Vince92

avatar 24/03/2015 @ 15:00:17
Je n'ai pas lu le livre de Maris...de fait, je ne sais pas si la critique principale reflète de façon acceptable l'idée du livre, qui, si j'ai bien compris opposerait M.Genevoix à Ernst Jünger dans leur humanité même.

Une vision manichéenne des choses qui me semble complètement artificielle et fausse pour qui connaît un tant soit peu Ernst Jünger et son oeuvre.

Même Orages d'Acier, le boqueteau, et les autres écrits de la Première Guerre Mondiale, qui sont les plus "durs"montrent que Jünger, redoutable guerrier certes, était un homme sensible, soucieux de la vie de ses hommes tout comme Gennevoix apparemment.

Ces traits pronfondément humains transparaissent de façon encore plus flagrante dans ses écrits postérieurs, notamment les journaux de la Seconde Guerre Mondiale (Jardins et routes, etc...)

Radetsky
avatar 24/03/2015 @ 15:28:39
Je n'ai pas lu le livre de Maris..
Il faut commencer par là...

Vince92

avatar 24/03/2015 @ 17:04:52
Je mentionne que je critique la critique, qu'elle reflète le livre ou non...

Radetsky
avatar 24/03/2015 @ 18:31:37
Je mentionne que je critique la critique, qu'elle reflète le livre ou non...
"Critique de la critique critique"...ça me rappelle quelqu'un...

Ceci dit, M. Jünger, soldat, eût été inspiré de l'être un peu plus, manichéen, mais dans un autre sens. Tout "soucieux de la vie de ses hommes" qu'il fut, M. Jünger a poussé le sens esthétique jusqu'à servir dans une armée d'assassins commandée par des bandits, tout en sirotant un bourgogne depuis son hôtel parisien entre 1941 et 1943. "Le pauvre homme...!" se serait exclamé le brave Orgon...

Il défendait son pays, objectera-ton. Il ne défendait rien qui en eût valu la peine, tout au moins pour un être humain - j'insiste : humain, l'humanité ne consistant pas à perpétrer des massacres de civils ni à organiser des voyages pour lesquels ne se délivrent que des allers simples en wagons à bestiaux...

Bien sûr, bien sûr, on finit par vieillir, s'adoucir, aimer la poésie, les petites fleurs et les animaux et, qui sait, par s'avouer qu'on a été jeune et con. Con et féroce ; la chose, entre 1918 et 1939, n'eut rien d'un sentiment anodin, inoffensif, tant elle fut partagée par une génération entière de petits bourgeois imbéciles et revanchards (comme chez nous avant 14) qui allèrent se déculotter avec ravissement devant le gnome vociférant à moustache.

Le fasciste ou crypto- a souvent des sentiments de femelle enamourée pour les dictateurs et la béatitude que certains éprouvent devant la force brute tendrait plutôt à suggérer l'impuissance ou un obscur ressentiment d'où toute raison serait absente.

Bref, Jünger fut une manière d'Heidegger en culottes de peau et bottes vernies, sauf qu'Heidegger n'a jamais risqué grand chose, lui.

Et puis, les belles phrases écrites à la lueur des crématoires, ça me fait gerber.
Serviteur.

Vince92

avatar 31/03/2015 @ 13:05:37
Il est toujours très intéressant de lire des jugements de valeurs sur des personnes qui ont du faire des choix il y a 70 ans de cela, dans un contexte qui ne permettait pas malheureusement de les faire en pleine liberté. Ces jugements de valeur étant généralement effectués tranquillement dans son fauteuil…

Dans le cas particulier de Jünger, ses écrits et ses actes avant et pendant la Seconde Guerre Mondiale vis-à-vis du nazisme sont irréprochables. Dès 1933, il a eu à subir des perquisitions de la Gestapo, EJ étant un ennemi personnel de Goebels et n’a dû son salut qu’à ses états de service durant la Première Guerre et sa décoration Pour le Mérite. Suite à ces perquisitions, Jünger a jugé préférable de détruire nombre de ses manuscrits. Son roman, Sur les falaises de marbres en 1939, qui peut être lu comme une critique d’Hitler et de son régime aurait pu lui valoir bien des problèmes tout comme son texte intitulé La Paix, sans parler de ses accointances avec les comploteurs de juillet 1944, etc… .

Ses textes dans les années vingt, et notamment ses articles dans la presse nationaliste, tout comme ses fréquentations, Carl Schmidt, Ernst Niekisch ou d’autres intellectuels nationalistes ont longtemps été critiqués par les contempteurs de Jünger. Il n’est sans doute pas étranger à la montée de ce sentiment nationaliste qui a permis l’avènement du nazisme, soit, mais 1) il s’est toujours désolidarisé du parti nazi au point de refuser formellement par exemple de faire partie de l’Association des Ecrivains Allemands, là encore une manifestation d’hostilité vis-à-vis du régime moins anodine qu’il n’y paraît 2) Il a toujours placé les hommes au centre de sa réflexion...son maitre-ouvrage, le travailleur, est une critique féroce de l’emprise de la technique sur l’homme.

Enfin cette phrase : « on finit par vieillir, s'adoucir, aimer la poésie, les petites fleurs et les animaux, aimer la poésie, les petites fleurs et les animaux » démontre clairement une méconnaissance de l’œuvre et de la personnalité de Jünger, il a toujours été un homme sensible, versé dans la connaissance des hommes et de la nature, ses penchants d’entomologiste et de botaniste par exemple se manifestent très tôt, on le voit se livrer à « la chasse subtile » (comme il appelle sa collecte de spécimens d’insectes) au cours de la Première Guerre.

Pour conclure, et je ne veux pas défendre à tout prix cet auteur qui a sa part d’ombre, comme chacun de nous, mais il semble que cette critique se fonde sur des présupposés que tout lecteur un peu sérieux d’Ernst Jünger ne peut que rejeter.

Radetsky
avatar 05/04/2015 @ 04:30:05
Soit. C'est une belle plaidoierie. Ceci dit, je ne retire pas un mot de ce que j'ai écrit, puisque je l'ai fait dans la perspective d'une comparaison entre deux hommes, ou plutôt deux styles, deux philosophies de la vie. On ne va pas faire de parallèle non plus Jünger / Heidegger... et pourtant.

Pieronnelle

avatar 05/04/2015 @ 11:14:35
Oui, deux belles plaidoiries ! Je ne dirai pas vers laquelle je penche (on s'en doute :-) mais je suis sensible aux convictions sincères, motivées, et honnêtes...

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