Fanou03
avatar 10/05/2019 @ 13:23:22
Dans le chapitre 14 de l'ouvrage, consacré à l'auteur Colin Krapp, les auteurs expliquent qu'au sein de la Science-Fiction, genre parfois méprisé, ce sous-genre - maisô combien important - qu'est le Space-Opera était particulièrement dédaigné, y compris par les critiques de S-F.

Cette réflexion a fait écho chez moi à un article très lucide de Clémentine Beauvais, paru sur son blog, à propos des échelles de valeurs à l'intérieur même d'un genre. Clémentine Beauvais illustre ses propos avec son domaine, la littérature jeunesse, et reconnaît qu'il existe bien, inconsciencement ou non, une "paralittérature de la paralittérature", dont il n'y a pourtant pas de raison à dédaigner la lecture et l'étude. Je la cite:

"C'est qu'il existe aussi une échelle de valeurs en paralittérature, paradoxe extrême puisque c'est une littérature qui se définit justement comme rétive à tout canon. On n'est jamais dans le relativisme total. Ce n'est pas parce qu'on veut promouvoir une littérature anti-canonique, ou une littérature qui trouve en partie sa valeur dans sa fonction ou dans son intérêt socioculturel, qu'on ne peut pas dire que franchement, oui, Spot, c'est quand même tout nul.

Ou plutôt, on ne le dit même pas: simplement, on n'en parle pas, on ne l'étudie pas. Souvent, il y a une sorte d'accord tacite entre chercheurs: les Monsieur-Madame, c'est hors limites. Chair de Poule, à la rigueur, à condition d'en faire une étude sociologique et non littéraire.

Il existe donc dans le milieu universitaire une paralittérature de la paralittérature: on établit peu à peu, parfois inconsciemment, notre propre canon. Ce canon sert à définir nos valeurs et nos mesures de qualité. Il exclut, presque d'emblée, un certain type de livres."

Son article complet est là: http://clementinebleue.blogspot.com/2012/01/…

Wyverne

avatar 11/05/2019 @ 21:56:38
Le terme de "space opera" était d'ailleurs péjoratif quand il est apparu aux Etats-Unis dans les années 1940. Il y a peut-être une sorte de séparation entre d'un côté la science-fiction d'évasion ou de divertissement, et celle qui fait aussi réfléchir (mieux perçue). Je dis "peut-être" parce que ce n'est que mon ressenti, il est possible que je sois loin de la réalité. Il y a aussi chez une partie des lecteurs une tendance à distinguer les auteurs anglo-saxons des francophones, pour une question de réputation (moins bonne pour les seconds).

Fanou03
avatar 11/05/2019 @ 22:35:21
Je pense aussi qu'il a bien une séparation consciente ou non entre la "bonne" S-F qui fait réfléchir et celle de pure divertissement.

Les auteurs de "Space Opera ! : L'imaginaire spatial avant 1977" reconnaissent d'ailleurs que le Space-Opera s'incrivait clairement dans une logique commerciale populaire et de masse. Mais ils appellent cependant à prendre en compte que pour bien raconter des histoires intelligemment comme le font la plupart des auteurs cités dans le livre, il faut avoir un certain talent, il faut savoir captiver le lecteur, jouer avec les émotions...Ils reprochent à la S-F plus cérébrales (même classable en Space-Opera, comme l’œuvre d'Asimov ou celle d'Heinlein) d'être à contrario cérébral et manquant de chaleur..

D'accord aussi pour le distinguo production anglo-saxone et française ! D'ailleurs les auteurs du livre que je critique cite quasiment un seul auteur français du genre: Louis Thirion (mais que je serai curieux de lire du coup).

Wyverne

avatar 15/05/2019 @ 19:17:36
Dans les vieilles critiques françaises des années 70/80 lisibles sur Noosfere la séparation apparaît parfois de façon très claire, notamment quand le critique s'étonne qu'un livre ait pu paraître dans une collection très réputée, par exemple Ailleurs & Demain ou le Club du Livre d'Anticipation.

Du côté des auteurs français certains étaient cantonnés à la collection Fleuve Noir Anticipation (collection de SF dite "populaire") mais d'autres en plus de cela étaient publiés chez Ailleurs & Demain / Livre de poche SF (par exemple), collections de "bonne" SF, jugées plus sérieuses. C'est assez poreux quand on regarde les bibliographies.

Les auteurs de l'ouvrage font peut-être une opposition entre la SF "pré-campbellienne" et celle que défendait John W. Campbell lorsqu'il dirigeait Astounding Stories (une SF qui se voulait plus scientifique, notamment) ? C'est lui qui avait publié les premiers récits de pas mal d'auteurs anglo-saxons, dont Asimov et Heinlein, mais qui refusait ceux dont les textes n'étaient pas assez scientifiques à son goût (comme Bradbury).

Concernant la distinction entre la SF anglo-saxon (perçue comme supérieure, avec des auteurs vus comme de vrais conteurs) et la francophone, j'ai remarqué qu'elle dépassait la seule littérature pour atteindre aussi le cinéma (par la comparaison entre le nombre hallucinant de films produits là-bas et leur rareté ou moindre qualité chez nous). Mais c'est vrai que mis à part la Planète des Singes, j'ai du mal à trouver des oeuvres de SF françaises mondialement connues...

Fanou03
avatar 18/05/2019 @ 15:16:42
Mais c'est vrai que mis à part la Planète des Singes, j'ai du mal à trouver des oeuvres de SF françaises mondialement connues...


Jules Verne peut-être ? ;°) C'est d'ailleurs étonnant quand j'y pense qu'il n'ait pas plus donner naissance à un courant S-F francophone plus marqué, indépendant de la SF anglo-saxonne, même si tout n'est pas de la SF dans son œuvre.

Wyverne

avatar 18/05/2019 @ 16:20:11
Ah oui c'est vrai, je l'avais complètement oublié ! En plus son oeuvre a été adaptée au cinéma à maintes reprises !

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