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Forums  :  Vos écrits  :  L'été: " La boite "

Spimenritor 23/06/2005 @ 18:06:17
Sarah passa le seuil de sa maison et repoussa avec l’arrière de sa chaussure la porte massive qui se referma lourdement en claquant. Aussitôt les bruits du mauvais temps qui régnait à l’extérieur cessèrent, comme bloqués par la barrière que formait la porte.
La fillette posa son sac de classe dans le grand hall et passa par la cuisine pour glaner dans les placards de quoi se confectionner un goûter. Elle tenait dans sa main une petite boîte en bois patiné par les années. Pas un seul instant elle ne la posa afin de gagner en efficacité. Elle ne se servait que d’une main comme si l’autre était absente. Elle gagna ensuite sa chambre à l’étage. Les escaliers étaient larges, en bois ciré avec une rampe sculptée et sur le mur trônaient les portraits de famille, des gens aux visages fermés pour la plupart peints.
La chambre se trouvait au bout du couloir, la toute dernière. Elle passa en courant et entra à l’intérieur sans se retourner. Enfin tranquille ! Elle souleva le rideau de la fenêtre et jeta un œil dans la rue mais ne vit rien. Rassurée elle s’assit sur son lit, tenant toujours la boîte en bois.
Des bruits de pas dans l’escalier la firent froncer les sourcils de contrariété. Sa tante allait sûrement à nouveau lui reprocher d’avoir laissé des traces de boue dans l’entrée. Et lui demander ce qu’il y avait dans cette boîte dont elle ne se séparait jamais.
La porte de la chambre s’ouvrit avec force et une femme a l’air acariâtre apparut dans l’encadrement :
- Sarah ! Combien de fois faudra-t-il te le dire ? Enlève tes chaussures dès que tu entres !! Il pleut sans arrêt depuis des mois, tout est détrempé, tu ne me facilites pas le travail ! Et qu’y a –t-il donc dans cette boîte ? Montre !
La petite fille se renfrogna encore plus et cacha le coffret dans son dos en hurlant :
- N’approchez pas ma tante ! Je ferai ce que vous voulez mais ne me demandez plus ça ! C’est MON secret !
- Ton secret, ton secret ! Ce que tu peux être exaspérante avec ça ! Si ta mère était là les choses se passeraient autrement, je peux te l’assurer. Fais tes devoirs, nous mangeons dans une heure, bougonna la tante en sortant de la chambre.
Restée seule, Sarah attendit quelques minutes que les pas de sa tante se soient bien éloignés puis elle se glissa sous le lit et gagna l’angle du mur. Là elle débloqua un morceau de plinthe, dégageant un trou suffisamment grand pour recevoir la petite boîte. Elle remit la pièce de bois et sortit de sous le lit pour s’installer à son bureau afin de faire ses devoirs.
Son travail d’écolière terminé elle descendit pour le dîner qui, comme tous les soirs, se déroula lugubrement en face de sa tante et devant un repas frugal et aussi peu varié qu’à l’habitude :
« à cause de ce maudit temps qui interdit un ravitaillement normal et certains aliments qui deviennent rares et chers du fait de l’absence de soleil » comme le répétait inlassablement la vieille femme devant la moue de Sarah. Pour toutes ces raisons le dîner ne durait qu’une demi-heure et après la sacro-sainte phrase : « Ma tante, je peux regagner ma chambre ? » la petite fille mit un terme à la corvée quotidienne du repas.
Dans sa chambre elle récupéra sa boîte et se coucha aussitôt, blottie sous son édredon, serrant son trésor contre elle. Elle s’endormit en écoutant les bourrasques de vent dans les branches des arbres et le martèlement de la pluie sur les carreaux.
****
Sarah ne savait pas ce qui l’avait réveillée si brutalement : les volets de la grande maison triste qui battaient sous l’effet du vent ou les vociférations de sa tante sur le palier qui pestait contre « ce temps continuellement pourri qui fait oublier que le soleil et la chaleur avaient existé un jour ! ».
Elle se leva prestement pour éviter les premières remontrances, s’habilla très vite car le froid pinçait dans sa chambre peu chauffée, fourra sa petite boîte fétiche dans son cartable et descendit à la cuisine. La marâtre s’y trouvait et elle ne tarissait pas sur la saison exécrable et interminable que le pays vivait depuis plusieurs mois. Par chance elle parlait seule et ne sollicitait pas de réponse de Sarah qui put donc « profiter » d’un simple bol de lait trop froid accompagné d’une pomme véreuse.
La fillette se leva ensuite, reprit son cartable et courut vers la grande porte pour partir en lançant à la cantonade un « Bonne journée ma tante ! » auquel l’intéressée ne prêta même pas attention.
Dehors le temps était toujours aussi mauvais et Sarah dut tenir sa capuche pour que le souffle ne l’enlève pas. Elle marchait lentement, à contre-vent, gagnant mètre par mètre. Elle ne se rendit compte qu’à la dernière seconde qu’il y avait du monde devant elle. Elle leva la tête : c’était trois des garçons de sa classe, ceux qui ne cessaient de l’embêter. Elle resta à les fixer, n’osant prononcer un mot. L’un deux finit par dire :
- Mais c’est notre mystérieuse Sarah !
- La fille à la boîte, poursuivit le deuxième.
- Elle va nous montrer ce qu’il y a dans cette fameuse boîte, depuis le temps qu’on se pose la question.
- Non je ne peux pas, je ne dois pas ! répondit Sarah, affolée.
En parlant elle pensa faire demi-tour et essayer de leur échapper mais les garçons furent plus rapides et l’un d’eux arracha le sac de l’épaule de Sarah. Elle poussa un cri de désespoir mais ne put rien dire d’autre. Tel des chacals affamés ils se jetèrent sur le cartable, le vidant sur le chemin et se saisissant du coffret. Sans attendre plus longtemps ils firent glisser le couvercle.
Aussitôt un puissant souffle plaqua tout le monde à terre et une éclatante lumière jaillit de la boîte, les aveuglant tous. Elle fila vers le ciel en une fraction de seconde et disparut en laissant derrière elle une forte sensation de chaleur.
- C’était quoi ? demanda l’un des garçons, plus vite remis que ses camarades.
Sarah sanglotait en répondant : « C’était le dernier rayon de soleil... ».

