Michel PASTOUREAU par Agnes Figueras-Lenattier, le 11 mai 2021
Avant de commencer à parler des couleurs dans le tennis pourriez-vous expliquer ce qui vous a donné envie de devenir historien des couleurs?
Je viens d’une famille de peintres et du côté de ma mère, j’avais trois grands oncles artistes peintres. J’ai donc fréquenté les ateliers d’artistes quand j’étais petit garçon. Ce sont de très beaux terrains de jeux quand on est enfant. Et puis du côté de mon père, c’étaient ses amis qui étaient peintres. Aucun d’ailleurs n’arrivait à vivre de sa peinture mais là aussi c’étaient des terrains de jeux magnifiques. J’ai grandi dans la peinture et les couleurs m’intéressent depuis que je suis enfant. Devenu étudiant et historien, j’ai décidé d’en faire mon sujet de recherche.
Votre couleur préféré c’est le vert!
Oui, depuis que je suis tout petit, sans que je puisse dire réellement pourquoi. Mais c’est resté jusqu’à aujourd’hui. J’aime tous les verts spécialement les verts foncés. Une personne sur deux a le bleu comme couleur préféré et une sur cinq le vert. C’est la couleur qui vient en deuxième.
Scientifiquement, y a t-il eu des études sur l’influence des couleurs sur le cerveau?
Il y en a eu, mais c’est toujours assez fragile ou en tout cas c’est très culturel. Ce qui peut être valable pour l’Europe ne l’est pas tout à fait aux Etats-Unis et plus du tout en Asie ou en Afrique Noire. La couleur n’est pas universelle mais culturelle. On a cru remarquer en rugby par exemple qu’une équipe qui joue en rouge a dès le départ un certain avantage si elle affronte une équipe qui joue en bleu, le rouge contenant une espèce de forte agressivité. En revanche, ce n’est plus le cas si cette même équipe joue une équipe qui joue en noir comme la Nouvelle Zélande par exemple. Ce n’est pas absurde mais c’est un peu fragile comme explication d’autant que dans les sports d’équipe il y a toujours le problème de savoir qui reçoit, qui visite.
Au départ comment s’est décidé le choix des couleurs dans le tennis?
C’est une évolution de longue durée. Le tennis vient de loin, et les règles pour le tennis moderne se stabilisent à la fin du XIXè siècle. Le tennis est vraiment institué dans les années 80. Il ressemble tout à fait à celui d’aujourd’hui pour les règles mais il ne se joue que sur gazon. Il y a encore chez les britanniques des gens qui pensent que le tennis qui n’est pas sur gazon ce n’est pas du tennis. Il faudrait trouver un autre nom. Mais sur gazon, on peut pas jouer toute l’année, ça demande un entretien extraordinaire donc rapidement d’autres surfaces sont apparues notamment la terre battue un peu plus facile d’entretien quand elle est de qualité. Après il y a eu le tennis inodore sur des parquets et puis des matériaux plastifiés goudronnés. Quand j’étais enfant, on jouait souvent sur du goudron, le même que pour les routes. Le terrain était dessiné sur ces surfaces. On se faisait drôlement mal quand on tombait et comme manquait de souplesse on se tordait facilement la cheville.
Quel est la différence entre le tennis amateur et le tennis professionnel?
Dans le sport amateur, il faut distinguer le sport amateur organisé avec de petits règlements et des compétitions et puis le sport amateur de pur loisir. Là, on fait absolument ce que l’on veut à partir du moment où l’on n’abîme pas le terrain. On peut mettre tout ce que l’on veut sur soi. Quand on est amateur mais que l’on appartient à un petit club, il existe peu de correction demandée ou de respect des habitudes. Pour le sport professionnel, il existe beaucoup plus de règlements et de contraintes. Tout est organisé, légiféré, sinon c’est invivable.
Et pour les enfants?
