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LouiseBe 30/09/2004 @ 14:10:57
Il n’y avait pas beaucoup de chose que Paolo Figureras aimait dans la vie. Il aurait pu. Mais, sans trop savoir pourquoi, ce n’était que trop rarement le cas. Pourtant, il n’était pas difficile. Il aurait aimé. Mais c’était définitivement trop rare.

Cette évidence le transperçait de part en part, lorsque sur les coups des quatre heures de l’après-midi, les bras tendus bien loin devant lui, ses mains agrippant fermement une couche géante de quatre kilogrammes huit, marchant à l’aveugle, faisant confiance à ses souvenirs, droit devant lui, vers l’évier, en fixant le sourire béat de la couche géante à petit éléphants roses imprimés sur les rebords, il savait, oui, qu’il pouvait rajouter une nouvelle chose à la liste pour lesquelles il n’était pas « franchement pour » : Eloise Figureras. Sa petite fille.

L’embêtant dans l’histoire, c’était l’effluve. Il avait probablement oublié, que son fils, père de cette couche gigantesque et odorante, avait fait de même, et qu’il avait subi. Où alors, il avait prit en compte l’existence de son fils bien plus tard. Une fois propre par exemple.

En déposant Eloise sur le bord de l’évier, il fronça les sourcils en songeant que peut être, ça avait été le cas. Son fils est apparu dans sa vie, propre. Avant cela, sa mère avait du sûrement s’en occuper convenablement. Paolo, dans le doute, rejeta l’idée de demander confirmation à son épouse.

En la maintenant bien fermement sur le bord de l’évier en inox, il prit le temps de la réflexion.
Eloise gigotait vivement, sans doute incommodée par la réaction chaud/froid causée par le contact de l’inox sous ses petites cuisses boudinées et les déjections produites par son minuscule appareil digestif. Quelle idée aussi de ne donner à manger à ces petites choses là que du liquide et encore du liquide.

Paolo se laissait aller à échafauder de nouvelles règles alimentaires et tellement plus pratiques (donner des aliments durs, voir mous = moins de défection, moins de couches à changer en 24 heures, parce que pour l’instant, la ravie de la crèche ressemblait plus à une mitrailleuse puissante et odorante qu’à un ange tombé du ciel, pure et sentant bon le « sent bon ».)

Il en était arrivé au problème non négligeable de la constipation de cause à effet lorsque sa belle fille déboula (quand même !) dans la cuisine, sans doute alertée par les plaintes de sa progéniture chérie. Il conclu rapidement qu’une constipation chronique n’avait sans doute jamais tué quiconque. Et abandonna sa gazouilleuse de petite fille à sa mère. Sa mère, un tantinet consternée, mais soit, Paolo décida d’ignorer ce fait.

Il aimait bien sa belle fille. Elle savait faire. Elle était un peu lente, mais elle savait. Il reculait un peu. Pour laisser faire la professionnelle. Avant de s’éloigner encore un peu. Pour les laisser passer, elle et le bébé, quitter la cuisine et se diriger sans hésitation vers le salon.

Eloise fut changée sur la table basse. Entre ses journaux politiques et le programme télé. Paolo ne préférant pas assister à un tel spectacle se réfugia sur le balcon.

En bas, dans la rue, des voitures klaxonnent, c’est la sortie de l’école. Des enfants en cartables. Des parents pressés. Il n’avait jamais fait attention à cette école avant. Au coin de sa rue. Depuis Eloise, il ne voyait plus qu’elle. Grouillante, bruyante, énorme. Il sentait bien que cette école serait celle de sa petite fille. Et cela signifiait qu’elle rentrerait peut être chez lui, après l’école, prendre un goûter, faire ses devoirs, regarder la télévision, puis, les années aidant, ramener ses copines, puis ses copains, elle investirait l’espace. Il serait dans l’obligation pour les quinze prochaines années de sa vie d’être chez lui à heure fixe. Pour accueillir sa petite fille. Il n’osait pas aborder le sujet avec son fils. De peur d’avoir confirmation. « Mais bien sûr papa, on travaille tard, des horaires inadaptées, un point de chute pour notre fille, pour le second en route peut être, l’esprit de famille, c’est formidable, et les vacances… »

Paolo rentra dans le salon. Eloise était propre. Sa mère admirant le fruit de ses entrailles. Mon dieu. Paolo fut prit d’une légère crise d’angoisse lorsque son fils détourna son attention en faisant son apparition.