Bluewitch
avatar 23/06/2005 @ 19:45:50
Oh quelle jolie fin! Je m'imaginais dans un succédané de roman victorien, avec la petite orpheline trimbalant ses souvenirs d'une vie antérieure, avec l'Angleterre grise et la Tante acariâtre. L'écriture m'a semblé manquer un peu de poigne à certains moments mais la chute est vraiment belle, comme un conte ou une fable, et donne tout son charme au texte.
Bravo!

Nothingman

avatar 23/06/2005 @ 21:24:20
Une fin rayonnante en effet! Et tout dans votre texte nous fait tenir en haleine jusqu'à la révélation finale. La boîte mystérieuse, les descriptions ciselées de la maison, cette ambiance à la Dickens...

Sahkti
avatar 23/06/2005 @ 23:08:20
Bravo bravo!
Pendant tout le récit, je me suis demandée où vous nous emmeniez et ce qui pouvait bien se trouver dans cette mystérieuse boîte. Jamais je n'ai pensé au dernier rayon de soleil, c'est très bien trouvé!
L'histoire se lit avec plaisir, on se laisse guider sans se rendre compte qu'on approche de la fin, tellement c'est prenant.
Et puis j'aime bien cette tante qui peste contre la pluie et la météo, c'est bien rendu.

Loupbleu 23/06/2005 @ 23:39:01
Bravo pour ce texte ! Des personnages très bien décrits, une belle écriture et cette fin ... Pour tout dire, cette fin aurait pu paraître un peu fleur bleue, et ce n'est pas du tout le cas. Parce que -je pense- ça contraste avec la réalisme et la psychologie du début, "l'ouverture" en devient tout à fait poétique.

J'aime bien cette écriture aussi, les petites aspérités que vous y avez mises. Joli quatre mains aussi pour l'homogénéïté!

Bravo, vraiment un beau texte !

Zou 24/06/2005 @ 10:27:14
Je commence par la fin ! Elle est superbe, inattendue et poétique. Bravo pour la description du décor. La lourde porte, le hall, le large escalier flanqué des portraits des ancêtres autant de détails bien choisis, parlants et qui font qu'on est vraiment dans l'histoire. Un conte moderne. Bravo les graçons.

FéeClo
avatar 24/06/2005 @ 10:50:18
Selon moi, il manque quelque chose pour rentrer plus dans le texte. Je suis restée spectatrice, je ne me suis pas sentie invitée à suivre de plus près cette petite fille...
Peut-être que c'est trop "lent"... sauf l'action finale. Les personnages y sont plus vivants...

J'avoue que j'avais une petite idée sur le contenu de la boite... je ne fus donc pas surprise par le rayon de soleil, qui m'a toutefois illuminée!