C’est un sport magnifique pour les enfants. Ma fille cadette a eu un petit niveau quand elle était ado et pré ado et j’ai fait le chauffeur pour l’accompagner ici ou là pour des matches entre enfants. Il faut commencer tôt, et il faut absolument que l’enfant aime ça. Il ne faut surtout pas le forcer et que ce soit un plaisir. Que ça déborde un peu le simple fait de jouer. Que l’enfant s’intéresse au tennis des autres, des aînés et un peu à la mythologie de ce sport et à son histoire. Quand les enfants sont affiliés à un club, ils sont fiers de porter les couleurs de leur club si celui possède des couleurs emblématiques. Autrement, ils sont davantage habillés selon le goût des parents. Ça dépend quel âge ils ont. A l’adolescence, ils commencent à avoir des idées bien à eux et imitent souvent tel ou tel champion ou championne . Parfois au contraire, ils n’’imitent personne. Le goût personnel est plus affirmé et puis le paraître joue un rôle important. Quand on a un petit niveau convenable à 14,15 ans, évidemment la tenue compte, les accessoires aussi avec tel logo plutôt que tel autre. Tout cela m’échappe maintenant, mais je sais que cela existe. J’ignore quels sont les logos à la mode, et quelles marques de chaussure fonctionnent bien.
Vous avez pratiqué le tennis. Quels couleurs aimiez-vous porter lors de ces moments là?
Je suis d’une génération où l’on jouait en blanc. C’était assez rare que l’on porte une autre couleur sauf s’il faisait froid. On mettait alors un survêtement avec un pull bleu ciel ou bleu marine. Il n’y avait pas vraiment de règlement écrit pour le sport amateur si je puis dire mais c’était une tradition. Or le tennis est un sport de tradition, ce qui lui a permis de traverser des décennies. Même dans les petits clubs de stations balnéaires ou de vacances, l’usage était de jouer en blanc ou à dominante blanc. J’ai joué entre 1957 et 1980 environ et le double était en vogue à l’époque. Par exemple, dans les grandes compétitions, le double mixte avait davantage de prestige qu’aujourd’hui. Les Australiens et les Américains en étaient particulièrement friands. Quand mes filles ont commencé à me battre j’ai su que ma carrière était finie. Elles avaient 12,13 ans.
Vous avez également fait d’autres sports. Etait-ce toujours du blanc?
J’ai joué aussi au football et l’ on avait les contraintes des couleurs de l’équipe de football et le goal que j’étais devait se distinguer de ses camarades pour être reconnaissable. C’est encore le cas à l’heure actuelle. Pendant 7 ans bizarrement, nous avons joué en noir et blanc, les couleurs du lycée. Puis en classe préparatoire au lycée Henri IV, c’était jaune et noir. J’étais gardien de but de l’équipe de handball , et puis je faisais de l’athlétisme au PUC. Là c’était violet et blanc , les couleurs traditionnelles du PUC pendant plus d’un siècle.
Concernant les balles, elles étaient blanches au départ!
Je me souviens des polémiques avec les balles au milieu des années 70 pour des raisons télévisuelles. Les balles blanches ont commencé à devenir jaunes et la plupart des joueurs et joueuses étaient contre. Borg par exemple qui ne disait jamais rien s’est mis à parler. Il était assez hostile au jaune, ce qui implique qu’aujourdh’ui encore les balles blanches sont tou à fait acceptées et acceptables. On peut jouer à Roland Garros avec des balles blanches. C’est pareil pour les femmes, et il n’’existe pas beaucoup de différence entre les deux sexes. Sauf à un moment donné pour les prix accordés aux femmes qui étaient vraiment désavantagées. On pensait que certaines tenues convenaient mieux aux dames pas tellement pour des questions de décence, de peau nue, mais de transpiration qui apparaissait davantage sur le blanc. Dans les années 20,30 le fait de transpirer n’était pas absolument indécent pour un homme mais desservait la femme et mieux valait ne pas la voir transpirer. Tout ceci est un peu dépassé à l’heure actuelle, mais c’était encore un peu ainsi lorsque j’étais petit garçon.
Pour le tournoi de Winbledon c’était un des arguments en faveur du blanc!
Oui. Actuellement, le blanc n’est pas obligatoire, mais il doit y avoir une dominante blanche. De la tenue du joueur ou de la joueuse devait émaner un contraste coloré avec la couleur de la surface. Ça reste un principe mais ce n’est pas une règle absolue. Si le sol est foncé, il est préférable de jouer en clair. Si au contraire le sol est clair, la couleur saturée est plus adaptée. Au début, en compétition, le blanc était la couleur imposée pat l’hygiène. Il n’y avait pas de machine à laver et comme on se salissait beaucoup en sport, il fallait faire bouillir le linge et le blanc était de mise. car la couleur ne tenait pas. Tous les vêtements étaient blancs, ainsi que toutes les tenues de sport. La machine à laver a changé pas mal de choses aussi. