Shelton
avatar 04/02/2025 @ 08:54:53
Il est donc temps de vous parler en détail de ce Festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Il fallait, pour cela, d’une part qu’il soit terminé et que je sois rentré chez moi et, d’autre part, que je puisse prendre un peu de recul pour mettre en place un regard sinon objectif au moins dépassionné…

La première chose importante à préciser concerne l’article paru dans l’Humanité, repris dans ses grandes lignes dans Libération, concernant un viol qui a été commis lors du Festival 2024 sur Chloé tels que les faits sont rapportés par la journaliste de l’Humanité. La victime qui travaillait pour le festival a été licenciée pour comportement inapproprié ce qui est, tout simplement, hallucinant. Ce n’est pas à moi de faire l’enquête ni le procès, mais vous comprendrez bien que cette « affaire » était dans l’esprit de beaucoup au moment de l’ouverture du festival.

Mais les articles concernant le festival ne se limitaient pas à ce viol. Soyons très objectifs, on reproche à l’organisation du festival une mauvaise gestion, un manque de transparence, un manque d’humanité dans les relations humaines internes, une augmentation des tarifs, un sponsoring surprenant avec un leader du fastfood, un népotisme confirmé… Bref, on pourrait dire : La coupe est pleine !

Ceci étant, a-t-on les preuves factuelles de tout cela ? Car, quand on accuse, il faut pouvoir prouver ! Je ne suis pas le juge d’instruction, je n’ai pas tous les éléments en mains, mais, quelques faits ont retenu mon attention et je voulais les partager avec vous…

Tout d’abord, mercredi matin, en arrivant à Angoulême pour la journée pro, j’ai discuté avec une professionnelle intervenant pour le festival. Sous couvert d’anonymat, nous avons abordé ce dossier et je voulais savoir ce qu’elle en pensait. Réponses très claires et je vous les livre : Oui, j’étais informée du viol depuis presque un an car après le Festival de l’année dernière j’ai discuté avec la victime et elle m’avait raconté les faits. Elle était un peu perdue et cherchait de l’aide qu’elle ne trouvait pas auprès de sa hiérarchie.

Le soir, lors de l’ouverture, aucun partenaire n’a réellement pris la parole et les mots du maire furent plus que succincts. Une sorte de service minimal et ce fut assez lourd comme ambiance. On peut d’ailleurs dire que l’accueil de Posy Simmonds, Grand Prix 2024, et Anouk Ricard, Grand Prix 2025, fut assez anodin et, du coup, triste. Ces grandes autrices auraient mérité bien mieux !

J’ajoute un autre fait lors de cette soirée. Posy Simmonds devait annoncer le Grand Prix 2025. Elle était au micro et ne connaissait pas le résultat du vote. Pas d’enveloppe, pas d’huissier, la directrice artistique du festival lui a juste glissé le nom à l’oreille. On voudrait créer du doute autour du vote que l’on ne s’y prendrait pas autrement…

A partir de ce même jour d’ouverture, un certain nombre de communiqués se sont succédés provenant des éditeurs indépendants, des grands éditeurs, du Festival, de certaines associations… A chaque fois, on se sentait de plus en plus mal car le dossier à charge semblait bien rempli… On aurait pu se dire que le Festival était définitivement plombé et qu’il n’y avait plus qu’à rentrer à la maison avec tristesse… Heureusement, ce ne fut pas le cas…

De nombreux acteurs de la bande dessinée ont courageusement exprimé leurs positions face à cette situation, et, malgré le tarif de plus en plus élevé, malgré les évènements payants de plus en plus nombreux (master class, concerts dessinés…) ; le public a été présent au rendez-vous de ce Festival !

