Mon voisin s’appelle Jésus. Enfin, tout le monde l’appelle Jésus.
Nous logeons sur le même palier. J’ai découvert cela très tard.
Jésus avait l’habitude de lire en marchant. Il ne pouvait pas faire autrement.
Lorsque je rentrais chez moi, je le croisais, sur le trottoir. De long en large, de large en long, il avançait, le nez dans un bouquin. Des formats poche la plupart du temps. Usés, pages jaunies, couvertures racornies.
Il connaissait l’emplacement de toute chose. Les arbres, les poubelles, les marches, les sorties de garages. Et les éléments mouvants, il arrivait à les éviter. A croire qu’il avait des antennes. C’était un personnage. Le personnage de la rue. De la mienne.
Il était courbé, des poches sous les yeux, les cheveux coupés courts et la barbe blanche.
De temps en temps, il disparaissait. Puis revenait, quelques semaines, quelques mois plus tard.
Avant de disparaître, il longeait le trottoir vêtu d’une simple robe de bure. Je trouvais cela étrange. Sans plus. Lorsqu’il revenait, il avait retrouvé son jean habituel, et son pull en grosse laine noire.
Il était là l’été de mon arrivée, puis l’hiver arrivant, il y était encore, longeant, lisant, sous la pluie parfois. Dans un froid glacial. On aurait dit qu’il ne se rendait compte de rien, vraiment. Rien ne le touchait. Ni les passants, ni les arbres, ni les poubelles, ni les intempéries.
Je n’ai jamais vraiment été curieuse de Jésus. Pas plus que cela disons. J’étais peu chez moi. Passais en courant d’air. Ma vie avait prit une direction tout a fait étonnante et imprévue et je me concentrais sans doute pour ne pas tomber. Tout allait vite. Je suivais le pas.
Jamais un regard. Jamais un mot. Jésus longeait, je le croisais.
Un soir, pourtant, Jésus et moi eûmes une confrontation. Il était assez tard, les rues s’étaient vidées, du moins, celle-ci. Celle de mon immeuble. Jésus était là, moi aussi.
Je montais les marches qui menaient au hall d’entrée. Consciencieuse, face au digicode, puis la porte se referma derrière moi. Arrêt obligatoire à la boite aux lettres. La porte claqua. Je jetais un œil. Rapide. Ce qui rendit quelque chose d’assez burlesque.
Femme à moitié nue allongée sur le sable blanc, Sechelles 350 euros, six jours, sept nuits/ Jésus dans l’obscurité, le nez dans un livre de poche.
Je m’arrêtais sur Jésus, oubliant aussi net le prix d’une semaine aux Sechelles en plein mois de février.
Lui, par contre, ne s’arrêta que pour appuyer sur la minuterie, sans un regard.
Je n’avais, il faut bien l’admettre, plus rien à faire face à ma boite aux lettres, seulement, je laissais venir les choses, pourrait on dire. Ou disons, il me semblait bien venu de laisser venir à moi Jésus, voir qu’il me dépasse, voir, qu’il disparaisse dans l’ascenseur, je prendrais l’escalier.
- Bonsoir.
Pas de réponse. Il prit l’escalier, je pris l’ascenseur.
Une fois sur mon palier, une fois la porte ouverte, Jésus fit son apparition, toujours absorbé par son livre. J’entrais dans mon appartement. Il s’arrêta devant la porte d’en face. Puis l’ouvrit. Elle n’était pas fermée à clef. C’est drôle, à cette époque, c’est une chose qui m’avait marqué. Jésus ne fermait pas sa porte.
Une année est passée. Jésus est parti. Avec sa robe de bure et son livre de poche du moment. Les semaines ont filé, les mois. Personne n’est venu prendre sa place dans l’appartement d’en face. Il y quinze jours, j’ai demandé des nouvelles « vous avez des nouvelles de Jésus ?». Oui, bien sûr, m’a répondu un voisin d’immeuble. Il est encore interné. Ca ne va pas fort. Il n’est pas prêt de revenir si vous voulez mon avis.
En montant chez moi, je me suis arrêtée sur le palier. Et j’ai repensé à la porte ouverte. Le court de ma vie s’était calmé. J’avais le temps. Plus de temps. Peut être à ce moment là, aurais je aimé en avoir eu avant. Pour savoir. Rencontrer Jésus. Il n’était pas méchant. Il lisait beaucoup.
