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Nous sommes déjà au printemps; je m'aperçois que le jour dure de plus en plus longtemps à travers la petite lucarne du sous-sol où je suis enfermée depuis bientôt huit mois. Et l'angoisse monte peu à peu à l'approche de la belle saison.
Je suis une chaise longue, de la race des chaises longues en plastique pliables, de celles où l'on s'étend pour se faire bronzer. Je suis là, installée depuis l'automne dernier dans la remise du garage. J'avoue qu’en ce moment je suis anxieuse : je sens qu’ils ne vont pas tarder à me sortir sur la terrasse, à côté de la piscine.
Là-bas c'est l'horreur : La cagnard en plein midi, la serviette trempée à l'heure de la baignade, et puis surtout les grosses fesses du propriétaire; à chaque fois j'ai toujours l'impression que je vais péter une latte. Sa femme, elle, c'est plutôt la crème solaire dont elle se badigeonne copieusement et qui me rend toute poisseuse. Elle vient souvent s'allonger sur moi pour lire.
Ah, la lecture, parlons-en ! Moi qui rêvais de découvrir Proust et Voltaire - comme chacun sait, Voltaire est l'écrivain préféré des fauteuils - je sens qu'après le « Da Vinci code » de l'année dernière, je vais devoir me payer « Anges et Démons », la misère culturelle cette famille, ils n’ont même pas le dernier Goncourt !
Heureusement, je me suis fait des copains. On se soutient les uns les autres : le parasol, la bouée-canard en plastique, les boules de pétanque ... On pourrait croire que reclus dans ce réduit on s'ennuie, mais non. On discute. On blague à propos de nos collègues les outils de jardin :
- Tu connais celle de la pelle qui draguait l’arrosoir ?
- Non ?
- Ben, elle s'est prise un râteau .
Bref, on se marre. Parfois, on regarde la machine à laver le linge, c'est un peu notre télé à nous, ça passe le temps, on a même droit à différents programmes : blanc, couleur, lavage à 60° …
Il faut pas croire, on sait aussi se défendre ! Le parasol, lui, c'est le plus fort, toujours prêt à se décaler pour laisser passer le rayon soleil qui va tomber pile dans l'oeil de celui qui est assis en face. Moi aussi parfois j'ai ma petite vengeance. Je laisse exprès les araignées me grimper dessus pour qu’elle leur pique le derrière. L'an dernier, à l'apéro, le patron avait invité tous ses copains. Au moment où il s'est assis sur mon rebord, j'ai fait exprès de me replier. Il s'en est foutu partout de son pastis, il y a même une olive qui lui est tombé dans le slip de bain. Quelle rigolade !
Les copines, les boules de pétanques ont un peu les boules. C'est vrai qu'elles ont pris un sacré coup de rouille cet hiver, alors elles craignent de se faire remplacer. On les réconforte, des gougnafiers comme eux, tant que ça lance le cochonnet … et puis ils ne sont pas du genre à faire beaucoup de carreaux.
Il y a quand même quelques moments agréables : Les gosses qui jouent dans l'eau. Le lever du soleil quand on est encore couvert de rosée. Et puis notre vieux pote le chien, qui vient taper la discussion à l'heure de la sieste; je l’aime bien, même s’il me bave parfois un peu sur l’accoudoir.
Demain, ils ont annoncé grand beau temps à la météo. J'en ai le ressort qui se tend d'angoisse. La paire a ski a été très chouette, elle nous a redonné du courage; elle nous a dit qu'elle nous garderait la place jusqu'à septembre ... Septembre ! J'ai décidé de ne plus penser à ça, de passer une bonne nuit, parce je sens que la saison va être longue ...
Je suis une chaise longue, de la race des chaises longues en plastique pliables, de celles où l'on s'étend pour se faire bronzer. Je suis là, installée depuis l'automne dernier dans la remise du garage. J'avoue qu’en ce moment je suis anxieuse : je sens qu’ils ne vont pas tarder à me sortir sur la terrasse, à côté de la piscine.
Là-bas c'est l'horreur : La cagnard en plein midi, la serviette trempée à l'heure de la baignade, et puis surtout les grosses fesses du propriétaire; à chaque fois j'ai toujours l'impression que je vais péter une latte. Sa femme, elle, c'est plutôt la crème solaire dont elle se badigeonne copieusement et qui me rend toute poisseuse. Elle vient souvent s'allonger sur moi pour lire.
Ah, la lecture, parlons-en ! Moi qui rêvais de découvrir Proust et Voltaire - comme chacun sait, Voltaire est l'écrivain préféré des fauteuils - je sens qu'après le « Da Vinci code » de l'année dernière, je vais devoir me payer « Anges et Démons », la misère culturelle cette famille, ils n’ont même pas le dernier Goncourt !
Heureusement, je me suis fait des copains. On se soutient les uns les autres : le parasol, la bouée-canard en plastique, les boules de pétanque ... On pourrait croire que reclus dans ce réduit on s'ennuie, mais non. On discute. On blague à propos de nos collègues les outils de jardin :
- Tu connais celle de la pelle qui draguait l’arrosoir ?