Il était grand. Il était beau. Paolo avait comprit très tard que la fulgurante sensation qui l’envahissait parfois en présence de son fils était de la fierté. Il était fier de lui. Sa progéniture à lui avait même réussi à faire un enfant, une petite fille qui plus est, à une femme qu’il aimait, sans l’épouser. Ce qui pour Paolo plaçait haut son fils.

Il vint l’embrasser sur la joue. Souriant. Fatigué peut être un peu. Eloise gazouillait un ton au dessus depuis que son père avait fait son entrée. Elle gigotait. Sa mère l’abandonna aux bras forts de son conjoint, le père de son enfant, et accessoirement, le fils de Paolo et de sa femme, sa mère, son épouse. On y comprenait plus rien. Paolo avait envie d’un verre.

La nuit venait à peine de tomber lorsque la petite famille rentra chez elle. L’hiver arrivait à grand pas. Paolo se sentait mieux. De l’espace, du calme. Un cube en plastique frappé d’un A oublié sur le canapé. Sa femme au balcon, faisant des signes poussés de la main vers sa petite fille. Il l’a regardait et l’imaginait sur le pont d’un paquebot, dire au revoir. Ou adieu. Un sourire, cette image idiote. Sa femme, sur le pont d’un paquebot, dire adieu.

Elle est restée coquette sa femme. Un foulard sur la tête. Elle a beaucoup maigrie ces derniers temps. Ses longs cils ont disparus. Ses cils qu’il aimait. Des yeux de biche.

-Rentre, tu vas attraper froid.

Paolo leva les yeux au plafond. Que cette phrase lui semblait stupide. De quel droit donnait il des ordres à sa femme.

Elle ne l’écoutait pas. Faisait semblant. Elle irait se recoucher. Plus tard. Sa belle fille avait prit soin d’elle aujourd'hui. Ca c’est un brave garçon, que d’être tombé amoureux d’une femme infirmière. Juste avant que sa mère ne tombe malade. Paolo souriait. Encore. Aujourd’hui, pour la première fois depuis plus de trente ans, Paolo s’est senti seul. Vraiment seul. Il y a des choses pour lesquelles Paolo n’est pas « franchement pour ».

Azed 30/09/2004 @ 14:33:22
ce texte me plait plus que le premier mais cest pas du tout pareil. la petite famille est marante , y a pas de drame ou de baggare , cest juste dommage qu'on parle pas un peu plus du bébé parceque on parle que de la grosse couche qui pue! ce qui fait bizzard aussi cest que pablo est le heros et on dirait que cest pablo qui parle sans dire je ou moi. ca cest bien fait et ca doit etre dur pour une femme ecrivain d'ecrire a la place d'un homme. cest un bon exercice

Azed 30/09/2004 @ 14:33:58
cest paolo!!!! pardon!

Balamento 30/09/2004 @ 14:45:24
J'aime. Le décalage. Celui de l'humour incrusté-paf!. Celui du sensible dégagé, sans presque rien en écrire, décrire. ;-)

LouiseBe 30/09/2004 @ 15:01:30
J'aime. Le décalage. Celui de l'humour incrusté-paf!. Celui du sensible dégagé, sans presque rien en écrire, décrire. ;-)


balamento aime. Ou balamento n'aime pas. un avis tranché. clac ! ;-) merci ( je vais arrêter de remercier parce que, bon ;-))

LouiseBe 30/09/2004 @ 15:03:46
Oui, quelque chose de différent. Pas de bagarre, pas vraiment de bizarre ( ;-)) un compliment, que celui que vous me faites, sur l'évitement du "je".

