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Forums  :  Vos écrits  :  Juliette&Bob Marley

LouiseBe 02/10/2004 @ 19:46:36
Bob Marley est mort. Déjà, rien que cette phrase, Juliette sentait que de la prononcer, là, au milieu du salon, alors que personne ne s’y attendait, ça allait faire son petit effet.
Il y avait là sa mère, une amie de sa mère, disons, la seule que Juliette connaissait, son frère, et accessoirement, Tifus le chien et Clite l’un des deux chats.
-Boris, arrête !
Juliette chassa d’un mouvement de jambe net et précis le compagnon de jeu de Clite, qui venait de la prendre par surprise, par derrière, enfonçant ses griffes et ses petites dents dans sa cheville. Boris reparti au front. Juliette grommela en attrapant la petite bête poilue. Ce n’est que bien installé entre ses petits bras tendres que Juliette senti que Boris avait sa petite affaire à jouer dans l’histoire.

Dans le couloir, à l’entrée du salon, Juliette préparait son entrée. Boris commençait à s’impatienter et trouva un amusement dans des coups de pattes, griffes rentrées, vers le visage de la petite fille.

-Boris ! Arrête.. On t’a vraiment rien apprit à toi.

Une tapette sur la tête duveteuse de l’animal, et Boris se concentra sur les mèches de cheveux, les mordillant.

-Boris ! Bob est mort ! Arrête !

Boris n’en avait, à vue d’œil, strictement rien à faire. Mais Boris était jeune. Juliette l’excusait. En le maintenant plus fermement dans ses petits bras potelés. Un faible miaulement. Juliette demanda pardon à Boris et desserra légèrement son emprise.

Dans le salon, comme dans la plupart des salons, une fin d’après midi, un dimanche, l’ambiance était on ne peut plus calme (du moins, Juliette le pensait-elle, n’ayant pas encore beaucoup expérimenté toute sorte de salon les dimanche soir. Une fois chez une copine de classe, et un nombre incalculable de fois chez sa grand-mère, mais ça ne faisait pas encore un large panel)

Sa mère, courbée sur un magazine féminin. Le dos voûté. Ca, pensait souvent Juliette, c’est ce qui pourrait définir sa mère à la perfection. A quoi ressemble ta mère ? Ses yeux, ses cheveux, sa taille, son poids ? Ma maman a le dos voûté. Oui. Tout le monde la reconnaîtrait si elle disait ça. « Ah oui, c’est elle ta mère ». Oui. Au mieux, Juliette aimerait quelque chose après, du genre « elle a l’air sympa ». Mais, en étant réaliste, Juliette sentait que ce dernier point n’était pas gagné.
Un jour (un dimanche peut être) sa mère lui avait bien dit que de toute façon, la maman, elle était pas là pour être sympa. Quand même, Juliette aurait bien aimé en avoir eu une avec options.

Sa mère, courbée sur un magazine. Sa copine, Assise à ses cotés, une cigarette sans filtre coincée entre ses deux lèvres rouges. Juliette trouvait que sa copine, Mado, avait les plus belles lèvres du monde. Rouges, gonflées, énormes. Mado avait des lèvres énormes. Lorsque Mado était là, et que Juliette était là, Juliette était comme hypnotisée par ses grosses lèvres magnifiques. Elle espérait bien avoir les même lorsqu’elle serait plus grande. Pour l’instant, ce n’était pas gagné non plus, mais elle comptait sur la puberté. Si ça se trouvait, les lèvres, ça marchait comme les seins. Un jour, on se réveille, et on a de grosses lèvres.

Boris tenta une échappé. Et dans le feu de l’action, griffa au sang le bras de Juliette.

-Qu’il est con ce chat ! Boris tu te calmes !

Un miaulement, Boris était cette fois, bien en main, dans l’incapacité de bouger.