- Non ?
- Ben, elle s'est prise un râteau .
Bref, on se marre. Parfois, on regarde la machine à laver le linge, c'est un peu notre télé à nous, ça passe le temps, on a même droit à différents programmes : blanc, couleur, lavage à 60° …
Il faut pas croire, on sait aussi se défendre ! Le parasol, lui, c'est le plus fort, toujours prêt à se décaler pour laisser passer le rayon soleil qui va tomber pile dans l'oeil de celui qui est assis en face. Moi aussi parfois j'ai ma petite vengeance. Je laisse exprès les araignées me grimper dessus pour qu’elle leur pique le derrière. L'an dernier, à l'apéro, le patron avait invité tous ses copains. Au moment où il s'est assis sur mon rebord, j'ai fait exprès de me replier. Il s'en est foutu partout de son pastis, il y a même une olive qui lui est tombé dans le slip de bain. Quelle rigolade !
Les copines, les boules de pétanques ont un peu les boules. C'est vrai qu'elles ont pris un sacré coup de rouille cet hiver, alors elles craignent de se faire remplacer. On les réconforte, des gougnafiers comme eux, tant que ça lance le cochonnet … et puis ils ne sont pas du genre à faire beaucoup de carreaux.
Il y a quand même quelques moments agréables : Les gosses qui jouent dans l'eau. Le lever du soleil quand on est encore couvert de rosée. Et puis notre vieux pote le chien, qui vient taper la discussion à l'heure de la sieste; je l’aime bien, même s’il me bave parfois un peu sur l’accoudoir.
Demain, ils ont annoncé grand beau temps à la météo. J'en ai le ressort qui se tend d'angoisse. La paire a ski a été très chouette, elle nous a redonné du courage; elle nous a dit qu'elle nous garderait la place jusqu'à septembre ... Septembre ! J'ai décidé de ne plus penser à ça, de passer une bonne nuit, parce je sens que la saison va être longue ...
Voilà l'été qui approche donc !
Original ! je m'y vois déjà et si je trouve une saisonnière de libre, promis ce ne sera pas pour lire dan brown !!
Original ! je m'y vois déjà et si je trouve une saisonnière de libre, promis ce ne sera pas pour lire dan brown !!
- "à chaque fois j'ai toujours l'impression que je vais péter une latte. "
- "Voltaire - comme chacun sait, Voltaire est l'écrivain préféré des fauteuils!"
- "Tu connais celle de la pelle qui draguait l’arrosoir ?
- Non ?
- Ben, elle s'est prise un râteau."
MDR
Merci Loup pour cette petite scéance de franche rigolade!
Il fleure bon l'été ton texte et ça met de bonne humeur...
- "Voltaire - comme chacun sait, Voltaire est l'écrivain préféré des fauteuils!"
- "Tu connais celle de la pelle qui draguait l’arrosoir ?
- Non ?
- Ben, elle s'est prise un râteau."
MDR
Merci Loup pour cette petite scéance de franche rigolade!
Il fleure bon l'été ton texte et ça met de bonne humeur...
J'aime vraiment! ça sent l'é.. et sincèrement, je crois qu'à partir de maintenant je ne regarderai plus les chaises longues du même oeil (le gauche, uniquement le gauche).
- Me permettez-vous de poser mes fessiers sur votre tissu? Je promets de ne lire que des Goncourt ;o))
- Me permettez-vous de poser mes fessiers sur votre tissu? Je promets de ne lire que des Goncourt ;o))
Joli texte, Loup! Plein d'imagination et d'humour. Passer par la chaise longue pour raconter ces tranches de vie est une idée très originale. Vraiment bien trouvé....
Ca sent la saison chaude tout ça!!!
Ca sent la saison chaude tout ça!!!
C'est bien Loupbleu ça m'a fait penser à la nouvelle de Richard Matheson(de loin car le sujet n'est pas le même).Bien écrit et plein d'humour.
Dure vie que celle de chaise longue ! On ne se rend pas compte ! C'était dans une autre vie Loupbleu ?
Joli point de vue. Bien traité. Seule "la paire a skis" m'a heurté.
Joli point de vue. Bien traité. Seule "la paire a skis" m'a heurté.
Bigre! Quand je pense que ma chaise longue a passé tout l'hiver dehors sur le balcon... Promis, juré, craché: l'hiver prochain, je la rentre bien au chaud! Mais à ma décharge, il faut dire que je ne lui ai jamais infligé la lecture de Dan Brown ;-).
Un très très bon texte, très drôle, tout en finesse et en légèreté et mine de rien, ce n'est pas facile à faire. Bref, j'en redemande!
Un très très bon texte, très drôle, tout en finesse et en légèreté et mine de rien, ce n'est pas facile à faire. Bref, j'en redemande!
Je rattrape mon retard.
Loup Bleu, toujours le premier à donner la parole aux opprimés. Quel mérite!
Bravo pour ce texte en tout cas, une idée pas bête à creuser!
Loup Bleu, toujours le premier à donner la parole aux opprimés. Quel mérite!
Bravo pour ce texte en tout cas, une idée pas bête à creuser!
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