Page 1 de 1
My name is Webb, James Webb.
Grâce à moi, vous explorez les tréfonds de l’univers, vous remontez le temps jusqu’à une époque où rien ne permettait de deviner que vous apparaitriez un jour, et que vous me donneriez naissance pour prendre la mesure du zéro et de l’infini.
Car je vous dois la vie, vous m’avez créé et expédié ici, en ce point de Lagrange noir et froid d’où je vous envoie les images sur lesquelles vous vous extasiez comme en son temps vous aviez admiré celles de mon grand frère Hubble.
C’est qu’il vous en faut toujours plus. Insatiable est votre soif de connaissance : citius, altius, fortius. Semper. Combien de temps me reste-t-il à vivre à moi, à peine né, avant que vous ne me trouviez soudain myope et peu efficace, avant que vous ne me jetiez au rebut pour me remplacer par plus performant ? A peine aurais-je droit à une notice dans vos livres d’histoire scientifique. Petit gladiateur de la recherche, vous m’oublierez. Vous avez l’oubli facile. Paradoxalement, pas celui de votre passé, mais celui de votre présent, celui que vous avez toujours fui, tantôt justement vous gobergeant de votre splendeur passée, tantôt cherchant refuge dans un hypothétique avenir radieux. Le présent, vous préférez le saccager, citius, altius, fortius. Avec force victimes, et si ce n’était que dans vos propres rangs, ce serait un moindre mal, mais vous exterminez tout ce qui vous fait ombre.
Ou peut-être le présent vous tend-il un miroir que vous préférez ne pas voir : celui de votre mesquinerie, de votre petitesse. Car je vous sais petits à côté de l’immensité des mondes et du vide dont je suis le premier spectateur. Pas physiquement bien sûr, mais petits quand même. Et prétentieux avec ça, et arrogants ! Sans doute pouvez-vous vous prendre pour des dieux puisque vous m’avez créé, mais vous ne serez jamais que des dieux aux petits pieds.
Je disparaitrai dans l’oubli, mais j’ai ma vengeance, car je peux vous le dire : de mon point de Lagrange, je vois que votre moyen-âge est proche. Il y aura bientôt quelqu’un pour dire combien votre époque était obscure et globalement peu intéressante, combien votre civilisation était barbares. Et vous tomberez également dans l’oubli des Ages Sombres. Je peux vous le dire car vous n’entendez pas. Et vous ne voyez pas, car je garde pour moi l’image de ceux qui arrivent du fin fond de la galaxie pour vous faire descendre du minuscule marchepied que vous prenez pour un piédestal. Et si ce n’est un bon mot au moins sera-ce celui de la fin.
Grâce à moi, vous explorez les tréfonds de l’univers, vous remontez le temps jusqu’à une époque où rien ne permettait de deviner que vous apparaitriez un jour, et que vous me donneriez naissance pour prendre la mesure du zéro et de l’infini.
Car je vous dois la vie, vous m’avez créé et expédié ici, en ce point de Lagrange noir et froid d’où je vous envoie les images sur lesquelles vous vous extasiez comme en son temps vous aviez admiré celles de mon grand frère Hubble.
C’est qu’il vous en faut toujours plus. Insatiable est votre soif de connaissance : citius, altius, fortius. Semper. Combien de temps me reste-t-il à vivre à moi, à peine né, avant que vous ne me trouviez soudain myope et peu efficace, avant que vous ne me jetiez au rebut pour me remplacer par plus performant ? A peine aurais-je droit à une notice dans vos livres d’histoire scientifique. Petit gladiateur de la recherche, vous m’oublierez. Vous avez l’oubli facile. Paradoxalement, pas celui de votre passé, mais celui de votre présent, celui que vous avez toujours fui, tantôt justement vous gobergeant de votre splendeur passée, tantôt cherchant refuge dans un hypothétique avenir radieux. Le présent, vous préférez le saccager, citius, altius, fortius. Avec force victimes, et si ce n’était que dans vos propres rangs, ce serait un moindre mal, mais vous exterminez tout ce qui vous fait ombre.
