FéeClo
avatar 18/07/2005 @ 17:10:47
J'ai eu la chance de faire découvrir à une personne de plus ce lieu que j'affectionne tout particulièrement. Ca m'a inspiré un petit texte... j'espère que ça vous donnera envie d'aller voir ce patrimoine incomparable! Parce qu'ici je ne vous décrit que petitement la grandeur des lieux!

L’entrée dans l’église. C’est un moment que j’aime particulièrement. Je retiens mon souffle, je sais que le spectacle sera encore plus beau que mon souvenir.
Il n’y a plus de porte, ce devrait d’ailleurs être le cas pour toutes les églises. Qu’elles restent ouvertes, qu’elles nous appellent à y entrer pour prendre le frais, le calme, le silence.
Ici le silence est occupé par les chants d’oiseau, parfois un train qui passe, très vite oublié.
J’entre à pas léger, le marbre dur est remplacé par de l’herbe sauvage. Mes pieds foulent une terre ancestrale. Mon regard ne sait où se poser. Je voudrais ne pas gâcher le plaisir visuel, garder le plus grand pour l’instant ultime. Savourer ma patience comme un petit plaisir secret.
L’église est vide. Pas de statues, pas de peintures. Ni or ni argent. Dépouillée. Le mot est bien choisit pour ce lieu en ruine. Mais cette absence de décorations humaines ne la rend que plus vivante. Ce sont les plantes qui ont envahis les lieux. Le lierre s’accroche, il se tient aux pierres et les retient en même temps. Une double dépendance, qui grandit au fil des ans.
Je lève la tête pour admirer le ciel qui s’offre à moi, directement. Pas de plafonds aux mille couleurs mélangées, mais une couleur qui change selon les saisons : du gris trop présent dans notre pays, au bleu azur exceptionnel de l’été. Le toit est un trou béant, ouverture vers l’infini. Plus de séparation entre ciel et terre, tout est relié… et moi je suis au milieu.
Mes yeux descendent lentement le long du mur de gauche. Ce pan est encore très haut tout en paraissant inachevé : il me laisse imaginer la grandeur préexistante. Si je me fixe sur une pierre, à hauteur d’homme, je peux entendre les bruits du passé : le silence monastique, les chants de messe, les prières intérieures.
Je me décide à avancer encore un peu en plaçant mon regard à l’horizontal. Et c’est à ce moment-là que je vois ce chœur. Je suis assez loin pour l’admirer en son entier. Grand, somptueux, avec des pierres de teintes discrètement différentes. Il bat, ce cœur, dans ce vieux corps de pierres. La lumière s’infiltre par le nord en un rayon qui s’arrête là où était certainement placé l’autel. Je continue ma marche vers cette table imaginaire. Je m’arrête à l’endroit où le son des cloches me perce les oreilles. C’est ici que pendait sans doute la corde pour les faire balancer, d’un mouvement d’homme, un mouvement de rassemblement de la communauté.
Je ne pense plus, je ne cherche plus à traduire en mot les sentiments qui m’envahissent. J’admire, je contemple. Je pourrais remercier Dieu s’il était quelqu’un pour moi. Je pourrais remercier la Nature si elle était ma croyance personnelle. Je pourrais remercier la vie simplement. Parce que c’est elle qui remplit les lieux. C’est elle qui fait vibrer cette église. Et c’est elle qui s’envole par les fenêtres sans vitraux. Plus rien ne l’enferme, ni foi ni construction, plus aucune prison humaine. Elle revient à son état pur : aller et venir en toute liberté. La vie dans un lieu où tout pourrait ressembler à la mort.

