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Je ne sais pas exactement comment critiquer un tel livre.
Cette histoire a-t-elle un intérêt ? Que veut montrer Stendhal ? Stendhal veut-il nous montrer quelque chose ?
Je vous avoue que je suis sceptique. L'impression désagréable de passer à côté de quelque chose.
Un jeune arriviste séduit une comtesse, suffisamment innocente pour s'éprendre de lui. Il tombe à son tour sous son charme. Puis, après un égarement dans le séminaire, il parvient à prendre pour maîtresse une représentante altière de la noblesse française, belle à ravir par-dessus le marché. Après lui avoir fait un enfant, il met fin à ses jours (parce que tirer sur une femme en oraison, puis supplier les juges de le mener à l'échafaud, ça s'appelle mettre fin à ses jours, pour moi). On comprend que la première était l'amour de sa vie - dommage pour la mère de son enfant qui l'aime à se pendre.
On essaie de remuer ciel et terre pour sauver cet individu, mais il ne veut pas s'aider lui-même - sans pour autant donner l'impression au lecteur d'avoir changé, ni dans les pensées, ni dans les ambitions.
Un personnage détestable, qui se hisse en tirant jusqu'à la rupture sur la corde de sentiments de jeunes femmes, qui, franchement, auraient mérité mieux.
Quel est le secret du livre que je dois percer ? Dans ce Julien Sorel ?
Cette histoire a-t-elle un intérêt ? Que veut montrer Stendhal ? Stendhal veut-il nous montrer quelque chose ?
Je vous avoue que je suis sceptique. L'impression désagréable de passer à côté de quelque chose.
Un jeune arriviste séduit une comtesse, suffisamment innocente pour s'éprendre de lui. Il tombe à son tour sous son charme. Puis, après un égarement dans le séminaire, il parvient à prendre pour maîtresse une représentante altière de la noblesse française, belle à ravir par-dessus le marché. Après lui avoir fait un enfant, il met fin à ses jours (parce que tirer sur une femme en oraison, puis supplier les juges de le mener à l'échafaud, ça s'appelle mettre fin à ses jours, pour moi). On comprend que la première était l'amour de sa vie - dommage pour la mère de son enfant qui l'aime à se pendre.
On essaie de remuer ciel et terre pour sauver cet individu, mais il ne veut pas s'aider lui-même - sans pour autant donner l'impression au lecteur d'avoir changé, ni dans les pensées, ni dans les ambitions.
Un personnage détestable, qui se hisse en tirant jusqu'à la rupture sur la corde de sentiments de jeunes femmes, qui, franchement, auraient mérité mieux.
Quel est le secret du livre que je dois percer ? Dans ce Julien Sorel ?
Son amour (Mme de Rênal) a provoqué la mort de son ambition (la lettre qu'elle envoie au père de Mathilde de La Môle). C'est peut-être ici que se trouve quelque chose d'intéressant.
Sorel est un des multiples avatars de Rastignac. Il incarne, en ce début du XIXe siècle, la grande vague de la classe bourgeoise appelée à "subvertir" la vieille noblesse.
C'est simple, je crois qu'on pourrait résumer ce cas en se référant à un passage du "Manifeste" où Marx décrit le processus par lequel la nouvelle classe dominante va imposer ses critères de vie : "...ce qui était sacré devient profane..."
Il n'est pas question d'amour de la part de Julien, mais d'un simple procédé utilitariste. Et l'ultime mouvement qui le pousse vers un juge est rendu nécessaire pour Stendhal, vu l'état des moeurs à son époque. Sinon le roman aurait peut-être fini lui aussi devant un juge, comme pour Flaubert.
C'est simple, je crois qu'on pourrait résumer ce cas en se référant à un passage du "Manifeste" où Marx décrit le processus par lequel la nouvelle classe dominante va imposer ses critères de vie : "...ce qui était sacré devient profane..."
