Vincent de Swarte par Arsenic, le 10 août 2001
Comment le sujet du livre vous est-il venu ?
Un reportage peut-être, au tout départ, il y a quelques années de cela, sur la zone interdite. Et alors, les questions qui me sont venues à l'esprit, à savoir, qu’aurais-je fait, moi, dans cette situation. Et puis, ce qui m'a frappé, c'est de voir cette espèce de rage, la rage de survie. Ils reviennent sur les lieux du drame de manière inconsciente, en bravant des zones d’interdiction, les autorités.
Ces gens reviennent comme s’ils avaient une vision juste de ce qui allait se passer après. Ils reviennent, retrouvent leur lopin de terre, leurs habitudes. Ils voient la nature qui a repris ses droits, et ils se disent, pourquoi pas nous aussi reprendre nos droits ?
Aujourd’hui, quand on voit ce qui se passe dans certains villages, en Biélorussie par exemple, où il y a une zone tout aussi contaminée que la zone interdite de Tchernobyl, on se rend compte qu’on peut domestiquer la radiation dans des zones très contaminées, en ayant des habitudes de vie ; il y a des gestes, par exemple faire paître les bêtes à tel endroit plutôt qu’à tel autre, en mangeant tel ou tel aliment, en manipulant tel ou tel objet ou en l’ignorant, en sachant certaines choses. C'est en fait un apprentissage. Mais le problème, c'est que ces gens-là ne savaient pas tout ça. Ils reviennent.
C'est assez puissant, noir, piquant ; quel message voulez-vous faire passer ? Un message d’espoir ?
Un message, c'est un grand mot. Je ne suis pas un messie. Un message d’espoir, oui, peut-être, mais je peux juste constater ce qui s’est passé, c'est quelque chose effectivement de très brûlant. Et dire aussi que j’ai été profondément ému de voir cette rage de survivre. Alors, un message, je ne peux pas en donner, pas vraiment. Je ne peux pas dire aux gens que, si une catastrophe arrivait près de chez eux, ils devraient rester parce qu'ils allaient revivre… Je constate simplement que ces gens reviennent, même si cela peut paraître incompréhensible, voire choquant pour certains.
Vous parlez de malheur, puisque l'histoire est basée sur une catastrophe ; et puis, il y a l’amour, l'espoir. Pensez-vous que l'amour puisse venir à bout de tout ?
L'amour décrit dans ce roman est paroxystique, violent, idéalisé, il est fou. C'est un amour fou. Pourquoi ? Là aussi, on peut parler de rage. L’amour est la réponse au trop-plein de morts, de souffrance.
Vous avez une écriture très imagée, très forte. Vous vient-elle spontanément ?
Oui, c'est tout à fait spontané, même si après, bien sûr, je retravaille certains passages. Je travaille au souffle, à l'oreille et aux yeux.
Êtes-vous allé en Russie ?
Non, mais j’aimerais bien… La littérature russe fait écho à ce que j'ai à l’intérieur, je ne sais pas pourquoi, et plus spécialement la poésie russe.
Vous écrivez également des livres pour la jeunesse. Est-ce que l’approche est très différente ?
Non, pas pour moi, ça procède de la même pulsion, de la même nécessité d’écriture, et pour moi il n'y a pas de frontière entre les deux.
Y a-t-il un sujet sur lequel vous aimeriez écrire ?
Ce ne sont pas les sujets qui m'intéressent, ce n'est pas par sujet que j'écris mes livres. Le sujet s’impose par lui-même.
Avez-vous des projets précis ?
Oui, j’en ai plein… Là, je vais faire une petite pause d’écriture et je vais faire autre chose. Mais j’y reviendrai.
Quel genre de livres préférez-vous ?
Il n'y a pas de genre que je préfère. J’aime les livres qui se lisent d’une traite, qui se laissent dévorer. Et il n'y en a pas beaucoup, quand vous y réfléchissez…
Qu'avez-vous lu récemment ?
J’ai bien aimé Noce de sang de Frederico García Lorca, c'est un auteur qui mérite qu'on parle de lui.
Y a-t-il un moment, un lieu que vous préférez pour lire ?
Je lis comme je mange, quand j’ai faim. Peu importe le lieu ou le moment.