Didier van Cauwelaert par Étoile filante, le 18 juin 2001

Didier van Cauwelaert est né à Nice en 1960. Après quelques années consacrées au théâtre et une brève carrière de critique littéraire, il finit par trouver un éditeur qui s'intéresse à lui, en 1981, après treize ans de traversée du désert.


Comment êtes-vous devenu écrivain ?
J’ai connu très tôt l’évidence qu’il fallait que je raconte des histoires et que je m’adresse à un public. J'avais un père qui racontait beaucoup d’histoires, je trouvais ça formidable quand les gens arrêtaient ce qu'ils faisaient pour l’écouter, ça les faisait rire, pleurer, et moi avec ma voix d'enfant, je n’avais pas les moyens de raconter les histoires comme lui. Donc je me suis mis à les écrire et j’ai commencé vers 7-8 ans à mettre en forme des histoires. Je n'avais pas d'écrivain autour de moi, mais j’avais vu dans des reportages que l'écrivain, c'était quelqu’un qui travaillait à la maison et qui n’avait pas besoin d'avoir une vie de bureau à l'extérieur. J’avais vu également un reportage sur Fitzgerald qui écrivait au bord de sa piscine… «a me convenait tout à fait.

Et puis rapidement mon père est tombé très malade, il était quasi infirme et je l'avais entendu dire à ma mère que le jour où il ne pourrait plus marcher, il se suiciderait. Je me suis dit que c’était moi qui devrais faire bouillir la marmite. J'ai donc envoyé mes manuscrits à partir de 9 ans et demi chez les éditeurs pour gagner ma vie. Par la suite mon père s'est rétabli et il n'est resté chez moi que la passion de l’écriture.

Quels sont les auteurs ou les livres qui vous ont particulièrement touché ?
Les livres qui m’ont vraiment marqué quand j'étais môme, c’était trois livres qui me sont parvenus par la station essence Total qui, à l’époque, offrait des livres quand on faisait le plein. Et c'était " les Mots " de Jean Paul Sartre, " le Petit Nicolas " de Goscinny et " Serrurier au sérail " de San Antonio, cela peut paraître un choix très éclectique mais ce sont des livres qui sont très proches car ce sont des livres qui travaillent sur le style, sur l’humour.

Ensuite, il y a eu Diderot, qui pour moi est vraiment l'inventeur du roman moderne, la liberté du narrateur. Je retrouve chez cet auteur mes valeurs habituelles : lucidité, humour, férocité parfois et humanité toujours. Et puis surtout savoir exprimer les choses les plus complexes, les plus contradictoire à travers la forme la plus simple possible, ce qui demande un travail énorme, pour qu’on ne sente plus l'effort.
Et puis j’aime Romain Gary, Marcel Aimé, Boris Vian, Balzac…

Les personnages de votre livre sont imaginaires mais les faits bien réels. Comment avez-vous été attiré par cette énigme religieuse vieille de plus de cent ans ? En aviez-vous connaissance depuis longtemps ou est-ce lors d'un voyage au Mexique ?
Il y a trois ans que des scientifiques m'ont raconté toutes les expériences et les découvertes faites sur la tunique, et ça réveillé en moi une envie d’enfant de traiter d’un miracle à travers le regard des scientifiques qui essaient de trouver une explication rationnelle. Et puis quand on m'a raconté comment Juan Diego a vécu ses apparitions qui n'étaient pas du domaine de la révélation mystique mais plutôt du harcèlement céleste, là je me suis dit, on dirai un roman de moi : ce petit bonhomme qui n’a rien demandé, à qui il arrive un événement gigantesque qui va changer le cours du monde mais qui ne va pas le changer lui-même, c’est un thème qui arrive souvent dans mes romans. Je me sentais chez moi. Je ne suis pas un mystique, mon but n'est pas la conversion des gens mais leur donner des bases de réflexion à travers l’humour, à travers les rapports entre la nature humaine et le surnaturel.
Je suis allé au Mexique pour imaginer ce que c'était au temps des Aztèques et puis voir ce que c'était aujourd'hui. Et comme par magie, je me suis retrouvé dans chacun des lieux dont j'avais besoin pour le livre, et c’est peut-être le roman pour lequel j'ai le moins inventé de choses.

Croyez-vous aux miracles ?
Je ne crois pas à la barrière entre le normal et le paranormal. J’ai constaté des guérisons inexpliquées, et puis j’ai écouté les scientifiques, j'ai lu tous ces dossiers.

Nathalie, le personnage principal du livre, vous ressemble-t-il beaucoup ?
Oui mais en moins agressif au départ parce que je n’étais pas le rationaliste militant qu’elle est elle, moi je m’intéresse, je n’ai pas peur. Un phénomène inexplicable n'est pas une insulte à mon intelligence, au contraire ça m'ouvre des portes, mais ça n'empêche pas que j'ai envie de dépister les supercheries et que je suis vigilant face aux récupérations. Mais à côté de ça, quand je constate quelque chose qui dépasse l’entendement, les connaissances actuelles de la science et que les scientifiques m’expliquent pourquoi c’est inexplicable. Là je suis fasciné. Dans l'état actuel de nos connaissances, c'est inexplicable, mais quantité de choses étaient inexplicables autrefois. C’est une question de temps, ce n’est pas question d'impossibilité fondamentale comme les terroristes rationalistes voudraient nous en convaincre. Comme si la vie n'était pas un miracle constant.

Comment s’est passé l’interprétation au cinéma de votre roman " Un aller simple " pour lequel vous avez reçu le prix Goncourt ?
J’ai participé, je n'ai pas abandonné mes personnages. J'ai choisi le réalisateur car j’étais d’accord avec la façon dont il vivait le film. Il a pensé à des comédiens formidables, Villeret est extraordinaire. Pour moi, la mise en image est quelque chose de différent qui ne doit pas être une illustration plate. Et là, le film est à la fois fidèle au roman et il ressemble au réalisateur.

Pensez-vous au cinéma pour " L’apparition " ?
Non, je ne pense pas au cinéma quand j’écris un roman ; ce qui ne m'empêche pas d'être visuel car j'ai besoin de donner à voir aux gens mais ce sont les mots que je choisis et les formules que je construis qui font qu'on voit l'image. Dans une description, ce qui m'intéresse c'est le regard de la personne qui observe, et ce regard c’est parce qu'elle-même est dans tel état émotionnel et j'ai autant de renseignements sur le personnage, sinon plus, que sur le paysage qu’elle regarde. Donc je ne pense pas au cinéma en écrivant. Mais c'est vrai que les autres y pensent déjà pour moi. Les Américains s'intéressent déjà à " l’Apparition " au cinéma. Mais moi je ne me suis pas encore posé la question.

Quels sont vos projets ?
Une comédie musicale avec Michel Legrand que nous créons à Londres qui s'appelle " Ll‘Amour fantôme ", en octobre. " Le Passe muraille " se joue à Broadway en septembre. Et pour le moment, je suis en train de faire la version française de la comédie musicale " Tintin et le temple du soleil " créé en flamand à Anvers. Je fais la version française pour Charleroi et pour Paris.


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