SpaceCadet
avatar 23/06/2013 @ 11:50:29
Bonjour. Pour poursuivre sur le sujet de l'enseignement en anglais dans les universités françaises, j'avoue que cette idée m'a laissé perplexe. Je pense qu'à prime abord cette proposition, justifiée par le principe d'optimisation des échanges et des communications dans, notamment, les milieux scientifiques, est essentiellement motivée par le désir de tirer avantage d'un certain commerce de l'enseignement. D'ailleurs, pas plus loin qu'à la page 11 du même journal, on peut voir une publicité de l'Université Saint-Louis (Bruxelles) proposant, sur son pôle de sciences humaines, des programmes plurilingues (?). Je ne sais pas de quoi il en retourne, mais du coup, entre la perspective de voir les universités se transformer en 'Tours de Babel' modernes et celle de devoir nous soumettre à un certain colonialisme linguistique, je ne sais pas trop quoi penser de cette idée.

J'y vois surtout un nivellement par le bas : tout le monde parlera la même sous-langue, un anglais appauvri.


N'est-ce pas déjà le cas?

SpaceCadet
avatar 23/06/2013 @ 12:11:41
Au passage, après avoir lu une partie de ce numéro du journal, je ne peux que saluer l'excellence du travail effectué ici par Bolcho.

Provis

avatar 23/06/2013 @ 18:45:36
Provis , mes idées ne sont pas préconçues, elles sont l'aboutissement de beaucoup d'observation et de réflexion ( mais oui !) et je ne manque pas d'argument.
….

Je vais répondre point par point à ton aimable dithyrambe.

En matière de sciences appliquées, l'anglais est plus précis et un mot nouveau désigne sans ambiguïté un concept nouveau.
Tu réponds point par point, mais tu ne fais rien de plus que répéter tes affirmations initiales. Donc je repose ma question : en quoi l’anglais serait plus précis que le français ?

Et je fais une remarque complémentaire, vu que l’argument que tu sembles donner ici est la précision de langage : tu crois vraiment que les non-anglophones vont tenir un discours plus clair et plus précis en globish qu’en français ?
En informatique, par exemple, aucun mot français ne désigne avec précision et concision des mots tels : buzz, blog, post, smiley... Tiens comment traduirais-tu smiley ? Petit signe cabalistique, qui sert à pallier le manque de ponctuation du français dans les textes que l'on s'envoie sur les sites internet ?
Il y a plus simple : émoticon, ou émoticone comme dit Pieronnelle, mais là n’est pas la question.

Il est bien évident que les mots « buzz, blog, post, smiley... » ont maintenant une signification claire et précise, simplement parce qu'avec le temps (l'usage) tout le monde a compris aujourd’hui quelle signification il faut leur accorder. Leur signification aurait été tout aussi précise si la convention d’origine (un autre mot, quelle que soit la langue) avait été différente.
Donc, ces exemples ne démontrent en rien que l’anglais serait plus précis.

De toute façon le problème n’est pas lié à l’emprunt de mots à des langues étrangères, il est dans le fait que presque tous ces mots sont, de près ou de loin, créés à partir de ce langage à tendance hégémonique qu’est l’anglo-saxon.


Quand j'ai proposé le russe ou le chinois, c'était un clin d’œil à Bolcho, parce que je sais qu'il accepterait plutôt de se mettre au russe ou au chinois qu'à la langue parlée par les Américains.
Mouais.. On s’occupera de ça quand le russe ou le chinois deviendront hégémoniques.


J'ai parlé de nombrilisme français parce que c'est bien de ça qu'il s'agit.
Personne n'oblige les Français à parler l'anglais chez eux.
Si ! c'est bien ce que certains voudraient..
Heureusement, les universités françaises ne sont encore ni anglaises ni américaines, les enseignants non plus (bon courage à la ministre pour les faire enseigner en globish.. :o).

