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Or il n’y a rien avant le Pouvoir et il n’y a pas d’Histoire avant l’Etat : l’Etat est contemporain de l’Homme et son existence, puisqu’elle est sans cause, n’a pas à être justifiée ou condamnée. Les marxistes, à la suite d’Engels, ont vainement tenté d’affiner leur théorie sur l’origine de l’Etat mais seul Proudhon a pressenti que l’organisation des pouvoirs précède celle des modes de production.
De même qu’il n’y a pas d’Histoire avant l’Etat, il ne peut y avoir d’Histoire après l’Etat. Le dépérissement de l’Etat puis l’avènement d’une Histoire sans l’Etat sont impossibles car l’Etat, une fois advenu, est coextensif à l’Histoire. Même s’il a pu exister des sociétés sans Etat, il n’y a pas d’exemple d’une société de pouvoir ayant pu devenir société sans Etat. C’est l’une des causes principales de l’échec de Lénine à perpétuer sa révolution : il ne pouvait effacer l’Etat sans vouloir abolir l’Histoire (ce qu’ont en revanche compris et tenté les Chinois).
L’inexistence d’un « état de nature » originel impose également d’affirmer, de même que Nietzsche dans La volonté de puissance, que l’individu n’existe pas antérieurement et face à l’Etat. L’individu existe d’abord comme étant une partie d’un tout (qui est l’Etat) et il n’acquiert ses facultés individuelles que progressivement, en devenant un homme libre. L’individu n’étant rien sans l’Etat, il n’est pas opprimé (puisqu’il ne possède rien qui ne soit donné par l’Etat) et ne peut être libéré, puisqu’il n’existe pas hors de l’Etat. Il ne peut donc y avoir de révolution contre l’Etat sans rompre avec l’individuation.
Eric, tout en te remerciant de cette superbe critique, complète et investie, je m'interroge sur le sens que toi et Bernard-Henry Levy donnez, dans les lignes précitées, à l'Etat.
«Or il n’y a rien avant le Pouvoir »
Lorsque tu précises ici que « même s’il a pu exister des sociétés sans Etat, il n’y a pas d’exemple d’une société de pouvoir ayant pu devenir société sans Etat.», j'en déduis qu'il y a donc une histoire des sociétés sans pouvoir et sans Etat.
Pourquoi, alors n'y a-t-il « rien avant le Pouvoir » ?
et pourquoi n’y aurait-il pas «d’Histoire avant l’Etat» ?
Les niveaux d'intégrations sociologiques varient grandement au cours de l'histoire (cf Elias). Il me semble bien hasardeux de tous les fourrer dans le concept étatique tel qu'il se comprend actuellement.
La réponse à ces questions me semble fondamentale pour saisir la suite du raisonnement développé dans le reste de ta critique.
De même qu’il n’y a pas d’Histoire avant l’Etat, il ne peut y avoir d’Histoire après l’Etat. Le dépérissement de l’Etat puis l’avènement d’une Histoire sans l’Etat sont impossibles car l’Etat, une fois advenu, est coextensif à l’Histoire. Même s’il a pu exister des sociétés sans Etat, il n’y a pas d’exemple d’une société de pouvoir ayant pu devenir société sans Etat. C’est l’une des causes principales de l’échec de Lénine à perpétuer sa révolution : il ne pouvait effacer l’Etat sans vouloir abolir l’Histoire (ce qu’ont en revanche compris et tenté les Chinois).
L’inexistence d’un « état de nature » originel impose également d’affirmer, de même que Nietzsche dans La volonté de puissance, que l’individu n’existe pas antérieurement et face à l’Etat. L’individu existe d’abord comme étant une partie d’un tout (qui est l’Etat) et il n’acquiert ses facultés individuelles que progressivement, en devenant un homme libre. L’individu n’étant rien sans l’Etat, il n’est pas opprimé (puisqu’il ne possède rien qui ne soit donné par l’Etat) et ne peut être libéré, puisqu’il n’existe pas hors de l’Etat. Il ne peut donc y avoir de révolution contre l’Etat sans rompre avec l’individuation.
Eric, tout en te remerciant de cette superbe critique, complète et investie, je m'interroge sur le sens que toi et Bernard-Henry Levy donnez, dans les lignes précitées, à l'Etat.
«Or il n’y a rien avant le Pouvoir »
Lorsque tu précises ici que « même s’il a pu exister des sociétés sans Etat, il n’y a pas d’exemple d’une société de pouvoir ayant pu devenir société sans Etat.», j'en déduis qu'il y a donc une histoire des sociétés sans pouvoir et sans Etat.
Pourquoi, alors n'y a-t-il « rien avant le Pouvoir » ?
et pourquoi n’y aurait-il pas «d’Histoire avant l’Etat» ?
Les niveaux d'intégrations sociologiques varient grandement au cours de l'histoire (cf Elias). Il me semble bien hasardeux de tous les fourrer dans le concept étatique tel qu'il se comprend actuellement.
La réponse à ces questions me semble fondamentale pour saisir la suite du raisonnement développé dans le reste de ta critique.
Bonjour,
Je n'ai pas cherché à exposer ma propre conception de l'Etat ou de l'Histoire mais à résumer, du mieux que j'ai pu, la pensée et les arguments développés par Bernard-Henri Lévy. Néanmoins, je pense effectivement que le lien social est avant tout le lien de sujétion consentie d'un homme envers une communauté et que l'Etat, en tant qu'émanation du lien social érigé en finalité (le fameux "on se doit à la société"), n'est qu'une manière d'organiser le Pouvoir. L'Etat et le Pouvoir sont alors coextensifs. BHL semble admettre l'existence de sociétés sans Pouvoir et sans Etat mais, d'après ce que je comprends, il ne peut s'agir pour lui que de la vie autarcique d'invidus isolés ou de l'anarchie de la loi du plus fort. Il ne s'agit donc pas de sociétés au sens de communautés humaines. D'ailleurs, il n'en donne aucun exemple comme s'il ne croyait pas vraiment en l'existence historique d'une société sans Pouvoir. En ce sens, BHL me semble très proche de Rousseau, qu'il encense d'ailleurs à plusieurs reprises dans son essai.
Je n'ai pas cherché à exposer ma propre conception de l'Etat ou de l'Histoire mais à résumer, du mieux que j'ai pu, la pensée et les arguments développés par Bernard-Henri Lévy. Néanmoins, je pense effectivement que le lien social est avant tout le lien de sujétion consentie d'un homme envers une communauté et que l'Etat, en tant qu'émanation du lien social érigé en finalité (le fameux "on se doit à la société"), n'est qu'une manière d'organiser le Pouvoir. L'Etat et le Pouvoir sont alors coextensifs. BHL semble admettre l'existence de sociétés sans Pouvoir et sans Etat mais, d'après ce que je comprends, il ne peut s'agir pour lui que de la vie autarcique d'invidus isolés ou de l'anarchie de la loi du plus fort. Il ne s'agit donc pas de sociétés au sens de communautés humaines. D'ailleurs, il n'en donne aucun exemple comme s'il ne croyait pas vraiment en l'existence historique d'une société sans Pouvoir. En ce sens, BHL me semble très proche de Rousseau, qu'il encense d'ailleurs à plusieurs reprises dans son essai.
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