Les forums

Forums  :  Vos écrits  :  L'été : "L'étranger"

Spimenritor 25/06/2005 @ 13:58:26
L’homme progressait avec assurance sur l’épaisse couche de neige. Les pieds enchâssés dans des raquettes, il encaissait les rafales de vent chargé de lourds flocons sans que son allure n’en soit affectée. Tout, autour de lui, était blanc ; par endroit quelques monticules plus ou moins hauts cassaient la ligne d’horizon. Il marchait en s’aidant de deux grands bâtons sur lesquels il prenait appui afin de lutter plus efficacement contre les bourrasques.
Au bout de quelques heures il s’arrêta au pied d’un important amas de neige et s’accroupit. A l’aide d’un morceau de glace plat qu’il venait de sortir de son sac, il creusa durant quelques minutes ; jusqu’à ce qu’il dégage ce qui semblait être une entrée. Il s’engouffra à l’intérieur en tirant son sac derrière lui.
Il progressa ainsi à quatre pattes jusqu’à gagner une salle où la hauteur lui permit de se mettre debout. Il secoua ses vêtements de la neige qui les recouvrait et fit face au petit groupe de personnes qui se trouvaient devant lui. Après avoir ôté sa capuche il leva la main droite et dit :
- Que la chaleur vous conserve tous !
Ce a quoi les autres répondirent :
- Qu’il en soit de même pour toi, Evan.
Le petit groupe qui comportait un vieillard, deux femmes, trois enfants et un adolescent était déjà installé sur les peaux afin de passer la nuit. Seules éclairaient la pièce des coupelles en os pleines d’une huile qui se consumait lentement en produisant une lumière à peine suffisante pour entrevoir les visages.
Tandis que l’arrivant préparait lui aussi sa couche, l’un des trois enfants, les yeux brillants dans la pénombre, s’adressa à lui :
- Evan, tu nous racontes encore la légende de l’ère chaude ?
- Encore ?! s’exclama l’intéressé en éclatant de rire. Vous allez finir par y croire à force de l’entendre... Bon, je veux bien mais pas longtemps.
Et Evan s’assit en tailleur alors que sept paires d’yeux attentifs le fixaient intensément.
- Il y a de cela plusieurs milliers de lunes, des hommes qui nous ressemblaient vivaient presque nus. Je dis bien NUS ! De jour comme de nuit, en plein air ou dans leurs habitations, ils ne portaient que quelques centimètres carrés de tissu qui ne dissimulaient que leur sexe. D’ailleurs personne ne sait encore pourquoi cet endroit là plutôt qu’un autre restait invisible... Il était courant que la température atteigne et même dépasse les 30° et les hommes devaient faire preuve d’une grande ingéniosité pour produire du froid ! Rendez-vous compte ! Ils utilisaient l’énergie fournie par le soleil pour obtenir des frigories par évaporation ! Leur souci constant était de conserver les aliments au frais, de boire le plus possible pour compenser leur continuelle transpiration ! Et ils n’étaient pas heureux !...
L’un des plus jeunes demanda :
- Evan, pourquoi ils n’étaient pas heureux ?!
L’une des femmes, la plus âgée, interrompit la discussion. Elle s’adressa directement à Evan :
- Ils ont arrêté un étranger ce matin.
- Ah ! Pour quelles raisons ? demanda Evan
- Il racontait des choses à qui voulait bien l’écouter
- Quels genres de choses ?
- Tu sais bien…sur le soleil, la chaleur, enfin toutes ces fadaises que nous entendons régulièrement et qui nous causent tant de problèmes.
- Si cela à si peu d’importance à tes yeux pourquoi est-ce que tu m’en parles ?
- Ils attendaient ton retour. Il voudrait que tu assures sa défense.
- Mais à quoi bon ? N’importe comment le jugement est déjà fait, ils n’ont qu’à le tuer tout de suite.
- Tu fais ce que tu veux, tu sais ce que je pense de ces gens. N’empêche qu’il à droit à être défendu, comme les autres…
- … Et comme les autres il sera exécuté.
- Tu fais comme tu veux, tu as ta conscience.
- Oui, c’est vrai. J’ai MA conscience. J’irai les voir demain.
L’échange à peine terminé la femme retourna se coucher, laissant Evan à son histoire. Il regarda le petit dans les yeux, lui sourit et lui dit :
- Je pense qu’il est temps que tu dormes maintenant, je poursuivrai demain. Il est l’heure de dormir pour tout le monde. Que la chaleur veille sur votre nuit à tous.
L’enfant regagna sa peau et s’enroula dedans sans un mot. Les autres firent de même.
Evan quant à lui fixa ses mains d’un blanc presque transparent et soupira comme si l’air tout à coup pesait d’un poids énorme sur ses épaules. Au bout de quelques minutes il finit pas se coucher à son tour. Demain serait un autre jour, mais sûrement pas le meilleur, si tant est qu’il pût y en avoir de meilleurs.
La cérémonie allait commencer. Les enfants étaient restés dans les igloos tandis que les 47 habitants adultes du village de glace formaient un cercle autour de l’étranger. Celui-ci était debout, le dos contre une sorte de totem à tête d’ours, les mains liées derrière lui. Il ne cessait de vociférer avec un accent bizarre en parlant de soleil, de chaleur éternelle, de saisons torrides. Il utilisait parfois des mot inconnus : bronzer, ambre solaire, uvée (U.V. ?)...
Evans prit la parole d’une voix forte pour se faire entendre de l’illuminé :
- Etranger ! Je te donne deux minutes pour nous prouver ta bonne foi, comme à tous ceux qui t’ont précédé. Je te préviens : tous ont été exécutés ensuite afin que notre civilisation reste préservée de ces légendes subversives. Nous t’écoutons.
- Ne soyez pas bornés mes frères ! s’écria le pauvre homme. Soyez certains que je suis de votre race. Ma peau est blanche mais brunie par le soleil qui inonde mon continent du matin au soir ! La seule façon de me croire est de faire le même trajet que moi à l’envers ! Je suis prêt à vous guider. C’est tout ce que je puis vous dire pour vous convaincre.
Et il se tut.
Le discours de l’étranger ne réussit bien sûr pas à persuader l’assemblée et la condamnation tomba. La sentence était exécutable immédiatement et les hommes chargés de la sécurité s’avancèrent vers l’étranger afin de lui enlever ses vêtements. Les condamnés étaient ici laissés nus afin qu’ils meurent de froid.
L’homme prit la parole :
- Laissez ! Je vais le faire moi-même.
Et il se débarrassa de ses habits un à un. Lorsqu’il n’eut plus rien sur lui un murmure parcourut l’assistance. Non seulement l’étranger n’avait presque pas de poils mais sa peau était brune. Sauf la paume de ses mains, ses aisselles et la plante de ses pieds... Bronzée ?...

