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Cette affirmation, certes poétique mais péremptoire, est de celle qui divise fortement la communauté scientifique et ne fait pas du tout l’unanimité. Cette phrase a en effet beaucoup de sous-entendus polémiques. En supposant que le temps n’est que le fruit de notre ignorance et des limites de notre capacité de représentation, Rovelli ressuscite le démon omniscient de Laplace, pour qui le temps n’existe pas car passé-présent-futur, totalement déterminés par les lois et la connaissance de l’état initial, lui sont totalement dévoilés. Ce faisant, il nie le caractère contingent de l’évolution (qu’elle soit cosmologique ou biologique) et de notre existence, qui est pour moi la grande leçon d’humilité que nous enseignent les sciences ; il sape aussi les fondements de toute réflexion éthique, en contestant la possibilité du libre-arbitre qui est la condition nécessaire de la responsabilité. Pour ma part, j'ai tendance à soupçonner les partisans actuels de cette thèse d’être des croyants (avoués ou refoulés) qui cherchent à retrouver l’omnipotence divine dans le déterminisme complet des lois physiques (cf Einstein : « Dieu ne joue pas aux dés »).
«Les docteurs du moyen âge prétendaient que le temps était
une illusion, que son écoulement qui fait succéder l’effet à la
cause ne tenait qu’à la nature de nos sens, et que le véritable
état des choses était un présent immuable. S’était-il promené au
bord de la mer, le docteur qui, le premier, conçut cette pensée,
goûtant sur ses lèvres la légère amertume de l’éternité ?»
Thomas Mann, La montagne magique.
une illusion, que son écoulement qui fait succéder l’effet à la
cause ne tenait qu’à la nature de nos sens, et que le véritable
état des choses était un présent immuable. S’était-il promené au
bord de la mer, le docteur qui, le premier, conçut cette pensée,
goûtant sur ses lèvres la légère amertume de l’éternité ?»
Thomas Mann, La montagne magique.
Intéressant. Il faut relire le chapitre XI des confessions de Saint Augustin
Il y a une lecture commentée ici (quand on déplace la souris sur un texte en grisé une note apparait) http://ac-grenoble.fr/PhiloSophie/logphil/…
Voici un célèbre passage
«Qu'est-ce donc que le temps ? Qui pourra l'expliquer clairement et en peu de mots ? Qui pourra, pour en parler convenablement, le saisir même par la pensée ? Cependant quel sujet plus connu, plus familier de nos conversations que le temps ? Nous le comprenons très bien quand nous en parlons ; nous comprenons de même ce que les autres nous en disent.
Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais ; si je cherche à l'expliquer à celui qui m'interroge, je ne le sais plus. Cependant j'affirme avec assurance, qu'il n'y aurait point de temps passé, si rien ne passait ; qu'il n'y aurait point de temps a venir, si rien ne devait succéder à ce qui passe, et qu'il n'y aurait point de temps présent si rien n'existait.
Il y a donc deux temps, le passé et l'avenir ; mais que sont-ils, puisque le passé n'est déjà plus, et que l'avenir n'est point encore ? Quant au présent, s'il était toujours présent, et ne tombait point dans le passé, il ne serait plus le temps, mais l'éternité.
Or, si le présent n'est temps que parce qu'il tombe dans le passé, comment pouvons-nous dire qu'il est, lui qui n'a d'autre cause de son existence que la nécessité de la perdre bientôt ? Donc, nous ne pouvons dire avec vérité que le temps existe que parce qu'il tend à n'être plus.»
Saint Augustin, confessions livre XI
Une critique sur CL:
"La mémoire et le temps" http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/5709
Il y a une lecture commentée ici (quand on déplace la souris sur un texte en grisé une note apparait) http://ac-grenoble.fr/PhiloSophie/logphil/…
Voici un célèbre passage
«Qu'est-ce donc que le temps ? Qui pourra l'expliquer clairement et en peu de mots ? Qui pourra, pour en parler convenablement, le saisir même par la pensée ? Cependant quel sujet plus connu, plus familier de nos conversations que le temps ? Nous le comprenons très bien quand nous en parlons ; nous comprenons de même ce que les autres nous en disent.
Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais ; si je cherche à l'expliquer à celui qui m'interroge, je ne le sais plus. Cependant j'affirme avec assurance, qu'il n'y aurait point de temps passé, si rien ne passait ; qu'il n'y aurait point de temps a venir, si rien ne devait succéder à ce qui passe, et qu'il n'y aurait point de temps présent si rien n'existait.
Il y a donc deux temps, le passé et l'avenir ; mais que sont-ils, puisque le passé n'est déjà plus, et que l'avenir n'est point encore ? Quant au présent, s'il était toujours présent, et ne tombait point dans le passé, il ne serait plus le temps, mais l'éternité.
Or, si le présent n'est temps que parce qu'il tombe dans le passé, comment pouvons-nous dire qu'il est, lui qui n'a d'autre cause de son existence que la nécessité de la perdre bientôt ? Donc, nous ne pouvons dire avec vérité que le temps existe que parce qu'il tend à n'être plus.»
Saint Augustin, confessions livre XI
Une critique sur CL:
"La mémoire et le temps" http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/5709
Ca fait tourner la tête ! En lisant il y a eu comme un grand vide d'un seul coup en moi....:-)
C'est une belle analyse du texte en tout cas, on trouve parfois des trucs de grande qualité sur internet.
Je rebondis sur les propos d'Eric qui me semblent bien tranchés ... je pense que Rovelli est avant tout un homme de science et amateur de philosophie. je ne vois pas en lui au travers de ce livre en tous cas, un religieux "refoulé" car aucune influence divine n'est abordée dans son ouvrage.
les débats sur le temps divisent forcément. Personne ne détient la vérité et l'on ne peut échafauder que des théories. C'est d'ailleurs un des apprentissages du livre ; les théories échafaudées par Einstein par exemple, n'ont pu être validées que bien après sa mort ...