Heureusement, aussi, quelques prix sont venus récompenser des auteurs, autrices et ouvrages que j’avais eu plaisir à lire et à défendre… J’en retiendrai trois qui me tiennent à cœur ; le Prix des lycéens attribué à Marie Bardiaux-Vaïente et Carole Maurel pour Bobigny 1972, le prix Goscinny du meilleur scénariste à Serge Lehman pour Les navigateurs, le Fauve spécial du Jury pour Les météores de Jean-Christophe Deveney et Tommy Redolfi…

Lors de ce festival, j’ai visité 6 expositions, réalisé 30 interviews, reconstruit le monde deux ou trois fois, rencontré des amies et amis, et donc pris beaucoup de plaisir. Il y aura eu, avouons-le, un petit goût amer déposé en moi qui n’est probablement pas prêt de partir…

Eric Eliès
avatar 04/02/2025 @ 22:03:31
@Shelton : j'ignorais cette affaire de viol suivi du licenciement de la plaignante. Décidément, après la polémique sur Bastien Vivès au festival 2023, l'ambiance devient très pesante... A part ça, je suis étonné que Larcenet ne soit pas au palmarès : il était bien dans la sélection officielle ?

Vince92

avatar 05/02/2025 @ 05:52:23
@Shelton : j'ignorais cette affaire de viol suivi du licenciement de la plaignante. Décidément, après la polémique sur Bastien Vivès au festival 2023, l'ambiance devient très pesante... A part ça, je suis étonné que Larcenet ne soit pas au palmarès : il était bien dans la sélection officielle ?


Je crois qu’Angoulême ne reflète plus depuis longtemps le véritable paysage de la BD.
Copinages, désirs de rentrer dans le rang, entre-soi délétère et désormais affaires sordides. La mecque de la BD ressemble de plus en plus à un Cannes de seconde main…

Shelton
avatar 05/02/2025 @ 08:28:52
Vince, j'entends bien ce que tu dis et je ferais bien quelques commentaires :

- Je ne sais pas ce qu'est le véritable paysage de la BD. Elle est fondamentalement multiformes et on est très loin d'une BD classique franco-belge, ligne claire et que sais-je encore. Il y a encore du classique pure ou presque, il y a toutes les formes possibles de narration graphique, il y a tous les genres d'histoires, du gag jusqu'au reportage en passant par la science-fiction, le polar, l'aventure, la fantaisie, l'autobiographie, la politique, le religieux, la sociologie, il y a du manga, de la jeunesse... Bref, je suis tenté de dire qu'il est impossible aujourd'hui de ne pas pouvoir trouver une bande dessinée à son goût. Du coup, qu'est-ce que le paysage de la BD contemporaine ?

- Deuxième élément, il faut faire la différence entre un festival (son organisation, ses prix, ses expositions, ses conférences...) et le fait que tant d'auteurs soient présents et puissent parler de leurs livres, y compris quand ils sont édités par de minuscules structures. Là, il y a possibilité de rencontres magnifiques qui sont presque uniques et impossibles ailleurs...

- Enfin, comme le dit une amie qui travaille aussi dans ce milieu, nous devons nous battre pour préserver ce festival qui d'ailleurs appartient au patrimoine mondial... Pas toujours facile ni drôle, mais c'est notre devoir !

- Quant au copinage, à la protection des intérêts de chacun, bien sûr, ça existe. Depuis, que le Grand Prix part d'un vote de tous les auteurs, on peut dire que c'est mieux. Reste à faire une transparence autour de ce vote !

Vince92

avatar 05/02/2025 @ 11:19:52
En fait, plus que le festival en lui-même, ce sont les prix qui ne trouvent pas trop grâce à mes yeux.
L'histoire de la parité dans l'attribution des prix, les polémiques parmi les auteurs phare ou les absences évidentes du palmarès (Larcenet comme le soulignait Eric plus haut) font que je n'accorde aucun crédit auxdits prix (tout comme je ne m'attache pas au Goncourt, au PNL ou à la Palme d'or d'ailleurs...)

