Jean-Pierre Otte par L'équipe de CritiquesLibres.com, le 9 avril 2001

Jean Pierre Otte est né dans les Ardennes en 1949, installé sur le Grès de Calvignac, dans le Lot. Il aime la marche et le vin.


Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire ?
Tout d’abord, je n’ai pas l'impression d’écrire mes livres, mes livres s’écrivent à travers moi. Je fonctionne un peu comme un vigneron ou comme quelqu'un qui travaillerait avec un alambic. J'accumule un capital de vécu – d'observation dans le cadre de " l’Amour en forêt " – et puis ce capital se transforme, il passe dans un alambic, la vigne devient du vin, la vie devient de l’écriture, et moi au milieu de ce territoire qui est assez difficile à définir, je suis un petit artisan qui essaye que les choses se passent bien. Donc, je n’ai pas l'impression d’avoir jamais écrit aucun livre, ils s’écrivent d'eux-mêmes. Je crois que la vie doit être facile, l’écriture également, et quand ce n’est pas facile, il faut vivre d’avantage, vivre mieux et l'écriture devient facile.

Vous sembler être un amoureux de la nature ; on vous imagine bien, déjà tout-petit, dans les bois. Pouvez&vous nous raconter l’histoire de cet amour pour la nature ?
Ce livre a 40 ans et quelques mois d’écriture. Je suis un dilletante, un buissonnier, un promeneur. Je suis né dans une vallée d’Ardenne liégeoise, et mes oncles étaient des marchands de bois et engageaient beaucoup de bûcherons. Quand j'étais gosse, j’aimais la compagnie de ces bûcherons et beaucoup d'entre eux étaient en plus braconniers. Je ne fais pas l'apologie du braconnage, mais les braconniers de mon enfance, ce n'étaient pas les braconniers modernes avec des 4X4. Non, le braconnier de l’enfance, c'était observer la course de l'animal, ses arrêts, ses habitudes et puis placer le lacet au bon endroit.

Ce n'est pas de l’observation, ce sont les expériences de mon enfance. Tous ces gestes, je les ai retenus dans ma mémoire. J'ai retenu comment on capture une grive, comment on prend les écrevisses, etc.

Et puis progressivement, je me suis intéressé à d’autres animaux, et puis parfois j’allais dans les parcs animaliers, et le lieu où je vis en France est extrêmement sauvage, il y a des renards, des blaireaux… Pour mon équilibre, je fais une promenade de deux heures tous les jours dans les bois.

Un jour, je remarque qu'il y des excréments de Bécasse, je fais des enregistrements presque inconscients, et puis je sais qu’au mois de mars, ça va être la danse des mâles qui vont essayer de séduire les femelles, donc je vais choisir la pleine lune pour les voir.

Pendant une quarantaine d'années, c'est donc le fruit d'un capital d’observation et d'expériences, et puis mon livre, je l’ai écrit très vite.

Quel est le message que vous voulez faire passer, est-ce le fait qu'on ne doit pas oublier d’où l'on vient ou est-ce simplement pour nous montrer la beauté de la nature… ?
Je n’aime pas trop le mot message. Adam et éve me semblent être de trop proches parents. Donc je suis reparti au bord de l’océan, c'est " la Sexualité des fruits de mer ", la vie d’algues, des crustacés, de nos origines. Je pense que notre comportement humain est nourri, enrichi et parfois dévié de certains comportements végétaux et animaux. Je trouve qu’on a perdu des choses au cours de l’évolution, qui sont navrantes. Par exemple, l’hermaphrodisme. C’est quelque chose d’assez fascinant car si vous êtes pourvu doublement sexuellement, vous comprenez le plaisir de l’autre.

Et une autre chose qui se passe beaucoup dans le livre, dans le cas d’un couple monogame, ce sont les rites de reconquête. Donc chaque printemps, on vit ensemble, mais on veut revivre l’événement du coup de foudre, l'éblouissement premier. Donc il y a des rites de renouvellement, on recommence les jeux de poursuites, notamment chez les blaireaux, les chevreuils, les oiseaux. Je ne veux pas mettre de frontières entre les règnes animal, végétal, humain et éventuellement divin. Les choses sont liées, mêlées. Et puis, peut être qu'il y a des inspirations chez les animaux pour notre vie amoureuse. Vous savez, pour moi, Basic Instict, c'est quelque chose qui m'emmerde complètement. De voir Michael Douglas épingler Sharon Stone sur un bureau, ça me fatigue. Les animaux sont mieux que ça. La sexualité qui n'est pas investie par la sensualité, elle ne m'intéresse absolument pas.

Alors mon message, ce serait, regardez les animaux et vous aurez autre chose que Michael Douglas et Sharon Stone.

Une chose qui m'a étonnée, c’est qu'il n’y a pas d’homosexualité chez les animaux. En tout cas, ce n’est pas évoqué dans le livre ?
C'est vrai que je n'en parle pas mais je l’ai beaucoup observé chez les insectes. Si vous voulez, chez le renard et d'autres, il y a des relations homosexuelles à certains moments. Il n'y a pas de renard femelle ou mâle qui vont vivre ensemble. Mais les relations homosexuelles de mâle à mâle restent plus fréquentes que chez les femelles.

De quel animal, vous sentez-vous le plus proche ?
C'est celui dont je ne parle pas car je n'ai pas réussi à avoir ces amours, c'est la loutre. A cause de sa volupté.

Quel est le dernier livre que vous avez lu ?
J’ai re-lu du Balzac. J’ai lu le dernier livre de Jim Harrison, je me sens assez proche de lui au niveau de la nature. Mais j’aime beaucoup les classiques. Balzac, c'est un des rares écrivains passionnés.

Vous n’avez plus de gens passionnés, tandis que dans les observateurs, ils sont presque tous passionnés : les biologistes, les observateurs de terrain ; mais chez les écrivains, il n’y a plus de passionné, c'est une espèce en voie de disparition. Alors Balzac, je le lis parce que ça me fait plaisir.

Quels sont vos projets ?
Un Roman qui s'intitulera " Une femme pour mon ami ".


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