J’ai ouvert. Il faisait sombre. Il y avait beaucoup de livre. Montant jusqu’au mur. Je me suis demandé ce qu’il allait bien faire de tout ça, si il ne revenait pas. Ce que les autres décideraient. J’ai ouvert et il y avait beaucoup de livre. Je suis rentrée. Un pas, deux pas. Il faisait froid. Sans réfléchir, d’une manière un peu absurde, pour remplir l’espace, je me suis mise à faire un peu d’ordre. D’abord un peu. Puis, tous les jours, après le travail. Allumer les lumières, ouvrir les volets, aérer, nettoyer. Peut être, un jour, Jésus reviendra. J’aimerai beaucoup le rencontrer.
Nous logeons sur le même palier. J’ai découvert cela très tard.
Jésus avait l’habitude de lire en marchant. Il ne pouvait pas faire autrement.
Lorsque je rentrais chez moi, je le croisais, sur le trottoir. De long en large, de large en long, il avançait, le nez dans un bouquin. Des formats poche la plupart du temps. Usés, pages jaunies, couvertures racornies.
Il connaissait l’emplacement de toute chose. Les arbres, les poubelles, les marches, les sorties de garages. Et les éléments mouvants, il arrivait à les éviter. A croire qu’il avait des antennes. C’était un personnage. Le personnage de la rue. De la mienne.
Il était courbé, des poches sous les yeux, les cheveux coupés courts et la barbe blanche.
De temps en temps, il disparaissait. Puis revenait, quelques semaines, quelques mois plus tard.
Avant de disparaître, il longeait le trottoir vêtu d’une simple robe de bure. Je trouvais cela étrange. Sans plus. Lorsqu’il revenait, il avait retrouvé son jean habituel, et son pull en grosse laine noire.
Il était là l’été de mon arrivée, puis l’hiver arrivant, il y était encore, longeant, lisant, sous la pluie parfois. Dans un froid glacial. On aurait dit qu’il ne se rendait compte de rien, vraiment. Rien ne le touchait. Ni les passants, ni les arbres, ni les poubelles, ni les intempéries.
Je n’ai jamais vraiment été curieuse de Jésus. Pas plus que cela disons. J’étais peu chez moi. Passais en courant d’air. Ma vie avait prit une direction tout a fait étonnante et imprévue et je me concentrais sans doute pour ne pas tomber. Tout allait vite. Je suivais le pas.
Jamais un regard. Jamais un mot. Jésus longeait, je le croisais.
Un soir, pourtant, Jésus et moi eûmes une confrontation. Il était assez tard, les rues s’étaient vidées, du moins, celle-ci. Celle de mon immeuble. Jésus était là, moi aussi.
Je montais les marches qui menaient au hall d’entrée. Consciencieuse, face au digicode, puis la porte se referma derrière moi. Arrêt obligatoire à la boite aux lettres. La porte claqua. Je jetais un œil. Rapide. Ce qui rendit quelque chose d’assez burlesque.
Femme à moitié nue allongée sur le sable blanc, Sechelles 350 euros, six jours, sept nuits/ Jésus dans l’obscurité, le nez dans un livre de poche.
Je m’arrêtais sur Jésus, oubliant aussi net le prix d’une semaine aux Sechelles en plein mois de février.
Lui, par contre, ne s’arrêta que pour appuyer sur la minuterie, sans un regard.
Je n’avais, il faut bien l’admettre, plus rien à faire face à ma boite aux lettres, seulement, je laissais venir les choses, pourrait on dire. Ou disons, il me semblait bien venu de laisser venir à moi Jésus, voir qu’il me dépasse, voir, qu’il disparaisse dans l’ascenseur, je prendrais l’escalier.
- Bonsoir.
Pas de réponse. Il prit l’escalier, je pris l’ascenseur.
Une fois sur mon palier, une fois la porte ouverte, Jésus fit son apparition, toujours absorbé par son livre. J’entrais dans mon appartement. Il s’arrêta devant la porte d’en face. Puis l’ouvrit. Elle n’était pas fermée à clef. C’est drôle, à cette époque, c’est une chose qui m’avait marqué. Jésus ne fermait pas sa porte.