Qu'il existe des lieus de rencontre entre auteurs, lecteurs, éditeurs, ça me paraît en effet indispensable. Le milieu me semble gangréné par l'esprit de coterie cependant, mais peut-être qu'il ne s'agit que de suppositions de ma part tirées de commentaires de la part d'auteurs que je lis ça et là.

Shelton
avatar 05/02/2025 @ 11:58:21
Pour les prix, c'est toujours très délicat. Cette année, le prix spécial du jury à "Les météores" me convient parfaitement et je pense que c'est une excellente BD. Le prix du scénariste à Serge Lehman est totalement justifié pour une BD "Les navigateurs" est un choix que j'aurais pu faire sans aucun doute. Enfin, l'album de Larcenet n'a pas été retenu, on peu le regretter mais les prix c'est toujours un peu subjectif. J'ai été membre d'un jury, il y a déjà quelques années, et je connais la difficulté de tenter un choix cohérent, objectif et pouvant entrainer l'adhésion du public... On voit bien lors des lectures communes sur le site que nous ne sommes que rarement tous d'accord !

Saint Jean-Baptiste 06/02/2025 @ 11:07:03
les prix c'est toujours un peu subjectif. J'ai été membre d'un jury,(...) , et je connais la difficulté de tenter un choix cohérent, objectif .. On voit bien lors des lectures communes sur le site que nous ne sommes que rarement tous d'accord !
Rarement tous d'accord ? D’un côté c’est heureux, c’est toujours amusant de parler d’un livre qu’on a lu et de partager ses impressions. Mais que ça doit être difficile de faire partie d’un jury !

Shelton
avatar 06/02/2025 @ 14:21:09
D'ailleurs, cher Saint Jean-Baptiste, la question essentielle est : faut-il des prix ? Compte tenu du nombre de ceux qui annoncent qu'ils n'en tiennent pas compte, on pourrait dire qu'ils ne servent à rien... Mais, il y a bien un "mais", pour les auteurs il y a d'une part le prix lui-même - parfois une somme non négligeable - et d'autre part la reconnaissance - et il semblerait que l'on en a tous un peu besoin...

Saint Jean-Baptiste 07/02/2025 @ 12:32:05
... la question essentielle est : faut-il des prix ?
Je trouve que ces prix ne sont pas inutiles ; évidemment le primé ne sera jamais celui qui va plaire à tout le monde mais quand on consulte la liste des « nominés » ça permet de se faire une idée des livres qui sortent du lot. Et en consultant les critiques de CL on arrive à se faire une idée de ce qu’on pourrait lire.
Personnellement, autrefois je consultais les critiques des journaux et ça m’a valu beaucoup de déceptions.

Eric Eliès
avatar 01/12/2025 @ 23:12:21
@Shelton : tes derniers posts sur l'édition 2025 laissaient croire que le festival avait été plombé par les affaires successives. C'était encore plus grave que ce qu'on pouvait craindre car, après l'annulation en 2026, ça ne va pas être facile pour Angoulême de redémarrer en 2027... Est-ce qu'une autre ville ne va pas essayer d'en profiter pour lancer un nouveau festival capable de remplacer Angoulême ?

Vince92

avatar 02/12/2025 @ 09:42:11
Je ne parviens pas à connaître de façon précise les circonstances qui ont mené à ce fiasco.
Angoulême est vraiment associée à la bande dessinée, les infrastructures, l'histoire du festival, tout plaide pour que le festival recommence là.
Le milieu évolue cependant, il va falloir que les responsables prennent la mesure des changements et fassent de l'événement quelque chose de plus consensuel et représentatif.
Hâte de lire les commentaires de Shelton sur le sujet.

Shelton
avatar 03/12/2025 @ 09:37:30
Ce que vous me demandez est assez complexe à réaliser en restant clair, précis, factuel et tenter d'approcher l'objectivité.

