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Deux gamines dans le bus dissertent sur Oscar Wilde, certainement en raison d'un devoir qu'elles ont sur l'auteur et dandy célèbre. Je comprend incidemment qu'elles ont travaillé sur « le portrait de Dorian Gray » et que cela les angoisse -un peu, cela ne va pas jusqu'à la crise existentielle-.
Toutes les deux ont l'uniforme habituel et de rigueur pour garder un certain rang social :
le « djinn » slim de couleur, le petit « poulovère » pastel, le foulard palestinien autour du coup et le « smartphone » comme vissé, apparemment, à la paume droite. Au moins si la suite de leur conversation montre que ces deux donzelles n'ouvriront un livre que contraintes et forcées, il est évident qu'elles lisent beaucoup sur les écrans, ce qui au regard du discours lénifiant sur la lecture électronique apparaîtrait comme rassurant.
Celle qui domine le duo a des lunettes carrées de « dominatrice » dans une pub pour parfums. Toutes deux en parlant ne cessent de tripoter leur téléphone cellulaire.. ;
La première soupire :
« Oscar Wilde, la prof elle nous a dit, c'était un dandy, genre il se la jouait trop top modèle comme Kevin C., celui qu'est homosessuel dans la Seconde C »
Bien sûr, une époque qui met autant d'importance sur l'apparence et le « louque » le dandysme ne peut être compris que uniquement concernant ses conséquences sur l'image donnée aux autres et l'idée que le désir de s'élever, d'être différent, hors du troupeau, est forcément une atroce prétention.
La deuxième précise :
« Ouais, Oscar Wilde aussi il était homo, mais en fait Kevin y sait pas encore, il m'a dit qu'il avait pas fait son choix et qu'il aimait les filles autant que les gars, d'ailleurs Oscar Wilde y s'était marié la prof elle a dit, et il avait des enfants ».
La dominante semble agacé, son faire-valoir la reprend, elle se doit de la tancer fermement mais justement :
« Ouais, mais en fait c'est pareil du coup comme c'était un dandy, du coup Oscar Wilde y vannait trop les autres parce qu'il se croyait plus intelligent, parce que quand il écrivait du coup et ben, les autres ils avaient la honte parce qu'il écrivait bien alors ils se sentaient ridicules et lui il le faisait exprès »
La dominée acquiesce :
« Ouais, ça se fait trop pas, les intellos faut toujours qu'ils la ramènent et qu'ils te ridiculisent tout ça parce qu'ils lisent des livres »
La dominante revient au sujet qui l'inquiète, leur devoir :
« Moi j'ai dit que Dorian Gray, c'était un type de la « haute » et qu'il aimait bien se moquer des gens simples, comme nous, parce qu'en fait il était prétentieux, comme son copain Lord Wolton, et qu'en fait Dorian Gray il est amoureux de son copain mais il n'ose pas lui dire parce qu'il se la joue trop ».
La deuxième abonde dans le sens de sa copine :
« Ouais, c'est pas parce que tu lis que tu seras plus intelligente, et puis les livres y parlent toujours de trucs qui existent pas alors c'est pas trop intéressant ».
La dominante l'approuve :
« Ouais, moi je préfère les livres de témoignages mais j'ai pas le temps de les lire parce que le soit faut que j'aille discuter sur « Emmessène » avec mon copain et puis aussi que je mette des photos sur Facebook (TM°) j'ai pas le temps moi, et pis ma « daronne » elle dit que que lire ça abîme les yeux. »
Ici notons que tous les jeunes, qu'ils soient des « cités » ou petits bourgeois utilisent des termes réputés « canailles » ou rebelles pour se donner le genre révolté ou drôlement en phase avec la modernité, « daronne » signifiant génitrice dans le langage des « quartiers » dits difficiles, un peu à la manière des « bobos » qui placent quelques termes de « verlan » dans leur conversation pour montrer qu'ils sont encore proches du peuple.