Quant à moi, je pense que la théorie selon laquelle le temps n'existe pas est effectivement difficile à concevoir .. pourtant je ne la rejette pas en bloc. Cela s'applique j'imagine aux structures de l'univers dénouées de pensées et de capacité de déterminisme. En tant qu'humains, peut-être sommes-nous une exception, capables en effet sur une échelle de temps minuscule au regard de l'immensité de l'univers, d'avoir cette capacité rare d'agir selon notre conscience ?
les débats sur le temps divisent forcément. Personne ne détient la vérité et l'on ne peut échafauder que des théories. C'est d'ailleurs un des apprentissages du livre ; les théories échafaudées par Einstein par exemple, n'ont pu être validées que bien après sa mort ...
Quant à moi, je pense que la théorie selon laquelle le temps n'existe pas est effectivement difficile à concevoir .. pourtant je ne la rejette pas en bloc. Cela s'applique j'imagine aux structures de l'univers dénouées de pensées et de capacité de déterminisme. En tant qu'humains, peut-être sommes-nous une exception, capables en effet sur une échelle de temps minuscule au regard de l'immensité de l'univers, d'avoir cette capacité rare d'agir selon notre conscience ?
Pour moi aussi. Il est difficile de concevoir que le temps n'existe pas puisque, depuis la théorie du big-bang, il y a eu un commencement. A moins que le big-bang ne soit qu'un épisode d'un cycle perpétuel sans commencement ni fin.
Quant à moi, je pense que la théorie selon laquelle le temps n'existe pas est effectivement difficile à concevoir ..
Mais j'ai déjà entendu dire que, quand les physiciens se trouvent devant un problème insoluble, ils l'appellent le temps.
un problème insoluble, c'est bien sûr, tout le monde a un problème comme ça
Le temps est la condition d'existence de la matière. Sans temps, le photon n'est rien, le big-bang non plus.
Si j'étais croyant, je dirais que le temps c'est Dieu en mouvement et "visible". Quant à la querelle entre partisans du libre arbitre (ou de la contingence) et les déterministes, on peut la voir comme sans objet, puisqu'il y a toujours un "epsilon" dans un coin qui vient jouer les trublions. Le hasard et la nécessité sont comme les deux faces de la réalité > l'un ne va pas sans l'autre, l'autre est le terrain d'expansion de l'un.
Et Dieu n'a pas fini de jouer aux dés.... et ce n'est pas nous pauvres humains qui sommes sa martingale : le résultat est par trop minable.
Tout ça, sous réserve d'inventaire, bien sûr.
Si j'étais croyant, je dirais que le temps c'est Dieu en mouvement et "visible". Quant à la querelle entre partisans du libre arbitre (ou de la contingence) et les déterministes, on peut la voir comme sans objet, puisqu'il y a toujours un "epsilon" dans un coin qui vient jouer les trublions. Le hasard et la nécessité sont comme les deux faces de la réalité > l'un ne va pas sans l'autre, l'autre est le terrain d'expansion de l'un.
Et Dieu n'a pas fini de jouer aux dés.... et ce n'est pas nous pauvres humains qui sommes sa martingale : le résultat est par trop minable.
Tout ça, sous réserve d'inventaire, bien sûr.
J'ai omis de recommander la lecture de Spinoza... avec Lucrèce et tutti quanti, bien sûr.
Tu as un bel avatar, Radetsky, elle est mignonne avec son doudou...
;-))
Ceci dit, le déterminisme est réconfortant, il est vieux comme le monde : on dit « si All.. heu ! si Dieu le veut ». C'est Dieu qui décide de tout, l'homme n'est jamais responsable de tout ce qui lui tombe sur la bosse.
Et quand on voit le concours de circonstances qui a fait qu'on ait rencontré sa femme, ou qu'on soit entré dans un métier, ou qu'on habite ici et pas là, ou qu'on soit pris ou qu'on évite un accident, on a envie de dire que c'est le hasard, ou quelqu'un d'autre, qui décide pour vous.
Pour la religion – catho, pas l'autre – le déterminisme n'existe pas mais, elle est mal à l'aise avec cette question : elle a inventé « la grâce » pour tenter une explication mais ce n'est jamais très clair.
;-))
Ceci dit, le déterminisme est réconfortant, il est vieux comme le monde : on dit « si All.. heu ! si Dieu le veut ». C'est Dieu qui décide de tout, l'homme n'est jamais responsable de tout ce qui lui tombe sur la bosse.
Et quand on voit le concours de circonstances qui a fait qu'on ait rencontré sa femme, ou qu'on soit entré dans un métier, ou qu'on habite ici et pas là, ou qu'on soit pris ou qu'on évite un accident, on a envie de dire que c'est le hasard, ou quelqu'un d'autre, qui décide pour vous.
Pour la religion – catho, pas l'autre – le déterminisme n'existe pas mais, elle est mal à l'aise avec cette question : elle a inventé « la grâce » pour tenter une explication mais ce n'est jamais très clair.
Tu as un bel avatar, Radetsky, elle est mignonne avec son doudou...;-))Surtout que le doudou est vivant, pas empaillé !
Le temps est la condition d'existence de la matière. Sans temps, le photon n'est rien, le big-bang non plus.
Si j'ai bien compris Saint Augustin, le temps a été créé par Dieu, en même temps que la matière. C'est la Parole qui a créé le monde, puisque avant que ce ne soit créé il n'y avait pas de matière !
J'aime bien l'idée que le temps c'est Dieu visible.
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