Jean des Cars par L'équipe de CritiquesLibres.com, le 26 janvier 2001

Jean des Cars est né à Paris en 1943. Après des études de droit, il devient reporter pour divers magazines comme le Figaro, Paris-Match et d’autres encore. Marié, Jean des Cars a une fille et un fils et vit toujours à Paris.

Comment se passe la sortie de votre dernier livre : " Eugénie, la Dernière Impératrice " ?
Je suis fou de joie de l’accueil de ce livre. Alors que peu d'articles sont déjà parus, le bouche à oreille a très bien fonctionné, et on en est déjà au troisième tirage.

C'est un gros ouvrage, le plus gros que j'aie écrit, et encore, j'ai dû me limiter ! Donc, je craignais un peu d’être trop long, trop dispersé. Je l’ai fait lire à ma femme, qui est toujours ma première lectrice – les femmes sont bien meilleures lectrices que les hommes, elles savent lire mieux que les hommes, et il n'y a aucun succès littéraire qui se fait sans les femmes. Donc, ma femme, qui est très intelligente et très cultivée – et aussi très sévère ! & l’a lu et l’a trouvé bon. Il ne faut surtout pas lasser le lecteur et le perdre en route. Quand on écrit, c’est difficile de voir cela et c’est pourquoi il est important d’avoir un avis extérieur. Je l’ai ensuite fait lire à un historien, qui l'a trouvé très bien également. J'étais prêt…

Tout est du premier jet : 12 pages par jour, pendant cinq mois (j’ai une tendinite !), mais j’ai refait le début quelques fois. Et je n’aurais jamais pu faire ça sans l'expérience du journalisme (" Le journaliste est l'historien de l’instant "). La combinaison de cette dernière et la loi du feuilleton sont à la base de l'écriture d’Eugénie. Il faut, pour le grand public, être très rigoureux. Je me suis mis dans la peau du feuilletoniste, comme je l'avais déjà fait pour l’histoire des Romanov.

Quand vous avez écrit votre premier livre, qu'est ce qui a poussé à l'écrire ?
C’est la combinaison de plusieurs facteurs : d'abord l'influence de mon père (le célèbre écrivain Guy des Cars). Comme lui, je suis très bavard ; nous adorons raconter des histoires dans la famille, et mon fils, d’ailleurs, est avocat.

J'ai aussi fait des études de droit et je reste d'ailleurs un peu l'avocat des personnages historiques qui ont été, peut-être, jugés trop vite.

Avant d'écrire mon premier livre, j’étais journaliste, entre autres à Paris Match, et j’étais désolé du caractère éphémère et futile de l’actualité. Donc, profitant d'un voyage en Bavière, je me suis intéressé à Sissi, ce personnage sur lequel peu s’étaient penchés jusqu’à présent… J'ai eu beaucoup de mal dans mes recherches, pour des raisons de traductions et de langue. Sissi sorti en 1975. Je me suis dit que, si ça ne marchait pas (beaucoup de monde me confondait avec mon père et puis, un premier livre, c'est toujours difficile), j’abandonnerais, mais… ça a marché. J’étais fou de joie !

Vous montrez, dans le choix de vos ouvrages, une prédilection pour le XIXe siècle. Pourquoi ? Qu'y trouvez-vous d’attrayant ? Les personnages, l'évolution des technologies ?
Nous en sommes les héritiers. C’est une époque où il y a de tels bouleversements qu’elle me semble l'époque la plus proche de nous, fatalement. A une immense différence près : au XIXe (qui, dans la réalité, commence en 1815 et se termine en 1918), on a confiance en l’avenir. maintenant, on a peur… Auparavant, les cafés s'appelaient " Au progrès ", " A l'avenir ", " l'Espoir ", et bientôt, on verra : " Au maïs transgénique ", " À l'ozone ", " A la Vache Folle "...

J'aime beaucoup cette période, car il y a des mélanges de traditions. Le modernisme intervient, le chemin de fer se développe petit à petit. L’électricité, le télégraphe. C’est amusant de voir des gens qui montent à cheval mais vont déjà s'éclairer à l’électricité. Je trouve que ce sont des situations intéressantes.