La dominée approuve encore derechef :
« Ouais, avec notre vie à nous on a pas le temps de lire des livres, y faut qu'on se tienne au courant sur les « chtis à Las Vegas » « Star Ac » et aussi « The voice » parce que sinon ce serait trop la honte après avec les copines et de quoi on parlerait sur Facebook . » .
En effet, ne pas suivre les émissions de télévision « téléréelles » à la mode fait de vous un paria social pour la génération des deux jeunes filles, un pestiféré qui n'a plus d'endroit assez sombre pour se cacher. La question de savoir si l'on aime ou pas ce genre de spectacles n'entre même pas en ligne de compte, c'est obligatoire ou quasiment...
La dominante répond :
« Ouais on parlerait de bouquins comme nos darons (parents) y faisaient, parce qu'y z-avaient pas des portables et la télé dans la chambre, ce serait trop « dare » ! (« dare » se dit de quelque chose qui provoque un sentiment de honte, de ridicule, avec une nuance d'incorrection).
Les deux se mettent alors à ricaner sur un mode suraigu avec quelques hurlements pour appuyer leur hilarité, puis elles se sont alors mis à parler d'autre chose...
Et moi j'ai songé...
Pauvre Oscar !
Toutes les deux ont l'uniforme habituel et de rigueur pour garder un certain rang social :
le « djinn » slim de couleur, le petit « poulovère » pastel, le foulard palestinien autour du coup et le « smartphone » comme vissé, apparemment, à la paume droite. Au moins si la suite de leur conversation montre que ces deux donzelles n'ouvriront un livre que contraintes et forcées, il est évident qu'elles lisent beaucoup sur les écrans, ce qui au regard du discours lénifiant sur la lecture électronique apparaîtrait comme rassurant.
Celle qui domine le duo a des lunettes carrées de « dominatrice » dans une pub pour parfums. Toutes deux en parlant ne cessent de tripoter leur téléphone cellulaire.. ;
La première soupire :
« Oscar Wilde, la prof elle nous a dit, c'était un dandy, genre il se la jouait trop top modèle comme Kevin C., celui qu'est homosessuel dans la Seconde C »
Bien sûr, une époque qui met autant d'importance sur l'apparence et le « louque » le dandysme ne peut être compris que uniquement concernant ses conséquences sur l'image donnée aux autres et l'idée que le désir de s'élever, d'être différent, hors du troupeau, est forcément une atroce prétention.
La deuxième précise :
« Ouais, Oscar Wilde aussi il était homo, mais en fait Kevin y sait pas encore, il m'a dit qu'il avait pas fait son choix et qu'il aimait les filles autant que les gars, d'ailleurs Oscar Wilde y s'était marié la prof elle a dit, et il avait des enfants ».
La dominante semble agacé, son faire-valoir la reprend, elle se doit de la tancer fermement mais justement :
« Ouais, mais en fait c'est pareil du coup comme c'était un dandy, du coup Oscar Wilde y vannait trop les autres parce qu'il se croyait plus intelligent, parce que quand il écrivait du coup et ben, les autres ils avaient la honte parce qu'il écrivait bien alors ils se sentaient ridicules et lui il le faisait exprès »
La dominée acquiesce :
« Ouais, ça se fait trop pas, les intellos faut toujours qu'ils la ramènent et qu'ils te ridiculisent tout ça parce qu'ils lisent des livres »
La dominante revient au sujet qui l'inquiète, leur devoir :
« Moi j'ai dit que Dorian Gray, c'était un type de la « haute » et qu'il aimait bien se moquer des gens simples, comme nous, parce qu'en fait il était prétentieux, comme son copain Lord Wolton, et qu'en fait Dorian Gray il est amoureux de son copain mais il n'ose pas lui dire parce qu'il se la joue trop ».
La deuxième abonde dans le sens de sa copine :
« Ouais, c'est pas parce que tu lis que tu seras plus intelligente, et puis les livres y parlent toujours de trucs qui existent pas alors c'est pas trop intéressant ».
