Sophie Jabès par Sirocco, le 31 octobre 2004
Est-ce que, tout comme Caroline, le personnage principal de votre livre, l’écriture et d’abord la lecture vous ont-elles sauvée ?
En tout cas, ça m’a ouvert des horizons. Déjà petite, la lecture a été très importante pour moi, car ça m’a permis de découvrir plein de choses : on peut partir dans de nouveaux univers, on se nourrit de nouvelles émotions, on vit plein de vies différentes. Et sans doute que la lecture, dans mon enfance très solitaire et très protégée, a peuplé une solitude. Donc oui, quelque part, ça vous sauve et surtout, ça vous emmène très loin, et elle m’a emmenée très loin…La preuve en est que j’écris.
Caroline reçoit de la bibliothécaire de l’école un cahier blanc, cahier blanc qui, elle le comprendra plus tard, signifie l’écriture et donc la liberté. Quelqu’un vous a-t-il donné ce cahier ?
Le goût de la lecture m’a été transmis par mes parents. Mon père, qui est vraiment le contraire du père décrit dans mon livre, ne m’offrait pas un livre de Comtesse de Ségur mais la collection entière, tout les Jules Verne… Il m’inondait de livres avec, quand j’y repense, une pression très forte de tout lire. Ma mère était également une grande lectrice, avec sans doute une volonté de sortir de son milieu par la lecture. J’ai donc lu très tôt plein de livres complètement différents, de façon très éclectique. Et pour ce qui est de l’écriture, personne ne m’a donné le « cahier blanc ». J’ai commencé par écrire des scénarios, car mon métier d’origine, c’est d’être productrice de télévision. Mais,j’ai vraiment commencé à écrire des romans il y a 7 ans, et je me suis rendu compte que c’était une activité qui me remplissait de plaisir et sans doute la seule qui ne m’angoissait pas. Quelque part, l’écriture m’a vraiment sauvée de l’angoisse. C’est vraiment un plaisir absolu d’écrire !!
Qu’est ce qui vous procure la plus grande sensation de liberté, la lecture ou l’écriture ?
Quand j’écris… Mais aussi quand je lis… Les deux sont très liés. Lorsqu’on lit, on est seul avec son livre et l’on peut partir ailleurs, mais on a quand même l’univers de quelqu’un. On n’est pas obligé de rentrer dans cet univers. On ne rentre d’ailleurs pas dans tous les livres, il y a des livres qui nous demeurent étrangers à tout jamais et d’autres qui au contraire, tout d’un coup, sont des rencontres extraordinaires. Ma plus récente rencontre, que j’ai trouvé très forte, où j’ai même dû m’arrêter de lire tellement c’était fort, c’est Sylvie Germain. Chaque mot d’elle est un don de Dieu ! Quand on lit des choses aussi merveilleuses, ça nous élève et c’est vrai que ça nous emmène a plus de liberté. Alors, notamment pour moi qui viens de la télévision où l’on parle « case horaire, cible, taux d’audience », se retrouver sur sa page et partir seul sur les chemins d’aventure, c’est un degré de liberté énorme !
Qu’est ce qui vous a inspiré pour le personnage de Caroline ?
En fait, c’est la première phrase :« c’est à l’âge de sept ans que Caroline décida d’assassiner sa mère » qui s’est imposée à moi. Cette phrase est venue dans ma tête comme une ritournelle. D’ailleurs, le thème de la comptine revient dans le livre. Elle m’a obsédée jusqu’au jour où j’ai « lâché » l’histoire.
On imagine bien votre texte au théâtre ; est-ce dans vos projets ?
Oui, j’aimerais vraiment que quelqu’un se l’approprie. En plus, c’est un huis clos. Il y a aussi ce côté outrancier qui conviendrait bien au théâtre ou même à l’opéra. Je le vois très bien sur scène, car il y a une accentuation du trait qui, je pense, aurait sa place sur scène.
Quels sont vos projets ?
Il y a un autre livre qui est déjà écrit et qui fait partie de la trilogie de ces trois contes romanesques dont l’héroïne est aussi une femme. Et dans les projets sur lesquels je travaille actuellement, il y a deux choses : j’ai des projets de mise en scène de théâtre et d’écriture de pièce, ainsi que le projet de jouer également moi-même.
Y a-t-il quelque chose d’autre que vous aimeriez dire sur votre livre?
Ce qui m’intéresse, c’est de raconter des histoires ; il n’y a aucun message, rien de didactique Par contre, il y a deux thèmes qui me sont très chers. Le premier, c’est la souffrance des enfants. C’est vrai que souvent, on l’ignore, on la nie. La deuxième chose, c’est l’identité. Dans mon livre, il s’agit d’une famille juive, mais ça pourrait être des bouddhistes, des musulmans… ce qui est important c’est d’assumer qui l’on est, de ne pas avoir peur. Il ne faut pas spécialement le revendiquer, mais en être sinon fier en tout cas pleinement satisfait. Ne pas lutter contre soi-même.