Je vais essayer de le faire, cela prendra un peu de temps mais me permettra aussi de faire un point complet. Ce sera mon regard malgré tout, donc le regard d'un journaliste qui va à Angoulême depuis plus de 25 ans pour y travailler, en moyenne 32 interviews radio par festival...

Regard enrichi par mes amies et amis éditeurs et auteurs...

Donc, à très bientôt sur ce sujet délicat et somme toute assez triste !

Shelton
avatar 04/12/2025 @ 09:27:24
Donc, désolé c'est assez long, j'espère qu'il n'y a pas trop de fautes d'orthographe, pas trop d'imprécisions et, surtout, n'y voyez aucune haine personnelle... Bonne lecture et on pourra revenir sur certains points après...

Shelton
avatar 04/12/2025 @ 09:27:49
Il est très difficile de donner des explications rationnelles sur le festival d’Angoulême sans revenir très longtemps e, arrière, sans inonder les lecteurs d’une multitude de détails, de dates, de nom de personnes… aussi, je vais essayer d’être simple, clair et assez pédagogique.

Le premier point à comprendre, c’est qu’au départ, le festival est un rendez-vous créé par des passionnés de bande dessinée. Ce sont des bénévoles, ils font au mieux et l’évènement va doucement prendre sa place dans le calendrier BD français. Ce n’est pas encore la ruée sur Angoulême, juste une date que les amateurs finissent par cocher dans leur agenda. La première édition date officiellement de 1974.

A partir de 1977, la renommée devient plus grande, Hergé est président du festival cette année et, suite aux problèmes financiers de la ville, le festival pour exister devient payant. C’est aussi la première tension entre organisateurs, un des co-fondateur, Groux, se retire et critique violemment l’organisation du festival.

1984 marque une nouvelle étape avec la création du Centre national de la bande dessinée et de l’image, structure professionnelle qui crée plusieurs centaines d’emplois à Angoulême. Le festival monte en puissance et on commence à voir un aspect commercial fort, le festival doit vendre des produits dérivés, et équilibrer ses comptes.

En 1988, Il est question d’alterner le festival entre Grenoble – ville des éditions Glénat – et Angoulême mais ce dossier ne donne rien. Pour aider le festival à équilibrer ses comptes, un gros sponsor entre dans la danse, les Centres Leclerc. Il faut dire que Michel-Edouard Leclerc est un passionné de bande dessinée.

La « machine Angoulême » devient de plus en plus importante et l’association semble dépassée par l’organisation concrète du festival. C’est en 2007/2008, que les choses vont évoluer. La nomination d’un délégué général, Franck Bondoux, qui crée une entreprise pour devenir l’opérateur du Festival, 9ème art + et une entreprise spéciale pour gérer les sponsors et mécènes du festival. A partir de cette date Bondoux devient le maître absolu du festival et se fâche régulièrement avec les décideurs politiques locaux, surtout quand les subventions diminuent…

Mais la société de Franck Bondoux et son PDG sont la cible de nombreuses autres critiques, surtout à partir de 2016. En effet, cette année-là, la liste des auteurs pour le vote du Grand Prix par les auteurs ne contient aucun nom de femmes. Franck Bondoux déclare dans le journal Le Monde que cette situation est normale puisque les femmes n’ont que « peu de place dans l’histoire de la bande dessinée ». Cette affirmation met le feu au festival et de nombreuses critiques remontent à la surface : place des autrices, respect des auteurs en général, paiement des auteurs qui dédicacent pendant des heures, coût du billet, violence de la gestion humaine de l’équipe professionnelle de 9ème art +… Bref, l’ambiance devient très tendue et il y a un véritable besoin de changement… Le gouvernement fait réaliser un rapport pour réorganiser le festival. Les conclusions sont fortes : remplacer à termes 9ème art + et l’association par un groupement d’intérêt public. Occasion pour les auteurs et les éditeurs de demander à être plus écoutés et respectés.