Une année est passée. Jésus est parti. Avec sa robe de bure et son livre de poche du moment. Les semaines ont filé, les mois. Personne n’est venu prendre sa place dans l’appartement d’en face. Il y quinze jours, j’ai demandé des nouvelles « vous avez des nouvelles de Jésus ?». Oui, bien sûr, m’a répondu un voisin d’immeuble. Il est encore interné. Ca ne va pas fort. Il n’est pas prêt de revenir si vous voulez mon avis.
En montant chez moi, je me suis arrêtée sur le palier. Et j’ai repensé à la porte ouverte. Le court de ma vie s’était calmé. J’avais le temps. Plus de temps. Peut être à ce moment là, aurais je aimé en avoir eu avant. Pour savoir. Rencontrer Jésus. Il n’était pas méchant. Il lisait beaucoup.
J’ai ouvert. Il faisait sombre. Il y avait beaucoup de livre. Montant jusqu’au mur. Je me suis demandé ce qu’il allait bien faire de tout ça, si il ne revenait pas. Ce que les autres décideraient. J’ai ouvert et il y avait beaucoup de livre. Je suis rentrée. Un pas, deux pas. Il faisait froid. Sans réfléchir, d’une manière un peu absurde, pour remplir l’espace, je me suis mise à faire un peu d’ordre. D’abord un peu. Puis, tous les jours, après le travail. Allumer les lumières, ouvrir les volets, aérer, nettoyer. Peut être, un jour, Jésus reviendra. J’aimerai beaucoup le rencontrer.
Là, bravo, de tes 3 textes... de loin celui que je préfère. Plus abouti me semble-t-il quant à fond/forme. Toujours ce style... direct et efficace, bien à toi et bien là. Un atout, ça! Conserve-le bien, chouchoute-le.
Très bon le jeu ambigu avec le prénom Jésus., ça a du sens.
Bon, j'arrête les éloges... pour cette fois.
J'espère que tu prendras part à nos challenges.
Très bon le jeu ambigu avec le prénom Jésus., ça a du sens.
Bon, j'arrête les éloges... pour cette fois.
J'espère que tu prendras part à nos challenges.
Jesus fit son apparition: TROP TOP!!! j'ai pas bien comprit quand elle arrive devant le digicode , le hall, la boite a lettres, l'escalier , j'ai pas bien suivie. mais le reste cest toujours super bien ecrit et on comprend tout. alors c'etait qui? un moine deguisé? si! y a un truc que j'aurai preferé cest que le visage du moine soit expliqué tout de suite parceque apres cest trop tard , j'ai deja fait mon image et ca fait drole! moi j'aime bien
J'espère que tu prendras part à nos challenges.
Reste à savoir en quoi ces challenges consistent ;-) Après, comme il y a plein de compliments je ne dis rien ;-)
Reste à savoir en quoi ces challenges consistent ;-) Après, comme il y a plein de compliments je ne dis rien ;-)
Jesus fit son apparition: TROP TOP!!! j'ai pas bien comprit quand elle arrive devant le digicode , le hall, la boite a lettres, l'escalier , j'ai pas bien suivie. mais le reste cest toujours super bien ecrit et on comprend tout. alors c'etait qui? un moine deguisé? si! y a un truc que j'aurai preferé cest que le visage du moine soit expliqué tout de suite parceque apres cest trop tard , j'ai deja fait mon image et ca fait drole! moi j'aime bien
j'apprecie ton emballement Azed. ;-) il est.. emballé ;-) j'aime aussi beaucoup que tout soit très évident pour juste après poser pleins d'interrogations ;-) je crois surtout que tu peux y lire ce que tu veux. Rien n'est interdit. Moine ou pas moine, après tout ;-)
qu'est ce que cest tout ces trucs :)_ :-));: ;)????
Plus de remerciements ? Zutalors! Tant pis. J'aime. C'est incernable, indiscernable. Où cela se passe-t-il? Dans la scène du palier de l'immeuble, y en a. Dans celle de l'appartement, y en a aussi. Et ça ne tient pas qu'au style.
qu'est ce que cest tout ces trucs :)_ :-));: ;)????
qu'est ce ? des smileys me semble-t-il. Un moyen comme un autre de signaler un amusement. Sans penser à mal. Evidement, il est fort probable que j'en abuse et que je devrais soigner ce défaut.
excusez moi mais j'ai toujours pas compris , des quoi? et comment on voit que cest pour rire?