LouiseBe 30/09/2004 @ 15:04:50
oups. le bizarre, la bagarre, le compliment, pour Azed ;-)

Tistou 30/09/2004 @ 15:11:41
Plus facile à appréhender que Eloges. Tout est explicite ici, ou quasi. Une ambiance désabusée-mortifère se dégage de ce texte. Parce que le point de vue adopté est celui de Paolo. Donc la petite fille, le symbole de la vie, de l'avenir, passe évidemment du mauvais côté. (Tiens pourquoi j'ai écrit "évidemment" moi?).
Ouais mortifère mais bien écrit. C'est étonnant effectivement comme tu as pu si bien te mettre dans la peau d'un homme!

Balamento 30/09/2004 @ 15:20:57
Une ambiance désabusée-mortifère se dégage de ce texte.


Ca se discute largement ça... très, très, très largement même ;-) Sont-ce bien les bons adjectifs ? Je m'étonne que me vienne, sur ce texte, "frais" ou "tendre" plutôt que "désabusée" et "mortifère"... ;-)

LouiseBe 30/09/2004 @ 15:23:39
Plus facile à appréhender que Eloges. Tout est explicite ici, ou quasi. Une ambiance désabusée-mortifère se dégage de ce texte. Parce que le point de vue adopté est celui de Paolo. Donc la petite fille, le symbole de la vie, de l'avenir, passe évidemment du mauvais côté. (Tiens pourquoi j'ai écrit "évidemment" moi?).
Ouais mortifère mais bien écrit. C'est étonnant effectivement comme tu as pu si bien te mettre dans la peau d'un homme!


On utilise le "tu" alors, volontiers ;-) Alors oui, un bon avis ça ( parce qu'il est positif sans doute, mais quand meme ;-) je trouve que tu pointes de bons détails).

Peut etre qu'il est plus facile pour une femme de se mettre dans la peau d'un homme d'âge mûr, après tout, c'est assez simple de s'imaginer laisser pousser des poils et de voir son corps vieillir d'une manière plus gracieuse. ;-) après, Paolo n'est pas vraiment "typé masculin". Enfin, je ne crois pas, du moins, il ne l'est pas dans l'excès.

LouiseBe 30/09/2004 @ 15:26:20
Une ambiance désabusée-mortifère se dégage de ce texte.


Ca se discute largement ça... très, très, très largement même ;-) Sont-ce bien les bons adjectifs ? Je m'étonne que me vienne, sur ce texte, "frais" ou "tendre" plutôt que "désabusée" et "mortifère"... ;-)



ha ! un débat ! ;-) les deux points de vue me vont pour ma part ;-) frais et tendre, désabusée et mortifère, quoi de mieux ;-)

Kilis 30/09/2004 @ 16:42:00
Bonjour LouiseBe,
Ton texte est étonnant et détonnant Il a un style original, je veux dire tu as une manière particulière de décrire les choses, une certaine retenue qui privilégie le rendu cru et concret du contexte, reléguant l'affectif au second plan.
Pour moi c'est une bonne surprise.

LouiseBe 30/09/2004 @ 17:10:02
Bonsoir Kilis ( "terrible cinq heures du soir" où il faut se mettre au bonsoir ;-))

ayant décidé en accord avec moi meme que je n'allais pas me mettre à dire merci à chaque fois que l'on me donne aimablement un avis, parce que ça frolerait la convulsion épileptique ( j'ai l'heureuse surprise de recevoir certains avis, et c'est bien ;-)) je ne dirais que.. oui, alors, bon,juste. Merci ( mais c'est la dernière fois ! ;-))

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