Magicite
avatar 10/06/2024 @ 13:50:50
Bienvenu au club

Lorsque Gimpe débarque de l’armoire il se dégage rageusement d’un caleçon louche.
Les créatures fantastiques ne sont pas toutes connues pour leur hygiène et les lutins à l’instar des lapins avec lesquels ils partagent de nombreux traits physiques ont un sens de l’odorat très développé. Voyager par la zone était souvent particulièrement pénible pour eux et il avait encore oublié dans sa précipitation son masque FFP2 n’ayant que son fil en double boucle et son jeton de destination. Une innovation des humains, ils croyaient même avoir découverts les portes à chaussettes. Pff toujours à la traîne ces créatures puis il se rappela la raison de sa présence à la bibliothèque de l’occulte. Une machination de Merlin ou Morgane LeFey peut-être? Leur part humaine avait toujours donné trop d’importances à leurs affaires, à moins que...

Un être des profondeurs l’attend à la réception et lui montra son casier. Il était en retard et le dernier arrivé sembla il en voyant les patères et casiers encombrés.
Il salue d’un hochement de tête l’être mi-humain mi-mollusque en dépose son jeton dans l’urne sur le comptoir et zappa la partie vestiaire où il aurait du se changer pour sa tenue de cérémonie et se dirigea vers la salle de conférence de la bibliothèque de sa démarche bondissante.
Cette fois ça craint vraiment car il était désigné par tirage au sort pour le rôle de plumitif, le second rôle le plus important pour cette nuit. Il assiste le maître archiviste et ne sait pas encore qui a été désigné pour cela. Il espère que ce serait un être du petit peuple plus apte à comprendre sa nature éloignée des conventions sociales rendant improbable pour ceux de son espèce un événement tel être à l’heure aux rendez-vous…
Il passe sur un riche tapis cramoisi brodés d’arabesques dorées devant les rangées de golems et armures enchantées qui n’ont plus maintenant que des rôles ornementaux pour se retrouver nez à nez avec une Stryge assise devant un petit bureau et qui aspire lentement la fumée d’une braise aussi rougeoyante que ses yeux au bout d’un long fume-cigarette noir. La vieille dame cracha une volute de son bec dans sa direction:
_ « Ah enfin vous voilà.» crissa la voix venue de la face aux traits de rapaces.
Elle attendait quelque chose et il se rappela, fouillant hâtivement dans la poche intérieure de sa jaquette jaune criarde il en sortit une forme rectangulaire de la taille de sa paume, son carton d’invitation qu’il remit à la réceptionniste. Si les Profonds font usuellement de bons serviteurs les Stryges excellent à des postes administratifs. En partie faites de pierre elles ont une perception différente du temps leur évitant l’ennui des tâches répétitives et monotones, la mentalité vengeresse et leur partie rapace évite toute compassion ou entorse à la règle. Les parfaites fonctionnaires administratives. La vieille dame nota le nom inscrit sur le carton en face de la date et, au désarroi de Gimpe, son heure d’arrivée.
Il trotte ensuite à travers un dernier court couloir jusqu’à passer l’arche monumentale menant à la grande salle.

Il sautille dans le vaste dôme voûté en faisant voler les pans de son manteau comme des ailes de papillon. La pièce est circulaire entourée de bibliothèques avachis contre les murs sous le poids des codex vermoulus entassés dans les rangées et éclairée par un des chandeliers dégoulinants disposés en pentacle. Les regards des autres participants se tournèrent vers le lutin rougeaud pénétrant le cercle éclairé.
Tous les regards en partis sombres, peu avenants pour la plupart, tous attendaient enfin qu’il arrive.
C’est une occasion exceptionnelle pour tous ceux présent, un témoignage pour les âges et les âges à venir et la seule chose qui pouvait réunir autant de créatures si diverses.
Au centre de la pièce une liche, face de momie dans une robe noire brodée de symboles en fil d’or et argent darda ses yeux de charbon en flamme froide perpétuelle vers Gimpe.
Quelqu’un gloussa, la plupart maugréèrent. La liche qui préside la chronique toussa comme un conduit de cheminée d’une maison en ruine.
‘Le Scribe de la Chronique est présent. Nous allons commencer la cérémonie.’
dit de sa voix d’outre-tombe le sorcier mot-vivant apte à restaurer la solennité dévolue à cette nuit.
Sur un grand lutrin en bois finement sculpté un grimoire épais en peau de cuir trônait au centre de la pièce et des chandeliers posés en cercle.
Gimpse, marchant maintenant tapinois en tassant tout le poids de ses épaules larges sur son bedon rond prit la place qui lui était dévolue. Sous le pupitre du grimoire de La Chronique reposait des rouleaux de parchemins entassés. Il prit le ruban torsadé en ruban de Moebius.