Donc finalement les Français sont nombrilistes parce qu’ils veulent que leurs enfants puissent étudier dans leur langue maternelle ?


Mais ils devraient comprendre que c'est la langue de la science (pas les sciences inexactes, sociologie, psychologie, philo, etc.).
Si un article est publié en français dans une revue scientifique internationale, 95 % des lecteurs demanderont une traduction en anglais, je ne crois pas qu'ils se mettront à l'étude du français...
De quoi parles-tu ?
Le problème dont on parle aujourd’hui concerne l’enseignement, pas la recherche.
Il y a longtemps que les chercheurs français ont compris que la langue scientifique est l’anglais (du moins pour les sciences exactes comme tu le dis, parce derrière les sciences exactes il y a un fort enjeu économique), et depuis longtemps la plupart d’entre eux publient leurs travaux en anglais (en globish amélioré, plus précisément.. :o)
Et c’est comme ça depuis plusieurs dizaines d’années, au plus grand bénéfice des anglophones, qui eux du coup n’ont pratiquement aucun effort à fournir puisqu’ils n’ont rien à traduire ou à lire dans une langue étrangère.
Alors ne t’étonne pas quand certains parlent de « guerre »...

Le plus extraordinaire de l’histoire, c’est que maintenant certaines andouilles de politiciens français voudraient que l’enseignement lui-même soit en anglais !

Provis

avatar 23/06/2013 @ 18:52:19
Je ne sais pas de quoi il en retourne, mais du coup, entre la perspective de voir les universités se transformer en 'Tours de Babel' modernes et celle de devoir nous soumettre à un certain colonialisme linguistique, je ne sais pas trop quoi penser de cette idée.

Le mot "colonialisme" convient assez bien, mais beaucoup refuse de le reconnaître..

Donatien
avatar 24/06/2013 @ 08:26:41
Le "Monde Diplo", même imparfait, a le mérite de faire réflechir et questionner.
Et tout cela pour 5 Euros!

Saint Jean-Baptiste 24/06/2013 @ 16:09:16
SJB tes arguments sont incompréhensibles pour moi ! (mince le "rapprochement" s'éloigne :-))
On ne devrait donc inventer, rechercher, créer, comprendre les sciences qu'en anglais ! Je suppose donc que ceux qui ne parlent ou n'ont jamais parlé anglais n'ont jamais pu comprendre les sciences !!! Quels ignares ces français qui n'ont jamais eu de "vrais" scientifiques !


Rien n'empêche les étudiants en sciences d'apprendre en parallèle d'autres langues ...

... j'aurais cru au contraire que tu défendrais la langue française d'autant que, comme le souligne Saule, c'est vraiment du mauvais anglais appauvri,

Non vraiment je ne comprends pas ! "la langue universelle de la Science" !!!

Piero, tu n'as pas compris, mais ce n'est rien, je vais t'expliquer et le rapprochement se rapprochera. ;-))

Il n'est pas question de dire qu'on ne peut apprendre les sciences qu'en anglais et que les Français ne sont pas de vrais scientifiques, où as-tu été cherché ça ?
Il s'agit de communiquer ses connaissances communes, et d'éventuellement les approfondir, dans une langue commune que tout le monde comprend.

Il ne s'agit pas non plus de dissuader les étudiants d'apprendre une ou plusieurs autres langues, les programmes « erasmus » sont faits pour ça. Et, en encourageant le globish on n'attaque nullement les autres langues, personnellement je n'ai jamais attaquer la langue française, je crois que tu as tiré ça de ton petit doigt, mais, décidément, ton petit doigt est un mauvais souffleur.

Saint Jean-Baptiste 24/06/2013 @ 16:10:37

Etant entendu que, contrairement aux Français, les Américains ne se prennent pas pour le centre du monde.

Minoritaire, je crois que les Américains se prennent pour le centre du monde, parce qu'ils y sont.
Mais la roue tourne, et l'heure de la Chine pourrait arriver... Pour un monde meilleur ?

Saint Jean-Baptiste 24/06/2013 @ 16:13:55
... cette proposition, justifiée par le principe d'optimisation des échanges et des communications dans, notamment, les milieux scientifiques, est essentiellement motivée par le désir de tirer avantage d'un certain commerce de l'enseignement.

... la perspective de voir les universités se transformer en 'Tours de Babel' modernes et celle de devoir nous soumettre à un certain colonialisme linguistique,



Spacecadet, « nouvelle tour de Babel » ? ce serait plutôt le contraire, à mon avis.
C'est donner des cours pour des étudiants du monde entier dans une langue commune.

Maintenant, qu'il y ait un but commercial, c'est très possible. Mais si l'idée est de financer, ou de réduire la charge de l'enseignement, c'est une idée qu'il faut approfondir, dans la mesure où ça ne diminue pas la qualité de l'enseignement, évidemment...

Mais de là à parler de « colonialisme linguistique » ! franchement, les Français n'ont pas peur des mots !

Saint Jean-Baptiste 24/06/2013 @ 16:17:06
J'y vois surtout un nivellement par le bas : tout le monde parlera la même sous-langue, un anglais appauvri.

... il faut apprendre à parler anglais, la réponse est évidente et positive. Mais doit-on donner les cours d'unif en anglais ? Voila qui est ridicule, ...


Saule, ce n'est pas un nivellement par le bas ! Le globish est un outil, un outil de communication. Une première qualité d'un outil est d'être efficace et facile d'emploi.
Le globish est un bon outil.
Ou alors, tu diras que tout ce qui facilite la vie est un nivellement par le bas ?

Maintenant, doit-on donner des cours d'unif en anglais ? C'est discutable ; mais, pour ma part, je pense que certains cours de science appliquée et de technologie peuvent se donner en anglais, voire en globish par soucis d'efficacité.

Ensuite, je crois qu'un des buts recherchés est de favoriser l'échange d'étudiants dans les universités du monde entier. Pourquoi pas ?

A la KUL, université libre neerlandaise de Bruxelles, les cours de science appliquée sont donnés en anglais, avec syllabus en anglais, et les auditoires débordent d'étudiants, et il n'y a pas un seul flamand ! Et je pense que tout le monde s'en porte bien. Pourtant, si il y a un peuple au monde qui « défend » sa langue, c'est bien le peuple flamand. Mais, si on donnait les cours en flamand, les auditoires seraient vides (mais c'est un autre problème qu'avec le français en France, évidemment).

Guigomas
avatar 24/06/2013 @ 16:46:28
Très bonne chronique de François Taillandier dans l'huma sur ce sujet.

http://humanite.fr/culture/…

Il ne faut pas jeter la pierre à l'anglais juste parce que c'est l'anglais mais bien se poser la question de l'idéologie qu'il y a derrière. Pourquoi faut-il parler anglais aujourd'hui ?

Bolcho
avatar 24/06/2013 @ 17:23:38
Moi je dirais comme Guigomas ci-dessus : pour le moment, l'anglais est un peu la "langue de l'occupant" (étant entendu qu'il n'y a pas "occupation par les armes" partout n'est-ce pas... mais d'autres formes sont aussi efficaces). Celui qui impose sa langue impose aussi sa culture et son mode de vie. Alors, si on se mettait tous à parler, non pas le russe ou le chinois, mais une quelconque langue locale inconnue de tous ou plutôt l'esperanto (même s'il fallait peut-être le retravailler pour qu'il s'ouvre plus naturellement aux langues non européennes) ?

Cela dit, je m'étonne que cet article de Serge Halimi sur la langue unique ait suscité tant de commentaires passionnés.