Dans la foulée, la chambre économiques des comptes de Nouvelle Aquitaine fait des remarques fort négatives sur la gestion de Franck Bondoux entre 2014 et 2019. C’est dans ce contexte que de nombreux acteurs de la bande dessinée commencent à parler de mesures plus fortes comme le fait de ne plus aller à Angoulême.

C’est dans ce cadre que le festival 2024 voit de nombreuses listes de revendications des autrices et auteurs. La rémunération équitable des auteurs en dédicace en fait partie mais pas que. On parle par exemple de la possibilité pour les auteurs de visiter de façon libre les expositions du festival, y compris le mercredi en même temps que la presse. On évoque des toilettes correctes pour les auteurs. On parle aussi des expositions du festival qui au départ avaient pour objectif de faire connaitre et mettre à l’honneur des auteurs et non juste faire venir du monde à Angoulême… Angoulême devient de plus en plus une fête à la dédicace avec tirage au sort tellement le public est nombreux. On s’éloigne de plus en plus d’une fête culturelle de la bande dessinée. On entend pour la première fois le slogan : attention un festival sans auteur n’aurait plus aucun sens !

C’est dans cette ambiance que s’ouvre le festival 2025 dont j’ai déjà parlé. Un article avec enquête très solide sort dans l’Humanité : non seulement la gestion générale de Franck Bondoux est pointée du doigt mais une affaire beaucoup plus glauque et grave est révélée, un viol d’une personne de 9ème art + par un membre du festival et un licenciement par Franck Bondoux de la personne victime pour comportement inapproprié. L’affaire est actuellement entre les mains de la justice.

En novembre 2025, alors qu’il y avait une sorte d’unanimité pour que 9ème art + et Franck Bondoux soient écartés de l’appel d’offre qui avait été lancé pour attribuer la gestion du festival à partir de 2027, l’association du festival gardait l’offre de Bondoux en lui demandant de s’associer avec la Cité de la bande dessinée alors que tout le monde connaissait les tensions entre les deux structures…

C’est juste la goutte d’eau (ou d’acide) qui fait déborder le vase… Les auteurs menacent de boycotter le festival (le mot girlcotter est créé pour faire un clin d’œil au machisme indiscutable de Franck Bondoux). Les éditeurs indépendants, puis les grands éditeurs rejoignent le mouvement. Plus récemment, les pouvoirs publics suspendent leurs dotations et subventions financières. Enfin, le festival 2026 est tout simplement annulé.

Tout cela est assez factuel et je pense avoir conservé une certaine impartialité. Maintenant, quelques éléments de mon appréciation personnelle.

