dans Genève (je ne connais pas, mais tu me donnerais envie de découvrir :-)). Et surtout, l'évolution du personnage est très très bien rendue, avec délicatesse, sensibilité et une touche d'humour, justement dans l'idée du trio - il n'y croit pas une seconde au fond, ce n'est qu'une dernière tentative de fuite, sans conviction et dont le ridicule ne lui échappe pas...

Et puis, c'est une excellente idée que ces deux bébés, vraiment, et l'oubli du titre: les grands esprits se rencontrent, et parfois ils se complètent ;-)))).

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