Il n'est pas question d'amour de la part de Julien, mais d'un simple procédé utilitariste. Et l'ultime mouvement qui le pousse vers un juge est rendu nécessaire pour Stendhal, vu l'état des moeurs à son époque. Sinon le roman aurait peut-être fini lui aussi devant un juge, comme pour Flaubert.
Peut-être que c'est dans cette direction qu'a voulu aller Stendhal : une critique de la bourgeoisie ?
C'est d'autant plus ironique que Sorel est un rousseauiste patenté. Il hait la noblesse, mais dans un sens, a l'air beaucoup plus calculateur et comptable de sa situation, beaucoup plus matérialiste, que toutes les têtes poudrées qu'il croise réunis !
Il serait "de cette étoffe dont on fait les Révolutions" ??
Mais, alors, pourquoi tout cet embrouillamini avec les femmes. Il m'a semblé qu'il était réellement amoureux, y compris avec l'autre.
C'est d'autant plus ironique que Sorel est un rousseauiste patenté. Il hait la noblesse, mais dans un sens, a l'air beaucoup plus calculateur et comptable de sa situation, beaucoup plus matérialiste, que toutes les têtes poudrées qu'il croise réunis !
Il serait "de cette étoffe dont on fait les Révolutions" ??
Mais, alors, pourquoi tout cet embrouillamini avec les femmes. Il m'a semblé qu'il était réellement amoureux, y compris avec l'autre.
Je viens de consulter le Manifeste à l'endroit que tu cites (tu as de la mémoire, dis-donc)
"La Bourgeoisie n’existe qu’à la condition de révolutionner sans cesse les instruments de travail, ce qui veut dire le mode de production, ce qui veut dire tous les rapports sociaux. Le maintien de l’ancien mode de production était, au contraire, pour toutes les classes industrielles antérieures, la condition première de leur existence. Ce bouleversement continuel de modes de production, ce constant ébranlement de tout le système social, cette agitation et cette insécurité perpétuelles, distinguent l’époque bourgeoise de toutes les précédentes. Tous les rapports sociaux traditionnels et figés, avec leur cortège de croyances et d’idées anciennement vénérées, se dissolvent ; ceux qui les remplacent vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier. Tout ce qui avait solidité et permanence s’envole comme fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont forcés enfin d’envisager leurs conditions d’existence et leurs relations réciproques avec des yeux désabusés."
"La Bourgeoisie n’existe qu’à la condition de révolutionner sans cesse les instruments de travail, ce qui veut dire le mode de production, ce qui veut dire tous les rapports sociaux. Le maintien de l’ancien mode de production était, au contraire, pour toutes les classes industrielles antérieures, la condition première de leur existence. Ce bouleversement continuel de modes de production, ce constant ébranlement de tout le système social, cette agitation et cette insécurité perpétuelles, distinguent l’époque bourgeoise de toutes les précédentes. Tous les rapports sociaux traditionnels et figés, avec leur cortège de croyances et d’idées anciennement vénérées, se dissolvent ; ceux qui les remplacent vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier. Tout ce qui avait solidité et permanence s’envole comme fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont forcés enfin d’envisager leurs conditions d’existence et leurs relations réciproques avec des yeux désabusés."
Sorel est un rousseauiste patenté.
Remarque, c'est peut-être une fausse impression de ma part : je ne sais plus quand il ment et quand il dit la vérité.
Moi j'avais bien aimé la chartreuse de Parme et le rouge et le noir, j'ai lu quelques années après le dégoût de l'avoir eu imposé en cours.
Donc ça date mais les 2 romans étaient touchants dans ma mémoire et le "héros" m'avait fait ragé tellement c'est un anti-héros atypique.
Possiblement ce genre de cléricaux qui ne te plaisent pas Martin1, ils ne sont pas tournés vers dieu mais vers l'homme et c'est là qu'il y a de réponses.