Kicilou 24/06/2005 @ 11:02:15
Ah ! très joli !
Je me suis demandée toute l'histoire ce qu'il y avait dans cette boîte. J'étais pas loin de la vérité puisque je pensais que c'était le soleil qu'elle avait gardé pour elle et que c'était pour ça qu'il faisait si moche...
Bref, de belles descriptions, un ambiance bien rendue, des personnages bien croqués. C'est agréable à lire, pas de rupture de style.
Bravo à tous les deux.

Krystelle 24/06/2005 @ 11:11:59
Tout le texte tourne autour de cette boîte secrète et la fin est très chouette. L'idée de ce rayon de soleil est vraiment sympa et cette chute plutôt inattendue.
Pour le reste, j'ai trouvé l'histoire de la fillette maltraitée par un tante méchante assez classique et pas tellement attachante.
Les allusions à la météo sont (rétrospectivement) bien vues!

Charles 24/06/2005 @ 13:56:04
très joli.

au début, j'ai pensé à la boite de M.bretodeau ... euh non, bredoteau ... euh, je sais plus ... bref dans Amélie Poullain ...


et puis au milieu du texte, je me suis dit, ouaahh, ça serait fort et super poétique s'ils nous disaient qu'elle a mis le soleil dans une boite pour le garder pour elle ...

et paf, c'est encore mieux, c'est le dernier rayon .... super ! vraiment un joli joli texte qui ferait un bien joli conte.

La fin est tout de même un peu triste, je l'aurais bien vu offrir son rayon de soleil à quelqu'un ! peut être à sa tante pour lui redonner la joie ...

Lyra will 24/06/2005 @ 14:03:46
Oui, j'ai beaucoup aimé moi aussi !
Quelle fin ! Je ne m'attendais pas à ça non plus !
Et puis je trouve la dernière scène très bien rendue, avec le C'était le dernier rayon de soleil.
Vraiment réussi !
Et bien trouvé, pour répondre à la contrainte de l'été !

Saint Jean-Baptiste 25/06/2005 @ 00:18:33
Ah cette finale !!! Que c'est beau !
Je voyais déjà cette fillette massacrée par ces vilains gamins ! Un moment j'ai cru que c'était une mini bombe atomique ! :o) !
C'est vraiment bien amené, dans une belle ambiance, pesante et triste, un rien longue par moment, mais finalement, tout le récit prépare cette chute et on n'est pas déçu.
Très bonne histoire, très originale et très bien racontée.
Vraiment bravo !

Tistou 25/06/2005 @ 15:26:15
Eh ben les gars ! On se fait un gros coup de Blues ?
Marâtre,
pauvre petite fille,
méchants garçons,
et dernier rayon de soleil.
C'est pas la joie la plus échevelée ! J'ai même crains le pire à un moment, mais non ! Ca finit plutôt en poésie. Poésie triste !
Vous respectez doublement les contraintes ; on n'est pas été et sexe oppsé. Rien à redire sauf que ça m'a laissé un sentiment diffus de tristesse. Ca, c'est peut être lié au moment précis où je l'ai lu, je crois beaucoup en cela.

Bolcho
avatar 26/06/2005 @ 15:03:05
Oh le joli texte ! Plein de rappels de nos lectures enfantines et un contenu finalement très « militant » parfaitement emballé dans un conte. Mais quelle tristesse au final ! C’est d’ailleurs cela qui rend l’ensemble « revendicatif ». Bon, on s’en occupe de ce climat ?

Killgrieg 04/07/2005 @ 07:42:14
faudrait dire à la gamine qu'elle le reprenne son rayon de soleil et qu'elle nous l'enferme à nouveau... parce que là, le soleil, y commence à me chauffer.

superbe texte, vous êtes bons tous les deux, fait plaisir de vous lire au petit matin tandis que l'orage gronde dans la rue.

PS: mentor, va falloir pour le prochain quatre main que vous trouviez un nom qui ne finisse pas en or; me fait trop penser aux films costauds américains... et aux dinosaures...
cela dit, si un jour nous devions écrire ensemble, menkillor serait meilleur que menkill qui peut preter à confusion

Mentor 04/07/2005 @ 07:51:21
que vous trouviez un nom qui ne finisse pas en or; me fait trop penser aux films costauds américains... et aux dinosaures...
cela dit, si un jour nous devions écrire ensemble, menkillor serait meilleur que menkill qui peut preter à confusion
Un nom en "or", et alors?!
Et Killgrieg, tu crois que c'est si pacifiste?!
Ok, je te promets d'y réfléchir autrement qu'en exterminator.
Merci pour ta critique matinale Kill et bonne journée.
;-)

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