Antinea
avatar 24/06/2013 @ 17:32:22
Quand on arrive dans un labo étranger, dans un pays dont on ne parle pas la langue, on est bien content de pouvoir baragouiner en anglais pour se faire comprendre. L'anglais est la langue de la science et elle permet à des générations de chercheur de s'intégrer. Tant pis, tant mieux, moi je trouve que c'est très bien, on n'avait qu'à se réveiller pour promouvoir notre français ou autre.

SpaceCadet
avatar 24/06/2013 @ 17:54:49
Que l'anglais soit la langue des échanges internationaux, c'est un fait.

Dans un contexte de mondialisation, la capacité d'agir au niveau mondial devient, dans bien des cas (mais pas tous) une question de survie (financière). Et cette capacité implique la pratique d'une langue qui soit comprise (ou à peu près comprise) par tous.

C'est sur le plan de la culture, il me semble, que la pilule ne passe pas bien. Parce que la langue et la culture sont liés et qu'à partir du moment où un peuple se trouve plongé dans un bain linguistique euh... étranger disons, et bien c'est la culture qui s'en trouve menacée.

Minoritaire

avatar 24/06/2013 @ 17:56:06
Cela dit, je m'étonne que cet article de Serge Halimi sur la langue unique ait suscité tant de commentaires passionnés.
C'est parce que, pour certain, on ne peut pas toucher à "Nozalliés": c'est pas bien.

SpaceCadet
avatar 24/06/2013 @ 18:02:55


C'est sur le plan de la culture, il me semble, que la pilule ne passe pas bien. Parce que la langue et la culture sont liés et qu'à partir du moment où un peuple se trouve plongé dans un bain linguistique euh... étranger disons, et bien c'est la culture qui s'en trouve menacée.


Entendre 'culture' au sens large, c'est-à-dire tout ce qui fait qu'une nation est ce qu'elle est, tout ce qui lui confère son identité.

Saint Jean-Baptiste 25/06/2013 @ 18:53:56
. Celui qui impose sa langue impose aussi sa culture et son mode de vie. .

Je crois que c'est plutôt le contraire : ce n'est pas la langue dominante qui impose sa culture, c'est la culture dominante qui impose sa langue.
C'est ce que dit très bien l'article proposé par Guigomas : une langue est en péril quand elle n'a plus rien à apporter.

L'exemple que prend cet article est très intéressant :
« Autre exemple, délibérément éloigné : on ne sache pas que la langue gauloise ait résisté bien longtemps au latin après la conquête menée à bien par César. Cela tient pour partie à ce qu’elle n’était pas écrite, mais il est assez probable aussi que les esprits les plus avisés comprirent que la langue des Romains les désenclavait, leur ouvrait des horizons nouveaux dans la culture, dans 
le commerce, dans les ambitions 
et les carrières. »

Le passage de la Gaule du celte au latin est le plus gros argument de ceux qui disent que la victoire de Jules César sur les Gaulois a été un grand bienfait. Pour ceux-là, la civilisation celte était arrivée à bout de souffle et les populations se sont misent au latin pour en finir avec le régime théocratique et aristocratique celte qui les opprimait.
Ça prouve bien qu'une langue est en perdition quand la culture où elle s'exprime est en perdition.

Dans son autre exemple il parle de l'Afrique :
« Une langue s’impose, à tel ou tel moment, en vertu de ce à quoi elle donne accès. C’est bien souvent une plaque tournante. Si les écrivains de l’Afrique « française » ont accepté et aimé notre langue, c’est parce que le français les faisait accéder non seulement à Zola mais aussi à Hemingway ou Tolstoï. »

A mon avis, les Africains ont adopté le français parce que c'est une langue qui les unissait mais aussi parce que c'était la langue de la religion chrétienne que les Africains – en tout cas les Congolais – ont reçue comme du pain béni. Et qui dit religion dit culture, et on y est : c'est la culture qui impose sa langue et non le contraire.