Plus de remerciements ? Zutalors! Tant pis. J'aime. C'est incernable, indiscernable. Où cela se passe-t-il? Dans la scène du palier de l'immeuble, y en a. Dans celle de l'appartement, y en a aussi. Et ça ne tient pas qu'au style.
Non, je ne sais encore pas trop pourquoi, mais dire merci à tous les avis qui passent " merci, merci, ô merci d'avoir donné votre avis" me parait un tantinet leche-machin. ( ce qui n'est pas le cas, mais dans le doute, je passe mon tour un temps pour les remerciements ;-))
j'apprécie, néanmoins. ( tiens, je pourrais dire " j'apprecie"- note pour plus tard )
Quoiqu'il en soit, balamento aime. clac. Tranché, comme d'habitude ;-)
heu.. j'apprécie. ;-)
excusez moi mais j'ai toujours pas compris , des quoi? et comment on voit que cest pour rire?
Alors alors.. oui, donc.. un smiley, pour "smile" (je présume toujours, ne m'avance pas trop, d'ailleurs, attention, en voilà un ;-))
si on regarde bien, on peut voir, en tournant la tete vers sa gauche ( ne pas hésiter à y aller carrement ) un clin d'oeil comme ceci
;
un nez comme cela
-
et une bouche souriante telle que
)
ce qui nous donnes ( en forçant un tantinet son imaginaire, je suis d'accord ) une tête amusée mais ne pensant pas à mal,c'est à dire
;-)
voilà, voilà ;-)
tu me fais rire... ;-) ;-) ;-)
j'ai comprit!!! comme les emoticones sur les tchattes!!
les petites figures rondes qui rigolent , mais ici ca peut pas marcher??
j'ai comprit!!! comme les emoticones sur les tchattes!!
voilà. sauf que n'ayant aucun rapport avec une quelconque race féline femelle et plurielle, je supposerai plus un truc du genre ' tchat". ( l'univers du net est encore de nos jours très masculinisé ;-))
tu me fais rire... ;-) ;-) ;-)
Encore heureux que j'ai précisé ( fort bien d'ailleurs, je m'épate moi meme ;-)) qu'il n'y avait pas de mauvaises pensées dans ces petits trucs là. ;-)
On est jamais assez prudent... ;-)
Sous un smiley n'importe qui pourrait interpréter n'importe quoi...
Ni assez précis... ;-)
(sourire donc)
Sous un smiley n'importe qui pourrait interpréter n'importe quoi...
Ni assez précis... ;-)
(sourire donc)
On est jamais assez prudent... ;-)
Sous un smiley n'importe qui pourrait interpréter n'importe quoi...
Ni assez précis... ;-)
(sourire donc)
jamais assez prudent, jamais assez précis.
( sourire en retour direct ou direct retour )
Merci pour ce texte, il m'a plu.
Je m'attendais à quelque chose de mystique ou fantastique en lisant le titre. Je fus surpris par le genre de ce texte, je m'attendais à autre chose. Cette histoire est plutôt un rendez-vous manqué. Ce Jésus est vu avec beaucoup de bonté par la narratrice, on s'attache à ce personnage que j'aurais peut-être évité dans une vie réelle.
C'est écrit très clairement, ca se lit très bien.
Je m'attendais à quelque chose de mystique ou fantastique en lisant le titre. Je fus surpris par le genre de ce texte, je m'attendais à autre chose. Cette histoire est plutôt un rendez-vous manqué. Ce Jésus est vu avec beaucoup de bonté par la narratrice, on s'attache à ce personnage que j'aurais peut-être évité dans une vie réelle.
C'est écrit très clairement, ca se lit très bien.
Merci pour ce texte, il m'a plu.
Je m'attendais à quelque chose de mystique ou fantastique en lisant le titre. Je fus surpris par le genre de ce texte, je m'attendais à autre chose. Cette histoire est plutôt un rendez-vous manqué. Ce Jésus est vu avec beaucoup de bonté par la narratrice, on s'attache à ce personnage que j'aurais peut-être évité dans une vie réelle.
C'est écrit très clairement, ca se lit très bien.
De rien ;-) et merci ( le dernier des derniers )
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