Antonio 14/06/2018 @ 19:45:08
Retour de lecture, d'une lectrice rencontrée au Salon du livre de Paris. J'avais eu l'extrême joie de lui dédicacer les 3 romans achetés ce jour- là...Elle avait été une ancienne et brillante élève d'autrefois qui avait réussi haut la main son parcours en "Lettres supérieures" depuis lors...

" Bonjour,

C'est plutôt à moi de vous remercier pour la qualité de vos cours de français, et de vous savoir gré de la disponibilité et de la gentillesse dont vous avez fait preuve pour vos élèves au lycée Rimbaud.

J'espère que votre deuxième séance de dédicaces s'est bien passée.

Ma collègue et amie Nathalie a été enchantée par les premières pages de votre roman, qu'elle a pu découvrir samedi dans le train qui l'amenait en Normandie. C'est en quelque sorte un juste retour aux sources pour un livre dont l'auteur se place dans la continuité d'Annie Ernaux!

Quant à mon amie Sophie, elle a été ravie que je lui adresse un exemplaire dédicacé de votre Enigme du Bonheur et que je lui donne de vos nouvelles, car elle appréciait beaucoup vos cours. Je suis sûre que vous devez vous en souvenir car elle était une élève très brillante dans toutes les matières. Elle va bientôt être arrêtée pour la naissance de son deuxième enfant, je suis sûre qu'elle commencera la lecture de votre livre dès qu'elle aura un peu de temps.

Bien que mon manque d'objectivité rende assez peu valable ce que je peux penser de votre roman, je vais tout de même vous expliquer ce qu'il m'inspire.

Vous abordez un sujet aussi grave et négatif d'une manière si profonde et positive, et dans un style tellement majestueux, poétique et empreint de sensibilité, que même un lecteur distant ne saurait rester tout à fait indifférent.

Votre roman pose nombre de questions pertinentes et universelles. Philosopher -dont Montaigne dit que c'est apprendre à mourir- aide-t-il à mieux vivre? Comment aider de son mieux une personne chère quand on se sent impuissant? Comment donner un sens à sa vie quand celle-ci semble n'en avoir aucun? Qu'est-ce que le bonheur? Et d'ailleurs le bonheur est-il la finalité de la vie?

Tant de questions qui laissent si souvent démunies les personnes qui se les posent...

C'est également une magnifique histoire d'amitié vraie, comme il en existe peu.

Mais ce qui fait la plus grande force de votre roman à mon sens, et lui donne une dimension de véritable oeuvre d'écrivain, c'est "l'incarnation textuelle" de cette concurrence que se font la littérature portée par le personnage de Kévin et la philosophie portée par le personnage d'Arnaud dans leur manière de cerner la réalité.

En effet, quand la philosophie le dispute à la littérature dans les passages où interviennent les mails d'Arnaud, le texte se fait didactique, véritable manuel de philosophie; il devient textuellement ce dont il parle. Quand la littérature trouve à se développer librement dans les passages centrés sur Annie ou sur Kévin , elle déploie tour à tour narration, description, traits romanesques, théâtraux et poétiques.

Ainsi ce qui est dans le récit une main tendue à Annie par l'un et l'autre de ses amis peut s'interpréter comme un dialogue vivant voire une confrontation directe et dynamique de la littérature et de la philosophie face au problème posé d'aider Annie dans sa quête de bonheur.

Cela me rappelle le passage de Bajazet -de mémoire je ne peux plus vous citer précisément à quelle scène de quel acte et je ne peux pas non plus le rechercher pour l'instant car mon exemplaire est à Paris- où le personnage éponyme retrouve son amante Atalide mais où ce qui s'annonçait comme un duo amoureux devient en réalité un duel, chacun défendant son statut de héros tragique. De la même manière, Kévin -par lequel sont notamment amenés certains épisodes narratifs- et Arnaud -le personnage qui cherche à faire réfléchir Annie- me semblent être en quelque sorte rivaux dans la personnification de leurs disciplines respectives. D'ailleurs n'entendait-on pas le trio amical "âprement argumenter depuis la salle des professeurs"?

Votre livre, tout en se montrant bienveillant pour la littérature et en lui restant attaché, prend clairement le parti de la philosophie. En effet, la philosophie semble largement mise en valeur par le charisme d'un Arnaud au soutien efficace puisque ses mails sont considérés comme des "bouées" lancées à Annie "sur le point de se noyer", qui "lui avait adressé une longue lettre souriante et détachée, souveraine, du bonheur en perfusion distillé, sa confiance, sa patience, le respect d'une solitude qu'elle s'imposait et des mots, des phrases d'un réconfort spontané, sans amertume, sans rancoeur, déterminés", à côté d'un Kévin "un peu mièvre et trop émotif", à la "morosité boudeuse", qui dans son roman"devait avoir commencé à raconter une intrigue amoureuse contenant probablement des passages sulfureux alternant avec des envolées d'un lyrisme romantique éculé", un peu à l'image peut-être de ce que certains reprochent à la littérature.

Cela me semble d'ailleurs faire écho à votre parcours personnel puisque de la littérature vous êtes passé à l'exploration de la philosophie pour voir si celle-ci pouvait répondre aux questions que la première, impuissante, avait laissées en suspens.

Pour ma part, mon point de vue est tout à fait différent. Je crois profondément au pouvoir de la littérature d'interroger le réel et de donner au lecteur les moyens d'y répondre personnellement en se découvrant lui-même . Par contre, la philosophie ne m'a jamais vraiment permis d'exprimer ma pensée ou mon expérimentation de la réalité. En effet, je suis très loin d'envisager le bonheur comme la simple quiétude ou ataraxie qui serait finalement la simple absence de malheur. Si celle-ci est suffisante à une vie bonne et satisfaisante, il me semble que le vrai bonheur ne peut être que l'exact contraire du malheur, dans sa durée et son intensité, comme seule la littérature peut le décrire -trop rarement il est vrai tant celle-ci a de propension au malheur.

Mais bien entendu, cela ne m'empêche pas d'apprécier et d'admirer votre oeuvre, pour laquelle je vous félicite d'ailleurs chaleureusement. "

Frunny
avatar 14/06/2018 @ 20:01:53
Bonsoir,

vous parvenez toujours à vous chaussez ou ça coince un peu ?

Frunny
avatar 14/06/2018 @ 20:02:26
vous chausser.... bien sûr !

Antonio 14/06/2018 @ 21:40:00
Bonsoir Frunny,

Mais je vous en prie :lisez donc ce roman et proposez-nous votre point de vue...

Antonio 14/06/2018 @ 21:43:04
Pour ma part, je n'ai fait que donner à lire le compte rendu qu'une lectrice a élaboré de sa propre lecture du récit.


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