Eric Eliès
avatar 08/05/2023 @ 11:15:41
Grand lecteur et admirateur de l'oeuvre poétique d'Yves Bonnefoy, je suis très gêné du titre de cette notule : "Bon qu'à ça", qui ne dit rien du génie d'Yves Bonnefoy, qui eût pu aisément s'épanouir dans bien d'autres directions mais qui fit le choix, par vocation dans les années de guerre mais aussi au hasard de rencontres qu'il qualifia lui-même de miraculeuses, de la poésie. J'ai eu la chance et le bonheur d'échanger de temps à autre pendant quelques années avec lui, puis de le rencontrer une fois à son appartement de la rue Lepic, tout un après-midi, en 2006 (il m'avait invité à lui rendre visite après une correspondance commencée en 1996, après une lettre de ma part à laquelle il avait bien voulu répondre de quelques mots chaleureux). Je me souviens d'un vieil homme d'une grande curiosité, d'une générosité et d'une simplicité extraordinaires, soucieux d'une parole poétique qui soit expression d'un rapport au monde et expérience de vie vécue, dans toute sa plénitude et sa complexité. Je me souviens aussi qu'il était très inquiet de la fragilité de la parole poétique, devenue presque inaudible dans la frénésie et le vacarme contemporains...

Feint

avatar 08/05/2023 @ 18:59:40
Le rapprochement avec Beckett me paraît bizarre aussi. Cela dit, lorsque Beckett répond "Bon qu'à ça" à la bête question Pourquoi écrivez-vous, il répond comme il l'a toujours fait : par une non-réponse. Pour lui le texte suffit et l'écrivain n'a pas à commenter ce qu'il fait ni pourquoi il le fait ; l'écrivain écrit, c'est tout. Ça n'a pas non plus de signification négative.

Eric Eliès
avatar 08/05/2023 @ 20:30:10
@Feint, il me semble, comme toi, que le rapprochement entre Beckett et Bonnefoy est assez incongru car les deux n'ont pas le même rapport à l'écriture mais, au-delà de leurs différences, je trouve que "Bon qu'à ça" est péjoratif, presque insultant, et reflète une incompréhension profonde de Bonnefoy, qui a beaucoup écrit sur l'écriture. La réponse de Beckett est sèche comme une fin de non-recevoir : elle ne traduit pas forcément ce que pense réellement Beckett mais simplement le fait que Beckett, qui détestait l'exposition médiatique, n'avait pas envie de discuter avec un journaliste. En revanche, avec d'autres écrivains, dans ses lettres ou dans ses études (comme celle sur Proust, quand il était jeune), il montre qu'il avait bien plus à dire que ce "bon qu'à ça"...
Yves Bonnefoy, lui, n'a jamais éludé la question. Au contraire, il aimait discuter, avec une générosité incroyable et avec n'importe qui (j'ai eu le bonheur d'en savoir quelque chose ! :D) ; il s'est beaucoup interrogé sur l'écriture, le langage, et la littérature. Son recueil d'essais "L'improbable" est d'une grande richesse et tout ce que je pourrais jamais dire sur le sujet ne sera qu'une redite maladroite de cette lecture inépuisable... Yves Bonnefoy a aussi écrit de nombreuses préfaces, a dirigé des collections (dont une collection de philosophie) : sa formation était plutôt scientifique (il a étudié les maths en classe prépa, avant de quitter Tours dans les années de guerre), sa curiosité était immense et, à la même question, il n'aurait jamais répondu "bon qu'à ça" !!!

Saint Jean-Baptiste 09/05/2023 @ 11:02:09
"Bon qu'à ça" mais qui - sinon en renverse - du moins en transforme le sens.

Oui, cette conclusion de la critique du prolifique JPGP n’est pas très claire : renverser ou transformer le sens de « bon qu’à ça » voudrait dire, que l’écrivain, en toute modestie, pense que c’est à ça qu’il est bon.
Mais pour moi ce serait plutôt, comme on dit : à question idiote, réponse idiote.

Feint

avatar 10/05/2023 @ 18:16:57
@Feint, il me semble, comme toi, que le rapprochement entre Beckett et Bonnefoy est assez incongru car les deux n'ont pas le même rapport à l'écriture mais, au-delà de leurs différences, je trouve que "Bon qu'à ça" est péjoratif, presque insultant, et reflète une incompréhension profonde de Bonnefoy, qui a beaucoup écrit sur l'écriture. La réponse de Beckett est sèche comme une fin de non-recevoir : elle ne traduit pas forcément ce que pense réellement Beckett mais simplement le fait que Beckett, qui détestait l'exposition médiatique, n'avait pas envie de discuter avec un journaliste. En revanche, avec d'autres écrivains, dans ses lettres ou dans ses études (comme celle sur Proust, quand il était jeune), il montre qu'il avait bien plus à dire que ce "bon qu'à ça"...
Yves Bonnefoy, lui, n'a jamais éludé la question. Au contraire, il aimait discuter, avec une générosité incroyable et avec n'importe qui (j'ai eu le bonheur d'en savoir quelque chose ! :D) ; il s'est beaucoup interrogé sur l'écriture, le langage, et la littérature. Son recueil d'essais "L'improbable" est d'une grande richesse et tout ce que je pourrais jamais dire sur le sujet ne sera qu'une redite maladroite de cette lecture inépuisable... Yves Bonnefoy a aussi écrit de nombreuses préfaces, a dirigé des collections (dont une collection de philosophie) : sa formation était plutôt scientifique (il a étudié les maths en classe prépa, avant de quitter Tours dans les années de guerre), sa curiosité était immense et, à la même question, il n'aurait jamais répondu "bon qu'à ça" !!!
C'est sûr que le choix de la formule est maladroit.

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