On ne peut pas défendre une langue à coup de décret et d'interdiction. C'est pourtant ce que font les Flamands en Belgique mais à long terme, c'est une bataille perdue.
La culture flamande, qui a eu son heure de gloire au XVIème XVIIème siècle, s'est perdue dans des dialectes et aujourd'hui elle n'a plus rien à dire.
Je suis certain que le pays flamand sera un des premiers à adopter le globish.
Et par contre, le français se maintiendra, malgré le globish, tant que la culture française apportera quelque chose au monde.

Feint

avatar 25/06/2013 @ 19:01:44
A mon avis, les Africains ont adopté le français parce que c'est une langue qui les unissait mais aussi parce que c'était la langue de la religion chrétienne que les Africains – en tout cas les Congolais – ont reçue comme du pain béni. Et qui dit religion dit culture, et on y est : c'est la culture qui impose sa langue et non le contraire.
A mon avis, les Africains ont adopté le français parce que leurs cultures avaient été détruites par la colonisation et qu'il fallait bien qu'ils en reconstruisent une.

Provis

avatar 25/06/2013 @ 19:02:56
Maintenant, qu'il y ait un but commercial, c'est très possible. Mais si l'idée est de financer, ou de réduire la charge de l'enseignement, c'est une idée qu'il faut approfondir, dans la mesure où ça ne diminue pas la qualité de l'enseignement, évidemment...
Je ne comprends rien.. ?? Il y aurait une économie financière à enseigner en globish ? Une économie pour qui ?
A part un bénéfice pour le "colonisateur", je ne vois pas...


De toute façon, SJB, apparemment ce n'est pas ce qu'attendent les pays qui souhaitent envoyer leurs étudiants en France. Témoin, cet extrait :

-----------------------------------------------------------------------

Tribune dans Libération du 21 mai 2013, signée par des universitaires étrangers.

"Français, gardez votre langue à l’université

Le Parlement français examine ce jour un projet de loi qui risque de contribuer à l’expansion rapide de l’anglais comme vecteur principal d’enseignement dans le système universitaire français. Nous, qui décidons depuis la Chine, le Brésil, les Etats-Unis, l’Europe centrale, de l’envoi de nos étudiants en France, nous nous permettons de vous mettre en garde contre la disposition législative envisagée, présentée comme un remède miracle pour favoriser « l’attractivité » de vos universités auprès de nos étudiants.

Elle repose en fait sur une double erreur d’appréciation. La première porte sur les raisons qui conduisent des étudiants étrangers à faire le choix de la France. Pas plus que les touristes ne viennent chercher dans votre pays des Starbucks ou des McDonald’s, nos étudiants n’aspirent à recevoir en anglais, dans vos universités ou grandes écoles, une formation que, sans vouloir vous désobliger, vos partenaires anglophones sont mieux armés que vous pour dispenser. La mondialisation, qui provoque des phénomènes d’uniformisation, a cet effet paradoxal de faire de la diversité une valeur : ce que les meilleurs d’entre eux viennent chercher en France, la raison pour laquelle nous les y envoyons, c’est justement une autre façon de penser, une autre façon de voir le monde, un modèle culturel alternatif aux modèles anglo-saxons dominants. Nous avons impérativement besoin de cette autre voie. Or, cette différence est liée à la langue que vous parlez.

Si le savoir est universel, la langue qui permet d’y accéder, elle, ne l’est jamais. Les langues ne sont pas interchangeables, on ne dit pas la même chose dans une langue et dans une autre. Vous avez la chance de disposer en français d’un formidable capital d’intelligence lié à une tradition plusieurs fois séculaire : ne le dilapidez pas en renonçant à la langue qui le constitue. Il est absurde de considérer le français comme un obstacle à l’attractivité de votre pays : dans la concurrence mondiale, il représente votre avantage comparatif, votre valeur différentielle.
....
....