Zou 25/06/2005 @ 14:08:01
Vous faites fort les garçons ! Un second 4 M ! Chouette. De nouveau très bien écrit. Une histoire haletante lue d'une traite. Une bonne surprise à tous les tournants. Bof l'épopée d'un alpiniste. Chouette, il y a du monde. Bof une histoire du soir. Chouette, il y a du nouveau, un étranger. Bof, il va se faire exécuter. Chouette peut-être pas...! Au fait, ça m'aurait plus que ça continue encore ainsi un peu plus longtemps. Que les sages se mettent en route à la recherche du soleil perdu. J'aurais aimé aussi savoir pourquoi parler du soleil était devenu subversif etc. Une suite peut être ? Siouplait !

Tistou 25/06/2005 @ 16:10:29
Il y a indéniablement une atmosphère dans votre histoire. On y croit. Je l'ai plus aimée que votre "Eté" officiel. S.F. limite fable tristre.
Seule remarque "technique" ; un saut de ligne avec .... aurait ménagé une respiration avant de passer à "La cérémonie allait commencer ...".
Il y a de la trouvaille et le traitement est bon.
J'ai beaucoup aimé.

Spirit
avatar 25/06/2005 @ 17:10:49
Ben en 5000 signes on peut pas faire guerre et paix et encore nous avons dépassé.
Vous faites fort les garçons ! Un second 4 M ! Chouette. De nouveau très bien écrit. Une histoire haletante lue d'une traite. Une bonne surprise à tous les tournants. Bof l'épopée d'un alpiniste. Chouette, il y a du monde. Bof une histoire du soir. Chouette, il y a du nouveau, un étranger. Bof, il va se faire exécuter. Chouette peut-être pas...! Au fait, ça m'aurait plus que ça continue encore ainsi un peu plus longtemps. Que les sages se mettent en route à la recherche du soleil perdu. J'aurais aimé aussi savoir pourquoi parler du soleil était devenu subversif etc. Une suite peut être ? Siouplait !

Sibylline 25/06/2005 @ 23:37:25
Pas encore lu le premier "été", mais lu celui-ci. J'ai beaucoup aimé. Je me suis dit que vous aviez vraiment beaucoup d'imagination; mais la fin est peut-être un peu trop elliptique, parce que je ne l'ai pas trop comprise... Ou alors, c'est moi, et mon QI

Killgrieg 26/06/2005 @ 10:13:58
fort et fort bien écrit,
récit d'anticipation classique traité en duo avec brio (cela fait-il un trio?)... Bravo, que du bon, on a envie que cela continue

Sahkti
avatar 26/06/2005 @ 10:48:17
La fin me laisse un peu sur ma faim, dommage. Sinon, vous arrivez à installer progressivement un climat particulier et cela suscite de suite l'intérêt pour votre texte. L'idée de départ est intéressante. Je me demande si ça ne vaudrait pas la peine de rédiger un texte plus long autour de ça.

Bolcho
avatar 26/06/2005 @ 16:13:24
Personnellement, j’ai préféré « la boîte », mais c’est une question de goût. Disons qu’avec celui-ci, j’ai eu un peu l’impression de deviner la suite dès que la phrase « tu nous racontes encore la légende de l’ère chaude » a été dite. Cela dit, votre texte est bien foutu et il prend malgré tout une dimension très large avec le « afin que notre civilisation reste préservée de ces légendes subversives ». Ah oui, les légendes subversives n’éveillent pas une grande pitié…jusqu’au moment où elles cessent d’être subversives pour se transformer en doxa.

Krystelle 28/06/2005 @ 15:12:14
Une idée de départ originale, bien écrite... J'aime bien tout ce que peut repésenter le soleil dans ce texte.
Juste pour voir, vous voudriez pas essayer de faire un texte rigolo? ;-)

Kicilou 01/07/2005 @ 12:04:36
J’ai beaucoup aimé ! C’est bien écrit, pas de rupture de style, c’est prenant ! Cette neige, ce froid, cette vision de notre civilisation par des yeux étrangers fait réfléchir… C’est vrai qu’on n’est jamais content : en hiver on a froid et en été on a trop chaud !
Mais la fin, coupe un peu le tout… ça s’arrête là ? snif ! (bon ok, j’en veux toujours plus, c’est pas nouveau)
C’est très bon ! Vous faites un duo d’enfer !

Tistou 02/07/2005 @ 10:16:26
Je remonte ce texte parce qu'arrivé après les autres il me semble avoir été peu lu, et pourtant ...

Page 1 de 1
 
Vous devez être connecté pour poster des messages : S'identifier ou Devenir membre

Vous devez être membre pour poster des messages Devenir membre ou S'identifier