La dominante l'approuve :
« Ouais, moi je préfère les livres de témoignages mais j'ai pas le temps de les lire parce que le soit faut que j'aille discuter sur « Emmessène » avec mon copain et puis aussi que je mette des photos sur Facebook (TM°) j'ai pas le temps moi, et pis ma « daronne » elle dit que que lire ça abîme les yeux. »
Ici notons que tous les jeunes, qu'ils soient des « cités » ou petits bourgeois utilisent des termes réputés « canailles » ou rebelles pour se donner le genre révolté ou drôlement en phase avec la modernité, « daronne » signifiant génitrice dans le langage des « quartiers » dits difficiles, un peu à la manière des « bobos » qui placent quelques termes de « verlan » dans leur conversation pour montrer qu'ils sont encore proches du peuple.
La dominée approuve encore derechef :
« Ouais, avec notre vie à nous on a pas le temps de lire des livres, y faut qu'on se tienne au courant sur les « chtis à Las Vegas » « Star Ac » et aussi « The voice » parce que sinon ce serait trop la honte après avec les copines et de quoi on parlerait sur Facebook . » .
En effet, ne pas suivre les émissions de télévision « téléréelles » à la mode fait de vous un paria social pour la génération des deux jeunes filles, un pestiféré qui n'a plus d'endroit assez sombre pour se cacher. La question de savoir si l'on aime ou pas ce genre de spectacles n'entre même pas en ligne de compte, c'est obligatoire ou quasiment...
La dominante répond :
« Ouais on parlerait de bouquins comme nos darons (parents) y faisaient, parce qu'y z-avaient pas des portables et la télé dans la chambre, ce serait trop « dare » ! (« dare » se dit de quelque chose qui provoque un sentiment de honte, de ridicule, avec une nuance d'incorrection).
Les deux se mettent alors à ricaner sur un mode suraigu avec quelques hurlements pour appuyer leur hilarité, puis elles se sont alors mis à parler d'autre chose...
Et moi j'ai songé...
Pauvre Oscar !
Dans la partie d'Oblomov que j'ai beaucoup aimée, Gontcharov fait dire ceci à Oblomov, qui converse avec un écrivain :
"Peignez un voleur, une femme déchue, un imbécile guindé, mais n'oubliez pas l'homme dans tout cela. Où est l'humanité ? Vous voulez écrire seulement avec votre tête, sifflait-il presque. Croyez-vous que la pensée n'a pas besoin du coeur ? Non, la pensée est fécondée par l'amour ! Tendez la main à un homme déchu pour le relever, ou pleurez sur lui à chaudes larmes, mais ne le bafouez pas. Aimez-le, reconnaissez-vous en lui et traitez-le comme vous-même, alors je vous lirai et je m'inclinerai devant vous..."
Je pense que ce sont là quelques principes que l'on devrait garder à l'esprit lorsqu'on écrit. Sinon, c'est trop facile de regarder deux adolescentes de haut quand on ne prend pas le temps de les aimer un tout petit peu. C'est dit sans animosité envers l'auteur, mais je n'aime pas vraiment ce genre de textes - peut-être parce que ma propre adolescence n'est pas si loin.
"Peignez un voleur, une femme déchue, un imbécile guindé, mais n'oubliez pas l'homme dans tout cela. Où est l'humanité ? Vous voulez écrire seulement avec votre tête, sifflait-il presque. Croyez-vous que la pensée n'a pas besoin du coeur ? Non, la pensée est fécondée par l'amour ! Tendez la main à un homme déchu pour le relever, ou pleurez sur lui à chaudes larmes, mais ne le bafouez pas. Aimez-le, reconnaissez-vous en lui et traitez-le comme vous-même, alors je vous lirai et je m'inclinerai devant vous..."