Saule

avatar 18/07/2005 @ 20:35:49
Il y a presque un an je passais devant le site impressionnant des ruines de l'abbaye de Villers-la-Ville. J’avais logé la veille chez ma sœur à Ottignies, au petit matin j'étais parti avec mon sac de 14 kilos en direction du Sud, j'en étais à mon deuxième jours de marche dans ma progression vers Saint Jacques de Compostelle. Je n'étais pas dans l'état d'esprit d'un touriste, j'étais excité et pressé de me mesurer à la route, et aussi un peu effrayé par le nombre de kilomètres qu'il me restaient à faire (2400), bref je décidais de passer à côté sans m'arrêter.

Onze mois plus tard, c'est Fée Clo qui me permet de réparer l'outrage fait à l'abbaye, en me proposant une visite guidée des lieux.

En voiture ça va plus vite ! Il ne m'aurait pas fallu plus d'une demi-heure si je ne m'étais pas un peu égaré. Repasser sur les routes que j'avais empruntées à pied il n'y a pas si longtemps ne fait une drôle d'impression.

Quand je visite des ruines j'éprouve un sentiment de nostalgie, ou est-ce de la frustration, devant la magnificence aperçue mais pervertie par le temps et les vicissitudes de l'histoire. Je suis tenaillé entre l'émerveillement et la tristesse de savoir que je ne verrais jamais les lieux dans leur splendeur originale.

Le plus beau c'est l'église : il en reste relativement beaucoup. Le portique principal flanqué de deux tours qui semblent s'être affaissées, ensuite une immense nef à ciel ouvert, qu’on parcoure sans se presser afin de retarder le moment culminant de la visite. Et là c'est le choc : on est dans le coeur, bien conservé, il reste même un morceau de la voûte. En faisant abstraction du reste, on parvient à se projeter dans l'église d'antan, à imaginer la grandeur et le mystère qui se dégageait de l'édifice, on sent la hardiesse et l'incroyable audace des murs qui s'élancent à l'assaut du ciel. Une voûte tellement haute que les bâtisseurs avaient du ajouter des arc-boutants pour que les murs ne s'écartent pas sous les pressions.

Je me prends à rêver de gagner le loto et de financer grâce à ça l'asbl responsable de la préservation des ruines, leur permettant de reconstituer l'abbaye. Et puis je me console en pensant aux autres abbayes et cathédrales qui sont toujours debout. Je me promets d'ailleurs de retourner les visiter.

Juste en face de l'abbaye il y a un café, on y sert de la bière d'abbaye, moi c'est la Chimay que je préfère, FéeClo, elle, elle aime bien la Kriek. La Chimay me semble drôlement forte, c'est vrai que treize degré, avec la chaleur de boeuf qu'il fait, ça monte vite à la tête. A moins que ce ne soit la magie de l'abbaye qui agisse avec retard ?

Saint Jean-Baptiste 18/07/2005 @ 20:42:44
Une très très belle évocation des ruines de l'abbaye de Villers-la Ville !
C'est en effet un lieu extraordinaire : ce sont des ruines en dehors du temps, qui incitent à la méditation ; comme devraient être toutes les ruines, avec la végétation qui pousse, les herbes folles, et les arbres qu'on laisse grandir entre les pierres.
J'ai bien aimé cette évocation des marbres disparus et qui sont remplacés par l'herbe sur laquelle on marche et ce plafond qui est aujourd'hui le ciel aux couleurs changeantes de chez nous.
C'est un beau reportage, Fée Clo ! mais tu as oublié de nous dire quel est le Clien, que tu as conduis pour cette belle visite ! :o))

Saint Jean-Baptiste 18/07/2005 @ 21:02:50
Hé voilà ! 7 minutes pour ma petite bafouille et j'arrive comme le carabinier d'Offenbach !
Juste en retard pour savoir qui était le guidé de cette visite guidée de Fée Clo !
Merci à Saule pour le complément d'information sur les consommations, et le commentaire éclairé sur les bonnes bières bien de chez nous ! :o))

Tistou 18/07/2005 @ 22:05:29
Emotions laïque de Fée Clo et religieuse pour Saule. Emotions dans les 2 cas.
Reste à se rendre à Villers-la-Ville. Ou peut être plutôt rester avec les images mentales suggérées par Fée Clo ?