C’est un siècle étonnant qu’on a pourtant appelé " stupide ". Il y a beaucoup d’espoirs et de bouleversements. On y voit aussi toutes sortes de régimes politiques se succéder en France : les Légitimistes, Orléanistes, Bonapartistes, Républicains…

Je suis très attaché aux contextes dans lesquels évoluent les personnages, à la mise en perspective, et il me semble que trop souvent, soit on a une vue trop générale, soit on a un personnage détaché. Eugénie et Napoléon III ont été des visionnaires dans le domaine social (les lois pour les ouvriers, la création de l'ancêtre des restos du cÏur…).

Y a-t-il un homme ou une femme sur lequel ou laquelle vous aimeriez encore écrire ? Quels sont vos projets ?
J'ai un nouveau livre en préparation, mais je ne peux malheureusement pas en parler. Tout ce que je peux dire, c’est qu'il sera beaucoup question de la Belgique.

Si vous pouviez passer un moment avec une personnalité, quelle serait-elle ?
J’aurais aimé être à côté de Ferdinand de Lesseps pour l'inauguration du canal de Suez. C’est une aventure tellement extraordinaire, la jonction de ces deux mers, c'est un rêve depuis l’époque des pharaons.

J’aurais également aimé entendre Stendhal raconter ses histoires.

Comme personnages actuels, il y deux personnages que j’ai rencontrés et qui m'ont marqué : le professeur Jean Bernard, de l'Académie française, spécialiste des recherches sur le sang, la leucémie. Homme remarquable et savant fabuleux.

Un autre m’a fasciné littéralement, c'est Haroun Tazief. Avec son accent russe, quand il expliquait que les volcans étaient comme un corps de femme palpitant, c’était superbe !

Quel est votre écrivain actuel préféré ?
C'est assez difficile à dire, évidemment. Je vais dire Michel Déon. C'est un homme que j’ai appris à connaître. Et aussi Hélène Carrère, une académicienne spécialiste de la Russie. Et puis Jean Dutour, avec son esprit et ses farces. Et en général, j'adore les livres écrits par des femmes.

Quel genre de lecture préférez-vous ?
.videmment, je lis beaucoup d'Histoire, mais j’aime aussi les romans policiers. Il y en a un qui m’a stupéfié, c’est " les Rivières pourpres " de Jean-Christophe Grangé. On y trouve quelque chose de nouveau.

Quand vous lisez, y a-t-il un moment (vacances, soir, week-end.) et un lieu (bain, fauteuil, tapis, lit, plage.) que vous favorisez particulièrement ?
‚a dépend si c'est une " lecture devoir " ou une " lecture détente ", et chez moi, c'est souvent mêlé. Mais pour la détente, j'aime beaucoup lire couché, le matin tôt, vers 5 heures…

Quel est le dernier livre que vous avez lu ? Qu’en avez-vous pensé ?
Alain Decaux : Mort pour Vichy, que j’ai trouvé formidable. ‚a parle de l’enquête terrible de cette épouvantable période. Une enquête mise à jour d’une manière incroyable et très originale.

Quels sont les ingrédients indispensables selon vous pour qu’un livre vous séduise ? (Est-ce que vous faites plus attention à la qualité de l'écriture, la précision des descriptions, un vocabulaire riche, une histoire prenante…) ?
La qualité de l'écriture en premier plan, quel que soit le genre du livre. Et aussi, il faut que ce soit agréable à lire et pas un bouquin en béton armé ! C’est important. Il y a un travail de digestion à faire de la part de l’auteur. C’est pour cela que je n'aime pas les notes en bas de page. C’est à l’auteur de faire le travail de préparation, de digestion, pas au lecteur.

Donnez le titre d’un livre qu’on pourrait critiquer sur le site ?
Chateaubriand, les Mémoires d'outre-tombe. C’est un auteur à redécouvrir.

Y a-t-il quelque chose dans le monde que vous aimeriez changer ?
Les gens qui ont la mémoire courte. Ceux qui manipulent l’Histoire et la chronologie. Il y a beaucoup à faire dans le domaine de l'enseignement…


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