Sa mère, Mado, et son petit frère. Couché sur le tapis, comme d’hab’. Pensa Juliette. Yacinthe avait une obsession pour ce tapis. Il y passait des heures. A imaginé des trucs. Des batailles. Souvent, Juliette et sa mère s’empalaient les pieds sur un soldat minuscule abandonné là. Il y avait deux phrases récurrentes à la maison. « Papa ?! Papa il est pas là alors qu’est ce que tu veux qu’il fasse ?!! » Et « Yacinthe ! Ranges tes jouets s’il te plait ! Je le répéterais pas ! ».
Il y avait aussi « Juliette, arrête de raconter des histoires » mais ça.

Juliette sentait que le coup de Bob Marley, ça allait en captiver plus d’un.

C’est alors que Juliette eu une idée de génie. Trottinant en sens inverse, Boris bien en place dans ses bras, elle se dirigeait vers la chambre de sa mère.

Elle revint quelques minutes plus tard. Les bras humides, Boris, également, n’était plus tout à fait sec, mais ses grands yeux verts pétillaient de plaisir. Juliette ne perdit pas de temps.

Elle entra dans le salon.

-Maman ! Maman ! Boris a tué Bob Marley !

Effectivement, ça fit son petit effet. Juliette se trémoussait intérieurement. Extérieurement, elle investissait à la perfection le rôle du drame. Boris dans les bras. Boris, mastiquait. Heureux chaton.

Sa mère, Mado, et Yacinthe se tournèrent vers elle. Et Juliette sentit monter l’ambiance. Pour une nouvelle, si c’était pas une nouvelle ça ! En plus, c’était Juliette qui s’en était rendue compte la première ! Sacrée Juliette !

Ce n’est qu’une fois après inspection minutieuse de la dépouille par Mado que quelque chose vint plomber aussitôt l’atmosphère.

-Hé, c’est marrant ça, Bob Marley a une aiguille plantée dans les nageoires ! C’est un serial killer ton chat ?

Juliette se mordit la langue. Elle avait oubliée l’aiguille. Qu’elle idiote. On en fait pas deux des comme ça.

Sa mère était d’accord. Pas deux, et c’est elle qui l’avait faite. « Y a des jours ! »

-Yacinthe, ranges tes jouets s’il te plait.
-Mais papa il..
-Mais papa ! Papa, il est pas là alors qu’est ce que tu veux qu’il fasse ? Juliette il va falloir qu’on parle !
-Mais maman, c’est Boris j’t’le jure !
-Juliette ! Arrête de raconter des histoires !

Tistou 04/10/2004 @ 09:57:16
But atteint. Le lecteur s'est fait avoir. En éminent spéciamliste félin, je puis affirmer qu'il est impossible qu'un chat plante un Bob Marley avec une aiguille.
Belle description d'atmosphère encore.

Balamento 07/10/2004 @ 12:25:43
Je pense aux "petits poissons" de la comtesse de Ségur (je ne saurais dire pourquoi d'ailleurs), un roman aux allures autobiographiques, quelque chose dans le genre "Freud avant la lettre".

Mais, mais, mais, l'histoire de Bob (puisqu'il a un nom) et de Juliette, frappe bien plus vif, drôle, profond, rebondissant, bien plus sautillant et preignant à la fois que la mésaventure des poissons anonymes de Sophie.

Bref, une assez foireuse presque-comparaison (mais où voulais-je en venir ?). Ah! oui! Juste que ce bout de texte est un vrai régal à la lecture ;-) Si, si! Et ne me remerciez pas (je vous en prie, après vous, je n'en ferais rien...), c'est d'un lassant, je ne vous le fais pas dire ;-)

LouiseBe 07/10/2004 @ 14:23:19
But atteint. Le lecteur s'est fait avoir. En éminent spéciamliste félin, je puis affirmer qu'il est impossible qu'un chat plante un Bob Marley avec une aiguille.
Belle description d'atmosphère encore.


En tant qu'éminente spécialiste félin, je confirme. ( ou alors, c'est des meurtres parfait "pas vu, pas pris", mais bon, là.. ;-))

Benoit
avatar 07/10/2004 @ 23:03:29
J'aime beaucoup! Comme tout le monde, je me suis fait avoir en beauté mais j'ai bien aimé de me faire piéger... On suit avec plaisir les tribulations de Juliette et l'atmosphère (trop)tranquille de la maison un dimanche soir est très bien rendue.

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