Je pense que ce sont là quelques principes que l'on devrait garder à l'esprit lorsqu'on écrit. Sinon, c'est trop facile de regarder deux adolescentes de haut quand on ne prend pas le temps de les aimer un tout petit peu. C'est dit sans animosité envers l'auteur, mais je n'aime pas vraiment ce genre de textes - peut-être parce que ma propre adolescence n'est pas si loin.
C'est de la dérision. Et non du mépris. Car leurs maladresses ne sont pas de leur fautes.
Alors mes excuses pour t'avoir mal lu. Quelques termes m'ont induit en erreur. Encore une fois, ce n'était pas une attaque, juste une remarque par rapport au texte.
Je ne voulais plus intervenir ici mais j'avoue que, sans mepris non plus pour elles, je me suis regalee a lire ton texte et, ce, bien que le fond de leurs propos me navrent.
Dialogue tres habituel, helas.
Dialogue tres habituel, helas.
Je ne l'ai pas pris comme une attaque, je travaille avec des ados, je suis caustique avec eux, ils savent très bien que ce n'est pas du dédain à leur encontre, même s'il faut faire attention. Je fais même des émules en dérision...
En gros, j'ai lu tout ce vocabulaire dans Agrippine... dont la série a commencé il y a plus de vingt ans.
Heureusement, nous, on n'était pas comme ça quand on était ados: prétentieux, incultes et insouciants, ah non, non non! :-)
Heureusement, nous, on n'était pas comme ça quand on était ados: prétentieux, incultes et insouciants, ah non, non non! :-)
Un peu de recul, un peu de sens de la dérision, un peu moins d'esprit de sérieux que diable !
Je n'ai jamais dit qu'on était mieux, ou moins bien...
Ouhlala, encore une fois essayez de temps en temps d'avoir du recul sur vous et sur les autres
Je n'ai jamais dit qu'on était mieux, ou moins bien...
Ouhlala, encore une fois essayez de temps en temps d'avoir du recul sur vous et sur les autres
« Ouais, ça se fait trop pas, les intellos faut toujours qu'ils la ramènent et qu'ils te ridiculisent tout ça parce qu'ils lisent des livres »
Ce en quoi elle se trompe complètement. Ce sont les intellos qui sont ridiculisés, et non pas les autres. Les critères de mérite ont changé. Par contre c'est vrai qu'ils ne devraient pas trop se la ramener.
En tout cas ton texte était bien agréable à lire, et même drôle.
Merci, et oui les critères de mérite ont change
Oh, mais ce texte pourrait même glisser dans la partie Vos Écrits! C'est vrai que les conversations au débotté chez les adolescent(e)s ne sont pas toujours très flatteuses. Parfois je me dis qu'on doit effrayer les gens dans le métro. Ou les fait rire. Ou leur donner matière à des textes un poil caustiques et angoissants (mais pas jusqu'à la crise existentielle!). À quoi ressemblerait Oscar Wilde aujourd'hui? En djinn slim ou non?
Oscar Wilde allait à l'inverse des modes et des lieux communs, qu'elles qu'elles soient, des hypocrisies et des modes.
Les ados ont toujours parlé comme ça, je n'étais certainement pas mieux, ça n'empêche pas d'en rire...
Les ados ont toujours parlé comme ça, je n'étais certainement pas mieux, ça n'empêche pas d'en rire...
Oscar Wilde allait à l'inverse des modes et des lieux communs, qu'elles qu'elles soient, des hypocrisies et des modes.
Les ados ont toujours parlé comme ça, je n'étais certainement pas mieux, ça n'empêche pas d'en rire...
Ah!Comme tu as raison, Amaury!!
C'etait ce brave Flaubert qui avait l'art de me "gonfler" :-)
Un peu, beaucoup egalement, avouons-le, Balzac et Stendhal...
Je preferais deja de tres loin les ecrivains russes!
les auteurs "scolaires" sont très mal enseignés, il faut les découvrir par soi-même tout comme Proust, et on a le droit aussi de les trouver gonflants
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