Donc ça date mais les 2 romans étaient touchants dans ma mémoire et le "héros" m'avait fait ragé tellement c'est un anti-héros atypique.
Possiblement ce genre de cléricaux qui ne te plaisent pas Martin1, ils ne sont pas tournés vers dieu mais vers l'homme et c'est là qu'il y a de réponses.
Possiblement ce genre de cléricaux qui ne te plaisent pas Martin1, ils ne sont pas tournés vers dieu mais vers l'homme et c'est là qu'il y a de réponses.
A vrai dire Julien Sorel est surtout tourné vers lui-même :)
Mais Stendhal m'intrigue, oui, surtout pour un immense fan de Balzac comme moi - Balzac aime ses personnages, Stendhal ne semble rien éprouver de particulier vis-à-vis d'eux. Stendhal et Balzac se connaissaient-ils ? Que pensaient-ils l'un de l'autre ? Une connaissance m'a conseillé "de l'amour" et j'ai envie de tenter l'expérience.
Balzac était assez admiratif de Stendhal, sans pour autant adhérer aux mêmes conceptions romanesques. Ils avaient une forme d'amitié littéraire.
J'ai lu "Le rouge et le noir" vers 18 ans, "La chartreuse de Parme"plus tôt;, 16 ans peut-être...
A l'époque, les seules lectures obligatoires au Lycée étaient les trois auteurs de théâtre classique, à partir de la 5ème pour Molière, à partir de la 4ème pour Corneille, à, partir de la 3ème pour Racine : une pièce de chacun chaque année. Je devais être un des rares élèves à adorer ce théâtre.
Pour le reste, à partir des extraits du manuel scolaire, j'ai lu quelques grands romans classiques : La princesse de Clèves, Manon Lescaut, Adolphe, La mare au diable,
Et j'ai aussi beaucoup lu les poètes les deux de Stendhal, quelques Balzac, Madame Bovary, L'assommoir, Germinal, Une vie, puis André Gide, Romain Rolland...
Je n'ai pas regretté, et j'en ai relu quelques-uns depuis que je suis à la retraite !
Et j'ai aussi beaucoup le les poètes quand j'étais adolescent !
J'ai eu un excellent professeur de français en seconde, et un super professeur de philo qui nous a fait lire et connaître les grands auteurs étrangers, notamment Tolstoï, Dostoïevski et Kafka....
A l'époque, les seules lectures obligatoires au Lycée étaient les trois auteurs de théâtre classique, à partir de la 5ème pour Molière, à partir de la 4ème pour Corneille, à, partir de la 3ème pour Racine : une pièce de chacun chaque année. Je devais être un des rares élèves à adorer ce théâtre.
Pour le reste, à partir des extraits du manuel scolaire, j'ai lu quelques grands romans classiques : La princesse de Clèves, Manon Lescaut, Adolphe, La mare au diable,
Et j'ai aussi beaucoup lu les poètes les deux de Stendhal, quelques Balzac, Madame Bovary, L'assommoir, Germinal, Une vie, puis André Gide, Romain Rolland...
Je n'ai pas regretté, et j'en ai relu quelques-uns depuis que je suis à la retraite !
Et j'ai aussi beaucoup le les poètes quand j'étais adolescent !
J'ai eu un excellent professeur de français en seconde, et un super professeur de philo qui nous a fait lire et connaître les grands auteurs étrangers, notamment Tolstoï, Dostoïevski et Kafka....
@ Martin
A mon avis, lui non plus ! L'intrication désirs <==> contradictions est évidente. On pourrait presque nommer ça "schizophrénie quantique" ;-)
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Remarque, c'est peut-être une fausse impression de ma part : je ne sais plus quand il ment et quand il dit la vérité.