Les autres membres à moitié couverts par la pénombre des bords de la pièce circulaire se raidirent quand résonna une cloche. Suivit par l’orchestre baroque entamant un grincement de violes, distorsion de guitares électriques et nappes de synthétiseurs.
Puis reprenant l’ascendant le maître de la chronique, immense avec ses jambes dissimulés par le fourreau long de son linceul sombre, aussi haut que le pupitre surplombant le lutin ventripotent et minuscule comme cloué au sol en dessous alors qu’il se tenait droit de toute sa taille.
Beaucoup d’entre les plus anciens et plus sauvages prenaient son espèce pour de simples voleurs de chaussettes, incapables.
D’un geste d’une main, d’un retournement des doigts dans une injonction cabalistique le Gardien de la Chronique éteint le flot de musique et fit léviter la page de garde du grimoire.
« Commençons par le commencement, nous allons voir ce soir des membres de la Chronique.
Ce seront eux désignés pour notre nouvel arrivant par le destin.»
Ceux qui méconnaissaient le plus les traditions comprirent que la dernière phrase était à leur destination.
Parmi les monstres de nombreux clans et beaucoup se haïssaient, même au sein de leur propre espèce. Une occasion exceptionnelle, ayant lieu de moins en moins souvent. La dernière datait d’il y a au moins un lustre, certain même accusaient le progrès technologique de freiner leur développement. Mais ne prêtez pas attention au monstres, il mentent et manipulent pour vous nuire.

Du bout de son doigt dans des gants de bandelettes le gardien de la Chronique tourna une page.
De la poussière s’envola en tourbillonnant pour révéler le premier de la liste.