Emily Apter New York University, responsable de collection à Princeton University Press ; Izabela Aquino Bocayuva Directrice du Centre de philosophie, université de Rio de Janeiro ; Xiaoquan Chu Doyen de l’Institut des langues et de la littérature étrangère, université Fudan, Chine ; Jacques Lezra Department of Comparative Literature, New York University ; Michael Loriaux Professor of Political Science, Northwestern University ; Nobutaka Miura Professeur à l’université Chûo, Japon ; Myroslav Popovych Directeur de l’Institut de philosophie de l’Académie des sciences d’Ukraine ; Dumitru Topan Recteur de l’université de Craiova, Roumanie ; Fernando Santoro Directeur du programme de doctorat, université de Rio de Janeiro."



Mais de là à parler de « colonialisme linguistique ! franchement, les Français n'ont pas peur des mots !
Peur des mots sûrement pas. Ce qui nous inquiète, c'est la menace d'une réalité que nous ne voulons, et s'il le faut, oui, ce sera la guerre !!

(ou alors latin obligatoire pour tout le monde.. :o))


On va se rafraîchir un peu les idées avec un vieil extrait (trente ans ?) de Bourdieu, qui je crois bien a dit un jour "La sociologie est un sport de combat." .. :o)

"LA RÉSISTANCE

Il n'est pas facile d'intervenir scientifiquement à propos de questions qui, comme celle de la langue touchent a l'identité, c'est-à-dire aux valeurs vitales. On est sur le terrain de la guerre civile, qui prend naturellement les formes de la tragédie, parce qu'il n'y a pas de compromis entre ceux qui acceptent de pactiser, de collaborer, et ceux qui prennent le parti de la résistance.
Il y a une économie des relations linguistiques internationales. Et l'on peut fonder la lutte pour la défense de la langue maternelle dans un calcul des coûts et des profits : l'invasion de la langue étrangère menace la production culturelle indigène ; elle réduit les emprunteurs au rôle d'utilisateurs passifs, dotés d'une compétence suffisante pour recevoir, ou subir, les messages émis dans la langue dominante, mais insuffisante pour produire des messages originaux et légitimes : bref, elle institue entre les détenteurs de la légitimité linguistique et les populations linguistiquement dominées une relation d'échange inégal, dans laquelle le dominant produit à un moindre coût des produits par définition supérieurs.
Mais cette économie des échanges linguistiques serait tout à fait incapable de rendre raison des prises de position en matière de langue si elle ne prenait pas en compte que le fait de se plier à la langue d'un autre groupe est une des manifestations les plus éclatantes de la soumission - et de la démission - culturelle. On a ainsi remarqué que c'est-dans les catégories qui sont socialement prédisposées à la docilité, et en particulier à cette forme de docilité que suscite et suppose la mobilité, entre autres dans la petite bourgeoisie, que s'observait l'inclination la plus forte à adopter, au sein d'une même communauté linguistique, les formes d'expression dominantes, à corriger par exemple les accents populaires ou régionaux. Et que, à l'opposé, les classes populaires tendaient à s'attacher à des formes de prononciation fortement stigmatisées auxquelles elles associent le sentiment de leur identité
Par-delà toutes les différences, les positions dominées et les dispositions qu'elles favorisent présentent des traits invariants et les chercheurs français sont placés devant une alternative que connaissent bien tous les « provinciaux » de toutes les capitales : ou s'attacher à leur langue dévaluée, et s'attirer l'accusation de « provincialisme », ou accepter de s'exprimer en anglais - avec tous les coûts corrélatifs - et contribuer ainsi à la réduction de leur langue, déjà entamée, à l'état de dialecte.
L'adoption d'une langue étrangère est un acte de reconnaissance, un hommage apprécié comme tel par les destinataires : et il faut inclure parmi les profits et les pertes, les intérêts qui touchent à l'identité, à la dignité et qui, bien qu'ils se laissent moins directement apercevoir et apprécier que les avantages associés à la mention dans la Science Citation Index, ne sont pas moins vitaux. Ce qui explique que les luttes linguistiques prennent si souvent la forme de conflits ultimes, indépassables, où est engagée l'idée même que chacun se fait de son humanité."

