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Dgpg 01/09/2004 @ 15:05:36
La grange


Le monde se renverse, se retourne, la route nationale coule à quelques pas de moi sous un soleil de plomb.
J'ai la tête qui tourne, d'ivresse, de vertige, de douleur. J'ai mal un peu partout à mon corps, dans mon corps. C'est le plus fort : la douleur est autant présente dedans que dehors. J'ai envie d'hurler, de rire. Je me sens tout à fait à la vie.

Plus loin, la grange. Je l'observe maintenant, alors que nous nous y étions engouffrés sans même l'avoir vraiment regardée. Elle menace de son toit obtus les blés jaunes accablés par le soleil dans son ciel cramoisi. Le monde tourne encore, je souris, le monde tourne, de toute façon.

_ Et toi ça te fait rire ?!
C'est son oncle qui gesticule, qui crie et bat l'air de ses bras. Comment fait-il, il fait si chaud, si lourd.
J'essaye de rester sérieux, de prendre l'air de circonstance : je me fais engueuler. Thomas est là aussi et il à droit à sa part. Il est face à son oncle le visage baissé vers la poussière et la terre.

Il nous arrose d'insultes et de réprimandes. Il dit que nous sommes aussi con l'un que l'autre, qu'il voudrait nous voir grandir enfin, qu'il n'en peut plus de nos idioties. Moi je regarde la grange noire au loin et j'aperçois le clin d'oeil qu'elle nous fait de sa vitre cassée.

Le sang tombe en perles vermillon dans la poussière, une trajectoire à pique qui commence sous le nez de Thomas. Son oncle dit qu'il ne comprend pas, il dit que nous sommes les meilleurs amis du monde ; il veut savoir ce qui nous à pris, dans la grange.

Le sang tombe, lourdement, lentement. Je compte les perles au sol et j'aperçois la poussière qui s'emmêle et se tourne dedans. Je jette un oeil à Thomas, son regard est dur et furieux, il a autant envie d'hurler que moi. C'est à son pouls qui tressaute dans son cou que je le vois.
Du revers de son avant-bras, il essuie son nez, laissant une longue traînée rouge sur sa peau et dans ses poils cuivrés.

Le vertige est toujours là mais, l'espace d'un instant, la conscience de ce qui s'est réellement passé vient de nous éclairer tous les trois. Si l'oncle a refusé d'y croire, s'il a refusé de voir, il y a eu une seconde, une fraction parmi toutes pendant laquelle nous avons été tous les trois unis dans la connaissance.

Dans la grange, sous le toit brûlant, dans l'odeur du foin et de l'acier, les coups s'étaient mis à pleuvoir au milieu de notre chahut.

J'avais cogné, faute de savoir comment lui dire que je l'aimais. Thomas avait cogné plus fort encore, ne comprenant rien aux battements de son coeur.


dgpg

Monique 01/09/2004 @ 15:31:08
Je me trompe ou bien c'est déjà la deuxième histoire d'amour entre 2 hommes ? J'ai pas rêvé ?

Echemane
avatar 01/09/2004 @ 16:03:56
tu ne rêves pas Monique, non. Encore une fois on dira que c'est ampoulé, mais j'aime bien. Malgré les lourdeurs, les constructions hasardeuses, il y a du panache, du style, du risque, de la beauté.
bravo!

Monique 01/09/2004 @ 16:54:36
il y a du panache, du style, du risque, de la beauté.
Du risque de déplaire, oui, à cause de ça, mais haut les coeurs ! Et du style aussi, je suis d'accord. En texte, pour l'instant c'est celui que j'ai préféré. De dplg, l'architecte des granges brûlées d'amour aux fenêtres mutines.

Tistou 01/09/2004 @ 16:55:58
Monique ne s'est intéressée qu'au fond?
chemane à la forme?
Le choix et le contenu de l'histoire sont du seul ressort de l'auteur, non?
Quant à la forme, je dirais moins "artificielle" que "Mille océans". Je suis donc bien mieux rentré dans l'histoire. On y sent une terrible violence (?) sourde et contenue, ça transparait bien. Et en cela c'est réussi.

Sido

avatar 01/09/2004 @ 17:10:42
"Comment fait-il ? il fait si chaud" un peu maladroit.
Chaleur, lourdeur, violence des sentiments...
Amour ? Je n'avais pas bien compris à la première lecture. La présence de l'oncle m'a un peu déconcertée.
Beau texte.

Echemane
avatar 01/09/2004 @ 17:20:02
La forme est surtout mieux maîtrisée je dirais, il y a le fil directeur qui manquait à Mille Océans, et c'est le discours de l'oncle qui donne ce fil. L'intervention du 3è personnage est ici bénéfique à la compréhension.
Quant au fond, Monique a l'air surprise. Une histoire d'amour entre deux hommes? ciel! ;-)
Histoire d'amour et de violence, une chose qui a déjà été écrite comme le remarque par ailleurs dgpg, mais cette façon là est remarquable.
Autre remarque: encore une fois, comme dans mille océans, il y a une sorte de communion entre les personnages et le décor, quelque chose que je n'ai pas regardé de plus près mais qui mérite attention.

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