A mon avis, lui non plus ! L'intrication désirs <==> contradictions est évidente. On pourrait presque nommer ça "schizophrénie quantique" ;-)
Sorel est un des multiples avatars de Rastignac. Il incarne, en ce début du XIXe siècle, la grande vague de la classe bourgeoise appelée à "subvertir" la vieille noblesse.Le rouge et le noir est antérieur au Père Goriot, où apparaît Rastignac. La tragédie de Julien Sorel est une tragédie de classe, mais il ne s'intéresse pas pour autant à l'argent (c'est le cas de tous les héros de Stendhal et de Stendhal lui-même qui n'a jamais cherché à faire une carrière littéraire qui lui rapporterait de l'argent - contrairement à Balzac, Hugo et évidemment Dumas). En revanche, il attache de l'importance à l'honneur, et c'est ce qui le conduit à la mort. Il a désiré intégrer une classe qui n'était pas la sienne et qu'il finit par détester. Il profite des femmes, mais pas nécessairement avec calcul : sa liaison avec Mme de Rénal ne pouvait rien lui apporter (en dehors de l'amour). C'est tout à fait différent évidemment avec Mathilde de la Môle.
C'est simple, je crois qu'on pourrait résumer ce cas en se référant à un passage du "Manifeste" où Marx décrit le processus par lequel la nouvelle classe dominante va imposer ses critères de vie : "...ce qui était sacré devient profane..."
Il n'est pas question d'amour de la part de Julien, mais d'un simple procédé utilitariste. Et l'ultime mouvement qui le pousse vers un juge est rendu nécessaire pour Stendhal, vu l'état des moeurs à son époque. Sinon le roman aurait peut-être fini lui aussi devant un juge, comme pour Flaubert.
Balzac était assez admiratif de Stendhal, sans pour autant adhérer aux mêmes conceptions romanesques. Ils avaient une forme d'amitié littéraire.Une grande admiration, c'est même grâce à Balzac que nous connaissons Stendhal.
Le rouge et le noir est antérieur au Père Goriot, où apparaît Rastignac. La tragédie de Julien Sorel est une tragédie de classe, mais il ne s'intéresse pas pour autant à l'argent (c'est le cas de tous les héros de Stendhal et de Stendhal lui-même qui n'a jamais cherché à faire une carrière littéraire qui lui rapporterait de l'argent - contrairement à Balzac, Hugo et évidemment Dumas). En revanche, il attache de l'importance à l'honneur, et c'est ce qui le conduit à la mort. Il a désiré intégrer une classe qui n'était pas la sienne et qu'il finit par détester. Il profite des femmes, mais pas nécessairement avec calcul : sa liaison avec Mme de Rénal ne pouvait rien lui apporter (en dehors de l'amour). C'est tout à fait différent évidemment avec Mathilde de la Môle.
Merci pour cette réponse. Je crois aussi que Sorel est un homme hanté par l'idée de l'ascension sociale, de l'élévation de classe. En un sens, je comprends que Rad en fasse un "prototype du bourgeois libéral", avec ses désillusions sur l'Eglise, son admiration pour Napoléon, la façon qu'il a de se jouer des nobles...son égoïsme aussi, certainement.
Tu écris "il a désiré intégrer une classe qui n'était pas la sienne et qu'il finit par détester", mais ce qui surprend à la lecture, c'est plutôt qu'il déteste dès le début la classe qu'il veut intégrer. C'est déroutant : consacrer sa vie à ressembler à ses ennemis.
Il me fait un peu penser à Barry Lyndon, dans un sens, mais même Lyndon ne m'avait pas paru aussi antipathique.
Il est plus que temps que je relise ce livre que j’ai lu… oh-la-la ! il y a septante ans bien sonnés !
Que le temps passe vite ! Ce sera mon classique de l’année.
J’ai gardé le souvenir que c’était le roman de l’ambition et que le style était excellent.
Que le temps passe vite ! Ce sera mon classique de l’année.
J’ai gardé le souvenir que c’était le roman de l’ambition et que le style était excellent.
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