Provis

avatar 25/06/2013 @ 19:20:23
A mon avis, les Africains ont adopté le français parce que c'est une langue qui les unissait mais aussi parce que c'était la langue de la religion chrétienne que les Africains – en tout cas les Congolais – ont reçue comme du pain béni. Et qui dit religion dit culture, et on y est : c'est la culture qui impose sa langue et non le contraire.

A mon avis, les Africains ont adopté le français parce que leurs cultures avaient été détruites par la colonisation et qu'il fallait bien qu'ils en reconstruisent une.
Certainement, et il faut reconnaître que les Français en Afrique se sont conduits en colonisateurs (sans doute avec certains bénéfices pour les Africains, mais aussi d'importants dégâts sur la culture et l'identité).

A propos de la langue française en Afrique, on peut lire l'extrait qui fait suite à l'avis non francophone, extérieur à la France, que j'ai donné plus haut :

"Enfin, en venant en France, et parce que votre pays est une porte d’entrée vers le Maghreb et l’Afrique, nos étudiants cherchent aussi à bénéficier d’un tremplin, en accédant par votre intermédiaire à ce vaste espace francophone, à ses richesses, à ses perspectives de développement. Prenez garde à ne pas décourager les pays qui en font partie, car comment voulez-vous qu’ils conservent l’usage du français dans leurs systèmes éducatifs si vous-même y renoncez ? Il est douteux que votre intérêt soit de brader les avantages économiques que vous pouvez tirer de solidarités linguistiques forgées par l’histoire."

Saint Jean-Baptiste 25/06/2013 @ 19:36:29
:

Donc finalement les Français sont nombrilistes parce qu’ils veulent que leurs enfants puissent étudier dans leur langue maternelle ?

Le problème dont on parle aujourd’hui concerne l’enseignement, pas la recherche.

Et c’est comme ça depuis plusieurs dizaines d’années, au plus grand bénéfice des anglophones, qui eux du coup n’ont pratiquement aucun effort à fournir puisqu’ils n’ont rien à traduire ou à lire dans une langue étrangère.
Alors ne t’étonne pas quand certains parlent de « guerre »...


en quoi l’anglais serait plus précis que le français ?

Ben, Provis, ça je ne sais pas répondre, je t'accorde le point. Je ne suis pas scientifique ...Et toi ?

Moi, j'entends souvent dire que le globish trouve toujours un mot nouveau pour un concept nouveau et que tout le monde comprend. Peut-être que notre scientifique préférée, Antinea, nous le confirmera.

En attendant, il n'est pas question que l'enseignement, en France, ou ailleurs, se donne en globish. Du moins pour la culture générale, les sciences métaphysiques et dites inexactes ou aléatoires.
Il est question d'enseigner les sciences appliquées et la technologie en globish pour éviter des traductions dans toutes les langues.

Dans le Conseil de l'Europe, tout le monde veut parler sa langue. Donc, quand un Portugais parle, il doit être traduit en 21 langues par 21 interprètes. Puis le Danois répond et ça doit être traduit par 21 autres interprètes.
Quand un Écossais parle, l'Anglais demande une traduction simultanée et quand un Flamand parle, le Hollandais demande aussi une traduction simultanée !
Si je ne me trompe, il faut donc 441 interprètes présents pour traduire la discussion.
Inutile de dire que quand il s'agit de quelque chose de sérieux, on parle en globish


Je crois que ce qui heurte les sensibilités françaises c'est que la langue universelle ne soit pas le français.
D'autre part, la moitié du monde parle l'anglais alors, ce qui heurte la sensibilité des égalitaristes, c'est que l'autre moitié doive l'apprendre. C'est trop z'injuste ! Que tout le monde apprennent une même langue, même une langue impossible comme l'espéranto ! Au nom des mêmes droits pour tous ! Même chance pour tous ! Égalité pour tous !

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