- Le festival était devenu une très grosse machine qui engendrait de façon mécanique des tensions régulières. Les couts devenaient conséquents, les subventions de certains acteurs substantielles, la gestion de Bondoux assez opaque, les autrices et auteurs sans qui rien ne serait de plus en plus oubliés pour ne pas dire méprisés, le billet d’entrée très cher et de plus en plus avec des suppléments à payer pour des soirées spectacles ou des masterclass.
- En 2025, l’arrivée d’un gros sponsor, Quick, a fait grincer de nombreuses dents et j’avoue que voir des classes faire la queue dans la rue (heureusement piétonne) pour entre dans l’espace Quick me posait question au moment où l’on tente d’éduquer la jeunesse à une autre façon de s’alimenter plus conforme à la santé publique !
- L’affaire du viol révélé et de la réaction de Franck Bondoux a montré de façon indiscutable que ce dirigeant ne savait pas faire preuve d’humanité et d’attention à son personnel. Licencier au lieu d’accompagner et de prendre les bonnes mesures devrait le disqualifier directement pour gérer un tel évènement. Je n’en dis pas plus car la justice fait son travail…
- Enfin, le statut des auteurs est assez précaire pour qu’un tel festival prenne en compte les conditions financières de la venue des auteurs en acceptant de rémunérer les temps de dédicaces, de participation aux tables rondes, les expositions, les démonstrations diverses : certes, il y avait déjà des éléments en place mais il faut quitter le symbolique pour devenir équitable !
- Je comprends bien l’envie de dédicaces de certains lecteurs mais il est grand temps d’expliquer une bonne fois pour toutes qu’un tel rassemblement populaire autour de la bande dessinée ne peut pas devenir une foire d’empoigne à la dédicace. Je me refuse aussi à voir les dédicaces réservées à ceux qui pourraient payer car cela écarterait le public populaire et jeune que l’on voit bien à Angoulême. Il faut donc se réinventer, trouver des solutions pour que ce festival redevienne un rassemblement festif, humain, culturel et ouvert à la BD sous toutes ses formes…
- Pour répondre à vos questions précises, pour les prix BD et ce qu’ils représentent. Comme tous les prix, du théâtre à la littérature, de la musique à la bande dessinée, un prix est par définition très subjectif. Il est fonction de l’esprit du moment, des membres du jury, des pressions exercées par quelques politiques ou décideurs, des motivations des uns ou des autres. Ce n’est pas nouveau et cela existe bien à Angoulême. La remarque que l’on pourrait faire est un peu plus complexe : la bande dessinée est un mode d’expression très diversifiée car qu’est-ce qu’il peut bien avoir de commun entre une bédé humour pour la jeunesse et un reportage politique, entrer une série western classique et une autobiographie, entre un polar et une histoire ésotérique… Le seul point commun est qu’une bédé est une histoire racontée par du texte, du dessin et une bande son… Sauf que parfois le texte disparait, que l’histoire peut être très évasive, que parfois même le dessin s’efface un instant pour laisser la place à un texte plus conséquent… La bande dessinée contemporaine prend toutes les formes et elle est enrichie par celle qui nous vient d’Argentine, du Chili, d’Espagne, d’Angleterre, des Etats-Unis, de Corée, d’Afrique, du Japon, de Chine et d’ailleurs ! C’est richissime mais pas toujours du goût de tout le monde !
- Enfin, est-ce qu’une autre ville pourrait prendre la place d’Angoulême ? Comme l’a dit Benoît Peeters, on construit une image en 50 ans et en quelques mois on détruit tout. Oui, boycotter était plus facile à faire que la reconstruction qui est à réaliser… Mais, peut-être que si tous les acteurs s’y mettent ensemble ce peut être jouable et réalisable. D’autres festivals existent et je pense à Quai des bulles, BD Boum et Lyon BD (liste non exhaustive, bien sûr) et si Angoulême veut se relever, il va falloir s’y mettre avec beaucoup d’énergie !

Marvic

avatar 04/12/2025 @ 11:25:35
Merci Shelton pour cet historique et ces explications très claires.

Feint

avatar 04/12/2025 @ 16:24:33
C'est très clair - et très triste.

Eric Eliès
avatar 04/12/2025 @ 21:52:51
@Shelton : tu ne l'évoques pas mais j'avoue que je me suis parfois demandé si le festival n'était pas tout simplement mal né à Angoulême, ville qui a subi dans les années 80 la gestion frauduleuse d'un maire (JM Boucheron) si crapuleux qu'il a fui en Argentine en 1992 (à une époque où pourtant les malversations financières étaient presque la norme dans la classe politique : cf cassette Méry, la MNEF, etc.). Est-ce que la "financiarisation" du festival n'est pas aussi due au contexte de malversation à l'époque de sa naissance ? Est-ce que c'est ce que tu sous-entends quand tu dis (je te cite) : "A partir de 1977, la renommée devient plus grande, Hergé est président du festival cette année et, suite aux problèmes financiers de la ville, le festival pour exister devient payant." ? En effet, c'est en 1977 que JM Boucheron est élu maire d'Angoulême...

Saule

avatar 04/12/2025 @ 22:40:19
Ce qui va me manquer le plus c'est tes chroniques... en espérant une renaissance du festival si possible à Angoulême.

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