Ou peut-être le présent vous tend-il un miroir que vous préférez ne pas voir : celui de votre mesquinerie, de votre petitesse. Car je vous sais petits à côté de l’immensité des mondes et du vide dont je suis le premier spectateur. Pas physiquement bien sûr, mais petits quand même. Et prétentieux avec ça, et arrogants ! Sans doute pouvez-vous vous prendre pour des dieux puisque vous m’avez créé, mais vous ne serez jamais que des dieux aux petits pieds.
Je disparaitrai dans l’oubli, mais j’ai ma vengeance, car je peux vous le dire : de mon point de Lagrange, je vois que votre moyen-âge est proche. Il y aura bientôt quelqu’un pour dire combien votre époque était obscure et globalement peu intéressante, combien votre civilisation était barbares. Et vous tomberez également dans l’oubli des Ages Sombres. Je peux vous le dire car vous n’entendez pas. Et vous ne voyez pas, car je garde pour moi l’image de ceux qui arrivent du fin fond de la galaxie pour vous faire descendre du minuscule marchepied que vous prenez pour un piédestal. Et si ce n’est un bon mot au moins sera-ce celui de la fin.
C'est drôle, je viens de finir le troisième tome de Terra Ignota, une brillante saga de science fiction écrite par Ada Palmer, et ton texte me l'évoque un peu. Sans doute le recours au latin, la référence aux dieux créateurs, et celle au futur qui jugera le passé. Riche idée que de combiner l'instrument d'optique et l'objet parlant, ça fait tout de suite moins d'artifices à mettre dans ce qui suit. Dans tout ça, j'ai un faible pour la phrase "petit gladiateur de la recherche, vous m'oublierez".
Le Moyen-Age est interprété, c'est le nôtre, l'instrument d'optique parle, le bon mot est plutôt esquivé. Le fond par contre n'est pas esquivé, en rapport avec l'actualité, ce sont les propos de quelqu'un exaspéré par l'arrogance des hommes toujours persuadés qu'ils ont percé et maîtrisent tous les secrets de l'Univers. Pauvres "petits gladiateurs de la recherche" !!
j'ai eu du mal à rentrer dans la narration de l'appareil optique. A force de regarder qui était James Webb(la personne) j'en veut bêtement à ceux qui ne rajoutent pas télescope devant...mais c'est ma bêtise personnelle parce qu'on dit aussi le Hubble pour parler de l'autre.
Ceci dit un texte riche et les extra-terrestres supérieur en tout arrivent, on a le temps ça reste loin quelques milliers d'années lumières. Un récit avec de la profondeur de champ.
Ceci dit un texte riche et les extra-terrestres supérieur en tout arrivent, on a le temps ça reste loin quelques milliers d'années lumières. Un récit avec de la profondeur de champ.
ça m'a rappelé l'époque où je lisais beaucoup de science-fiction (années 60-70) et où j'étais abonné à "Fiction" où il y avait parfois des textes courts et percutants.
C'est sûr que chaque époque est une sorte de moyen âge pour les époques suivants. J'avais d'ailleurs conclu mon discours de départ en retraite : "Je suis passé du Moyen âge de mon enfance, peu confortable sur le plan physique (pas d'eau courante, pas de chauffage...) mais tellement chaleureux (avec ma grand-mère maternelle à domicile) à ce XXIème siècle, tellement confortable mais tellement gaspilleur, et maigre en rapports humains (les vieux sont parqués et la mort taboue)...
C'est sûr que chaque époque est une sorte de moyen âge pour les époques suivants. J'avais d'ailleurs conclu mon discours de départ en retraite : "Je suis passé du Moyen âge de mon enfance, peu confortable sur le plan physique (pas d'eau courante, pas de chauffage...) mais tellement chaleureux (avec ma grand-mère maternelle à domicile) à ce XXIème siècle, tellement confortable mais tellement gaspilleur, et maigre en rapports humains (les vieux sont parqués et la mort taboue)...
@ Cyclo,
J'ai aussi lu beaucoup de "Fiction" dans mon adolescence (années 70) et par la suite. C'est mon père qui y était abonné. J'en garde, je suppose mon goût pour les textes brefs à la lecture comme à l'écriture.
J'ai aussi lu beaucoup de "Fiction" dans mon adolescence (années 70) et par la suite. C'est mon père qui y était abonné. J'en garde, je suppose mon goût pour les textes brefs à la lecture comme à l'écriture.
Vous devez être connecté pour poster des messages : S'identifier ou Devenir membre