I Zombie

Il croupissait dans la boue glauque qui suintait du mur auquel il est adossé. Il lui reste encore une ampoule de morph, pas grand-chose. L’écran s’illumina alors que l’ordinateur portable sortait de veille.
Une femme coiffée d’un chapeau à large bord, mince et souriante, posait devant la cour ombrée de marronniers. Zombie regarda l’écran. Elle était obèse et impotente maintenant. Il se demandait si elle vivait encore. Lui était revenu en France après de la prison, elle ne l’avait pas attendu. Il ne lui en voulait pas. Une femme avec un gosse handicapé à San José aux États-Unis d’Amérique ne pouvait se préoccuper d’un homme prisonnier pour braquage et elle était partit avec leur fils pour l’Oregon. C’était avant l’Obama Care et la vie était moins chère. Officiellement elle rejoignait des membres de sa famille éloignée, c’était surtout pour s’éloigner de leurs connaissances de la ville Californienne et il comprenait que tout lien avec cette vie passée devait être coupée. Ne plus avoir l’occasion de se rappeler leur vie commune.
Il était mort peu après avoir trouvé son adresse, avait envoyé une lettre long courrier. Il ne savait pas si elle avait répondu, les morts n’ont pas d’adresse et ne reçoivent pas de courrier.
Tommy il s’appelait mais cela était difficile de se souvenir encore. Bientôt il ne pourrait même plus utiliser l’appât, même plus se rappeler la vie. Chaque jour son corps pourrissant partait en lambeau qu’il rafistolait comme il pouvait en cousant ses chairs putrides. Puis en agrafant, il se demandait si utiliser un fer à repasser serait efficace mais il n’avait pas de fer et cela lui devenait de plus en plus indifférent de laisser des lambeaux derrière lui; à mesure que son cerveau devenait putride les pensées devenaient de plus en plus rares.
Il se dressa, d’un bond de créature de Frankenstein, chaloupant comme un ivrogne mimant le Titanic, cognant les murs comme l’iceberg fatal et s’y accrochant.
Seule restait la faim, dévorante comme une nécrose, une escarre s’élargissant comme polie sur une pierre plate et dure. Il se rappela de se couvrir du grand et long manteau pour se donner une apparence de vivant, enfila un bonnet recouvrant au maximum de son visage et tâtonna pour ouvrir la porte du hangar métallique où il squattait. Faim.
L’ampoule de morph dans sa poche il se dirigea vers le quartier des docks.
Les zonards venaient y acheter leur came. Il n’avait pas besoin de parler et c’est tant mieux sa langue enflée et bleu ne lui permettait plus que des borborygmes toussotant.
Il brandit sa fiole minuscule à l’un des passant hantant l’ombre des rues sinistre de la nuit, apparaissant seulement en silhouette sous l’éclairage ophidien d’une ampoule grésillante.
Le junkie n’était pas regardant, il se contenta de donner le tarif habituel en billets tâchés et froissés.
Bien sûr s’il ne prenait qu’une dose cela voulait dire qu’il était vraiment en manque.
Tom n’eut pas à le suivre longtemps alors qu’il tournait l’angle pour encore plus d’obscurité, une jambe traînante dans un bruit de reptation il vit son client se garrotter et s’injecter, accroupi à même le sol jonché d’immondices.
Son visage livide s’élargissait d’un sourire bienheureux, avachit et prostré par le shoot.
Zombie avança vers lui de sa lente démarche, avide plus que l’autre un instant plus tôt.
Il poussa de ses bras insensibles et incommensurablement puissants le crâne contre le mur de béton qui craqua dans un bruit de noix brisée.
Enfin il se délecta de la cervelle dégoulinante, cherchant dans la matière grise et blanche suintante les méninges qu’il n’aurait bientôt plus. Dans quelques heures il aura perdu toute humanité et mémoire pourtant et devra se contenter d’agresser les badauds sans préambule ni précaution. Cela faisait 52 heures qu’il avait été zombifié; il avait mangé quatre cervelles durant cette période en plus de la dernière, toujours avec la même méthode.
Dans un ultime grognement il gronda quelque chose qui ressemblait à ‘Tom’ comme pour se rappeler sa vie partie, parce que personne ne dirait plus son nom où ne penserait à lui.

Gimpe gratta sur les rouleaux de parchemins courant comme sans fin l’histoire de Tom le Zombie, l’encre coule comme un sang sec et épais, flot d’un coeur qui a cessé de battre.


Tremblez pour Un nouvel épisode Prochainement
Quel est le but de cette cérémonie et qui sera la prochaine entrée du livre de la Chronique?
Ce sera révélé en son temps et heure

Tistou 26/06/2024 @ 14:38:28
Tu te lances vraiment dans une entreprise au long cours de 20 épisodes ? C'est téméraire et courageux, surtout en ces temps de désaffection de Vos Ecrits !
Nous sommes en pleine "fantasy" ? Il faut laisser sa rationalité et ses certitudes au vestiaire et accepter de se laisser emporter dans ton monde. Pour quoi pas, même si la "fantasy" n'est pas mon kif.
Par contre, ce qui me déroute c'est un usage de la concordance des temps par moment ... déroutant. On commence au présent et surgissent des passés simples qui me paraissent hors-jeu, en tout cas qui me déroutent. Et ce n'est pas la première fois te concernant.
Par contre (bis), je pense que ta région méridionale doit être riche en champignons qui font rire parce que, question imagination et idées farfelues, bonjour !
Allez je vais voir l'épisode 2 tant que le 1 m'écorche encore la mémoire ...

Magicite
avatar 06/07/2024 @ 23:24:33
Merci à ceux qui m'ont lu et Tistou de me commenter.
En effet j'hésitais beaucoup pour ce texte entre le présent et imparfait, texte écrit un peu(beaucoup) à l'arrache en automatique parce que il traînait dans "les cartons" (depuis l'exo 20 ans) et que je voulais quand même pondre un truc.
Idée farfelue? Inspiré librement d'une connaissance(le nom a été modifié), bien sûr le "deal de morph" n'est pas crédible vu le prix ce ne serait pas rentable après renseignement de vendre à l'ampoule. Ce n'est pas l'histoire de zombi que j'avais prévu/en tête à la base mais tant pis, celle là est venue comme ça.

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