Fee carabine 18/07/2005 @ 22:29:19
Deux belles évocations des ruines de Villers-la-Ville. Et c'est vrai que c'est un lieu magique, aussi la nuit, et rien que pour cela, cela vaut la peine d'assister ne serait-ce qu'une fois à un des spectacles qui s'y tiennent les nuits d'été... Faut juste ne pas oublier sa petite laine ;-).

FéeClo
avatar 19/07/2005 @ 09:04:53
Merci Saule pour ta version de la visite ;o)

Rassurez-vous, la Chimay que Saule a bu n'était pas si forte.. mais c'est sans doute à force de papoter que je l'ai saoûlé. lol

SJB, toujours aussi curieux, toi!!

Krystelle 19/07/2005 @ 16:02:20
FeeClo j'ai trouvé cette description très émouvante... Je ne connais pas du tout cette abbaye mais le temps de la lecture j'y étais. Forcément on assimile toujours inconsciemment les descriptions lues à des lieux connus mais aucun vestige présent dans ma mémoire n'a pu prendre la forme de Villers-la-ville... peut-être parce qu'il y a beaucoup de toi dans cette description là.
Le récit de Saule est aussi très enrichissant et a achevé de mon convaincre d'un jour aller là-bas!

Lyra will 22/07/2005 @ 13:56:27
Je commence par toi FéeClo, ton texte est superbe, vraiment superbe.
L'écriture est... pffffiouuuu.

Je releve des phrases - image, elles sont vraiment trop belles.

Le lierre s’accroche, il se tient aux pierres et les retient en même temps. Une double dépendance, qui grandit au fil des ans.
Très belle image...

Pas de plafonds aux mille couleurs mélangées, mais une couleur qui change selon les saisons : du gris trop présent dans notre pays, au bleu azur exceptionnel de l’été.


Il bat, ce cœur, dans ce vieux corps de pierres.
Alors celle là, je vais la noter dans un carnet FéeClo :0)

C’est ici que pendait sans doute la corde pour les faire balancer, d’un mouvement d’homme, un mouvement de rassemblement de la communauté.

Pour tout te dire, j'en avais encore relever trois autres, mais bon, c'est trop long après :0) celle par exemple avec le son des prières intérieurs, ces évocations sont vraiment très belles.

Bref, que dire à part que tu m'as donné envie d'y aller !
:0)
N'avais encore jamais lu cette FéeClo là, et je suis contente de la rencontrer ;0)

Lyra will 22/07/2005 @ 14:01:21
Saule, Joli texte aussi qui offre de nouvelles images, mais j'ai l'impression que cet abbaye est plus belle en ruine qu'elle ne l'était entière, non ?
Enfin, je dis tout ça d'après les descriptions, parce que je ne l'ai jamais vu, mais on s'y croirait :0)

Merci en tout cas pour ces deux textes, vraiment un bon moment que je viens de passer en votre compagnie ! :0)

Sahkti
avatar 22/07/2005 @ 16:03:28
cela vaut la peine d'assister ne serait-ce qu'une fois à un des spectacles qui s'y tiennent les nuits d'été
Tout à fait exact ! Une ambiance étonnante dans un cadre grandiose. J'ai eu la chance de visiter cette abbaye à plusieurs reprises, notamment avec une des archéologues chargée de la restauration ainsi que du chantier de fouilles sité juste à côté. Un magnifique endroit.

Bluewitch
avatar 24/07/2005 @ 13:20:14
Et dire que j'aurais pu y être! Ah, une belle traduction d'une magie qui, elle, ne s'effrite pas avec le temps. Des textes sincères, ça se sent. Beaux et simples, pour un lieu qui le mérite sans aucun doute. On sent el grandiose à travers les lignes. Merci!

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