Laurence Bich par Arsenic, le 28 juin 2001

Laurence Bich, arrière-arrière-petite-fille de l'écrivain Paul-Louis Courier, a épousé le baron Bich en 1956.


Qu'est-ce qui vous a décidée à écrire ce livre ? Votre mari avait dit que vous l'écririez après sa mort, est-ce pour respecter cela ?
Je me suis senti un devoir moral de le faire, et puis je pense aussi qu’il y avait un devoir de mémoire. Il fallait se dépêcher d’écrire ce livre, tant qu'il y avait encore les derniers témoins survivants. Mon mari était un homme très secret, il n’avait jamais voulu qu’on publie quelque chose sur lui. Un jour ou l’autre, quelqu’un allait le faire, et je préférais que ce soit moi qui le fasse.

Comme ça, vous étiez sûre de ne pas dévier de la vérité ?
Oui. J’ai essayé le plus possible de rester objective, mais je pense que ce que je raconte est plus intéressant tout de même, moi qui ai vécu plus de quarante ans avec lui, que ce que des étrangers auraient pu écrire.

Est-ce que cela vous a été difficile d'écrire ce livre ?
Au début, c'était impossible. Je savais que je devais le faire, l'idée était là. Et puis, petit à petit, j’ai pu commencer à le réaliser.

Et pratiquement, comment avez-vous fait ? Parce que bien sûr, en ce qui concerne sa vie, vous saviez quoi écrire, mais pour ce qui est des données purement techniques et industrielles, les chiffres des sociétés, etc., comment avez-vous procédé ?
J’ai travaillé avec les archives de la société Bic, et j'avais demandé d'ailleurs de ne les communiquer à personne tant que je n'avais pas écrit mon ouvrage. Et puis, dans le dépouillement des données, j’ai été aidée par plusieurs personnes.

Ensuite, quand il a fallu mettre le livre en place, l'éditeur a coupé d'énormes passages. Parce que ce qui l’intéressait, c'était un livre qui soit condensé et qui se lirait facilement, et je crois qu’il y est arrivé.

Mais je ne voulais pas ne parler que de la partie technique, commerciale et industrielle. J’ai parlé au début des origines de mon mari, parce qu'il fallait le situer dans son contexte. Après, j’ai parlé de l’homme d’affaire qu'il a été toute sa vie, de sa grande passion pour la coupe America, et d'une manière générale, de ses idées. C'est un homme qui avait beaucoup d'idées.

Oui, je pense qu’on aurait pu en dire beaucoup plus en fait.
Ici, c'est juste une approche, un panorama du personnage.

Est-ce qu’avant cela, vous aviez déjà pensé à l’écriture ?
L'écriture n’a jamais été un problème pour moi. J'ai toujours beaucoup écrit, toujours aimé écrire, et ça vient facilement.

Est-ce que vous allez écrire un autre livre, peut-être un roman ?
Peut-être, mais le temps passe, et je ne sais combien d’années sont devant moi. On verra.

On dit que derrière chaque grand homme se cache une femme ; que pensez-vous de cela ?
Je pense que le mot caché est bien choisi, parce que vous ne pouvez pas – c'est un choix que vous faites (d'ailleurs, cela a été dit joliment par madame de Sta‘l : " la gloire est le deuil éclatant du bonheur ") –, vivre auprès d'une personnalité aussi forte que l’était celle de mon mari, quelle que soit votre propre personnalité, sans être obligée de vous mettre au pas.
Nous avions coutume de dire que nous poussions tous deux la même charrette.

Qu’admiriez-vous le plus chez votre mari ?
Son charisme. Quand vous le voyiez, il ne pouvait pas vous laisser indifférent ; il avait une présence extraordinaire.

Qu'est-ce qui vous exaspérait le plus ?
Son autorité, surtout à la fin de son existence.

Quelle impression cela fait-il de porter un nom de famille qui est devenu un nom commun ?
Ce n'est pas très gênant, parce que c’est un nom qui est très sympathique… (sourire)

Quel avenir est celui des sociétés ? Pensez-vous que cela va rester une affaire de famille ?
Oui, c’était le vÏu de mon mari.

Est-ce que l'esprit reste le même ?
Oh ! oui, je le pense.

Ses enfants s’y investissent-ils autant que lui ?
Complètement.

Est-ce que l’entreprise continue à se développer, à développer d’autres produits, à se diversifier ?
Non, on observe plutôt une politique de concentration sur ce qui est l'activité principale : les instruments d'écriture, les briquets et les rasoirs.


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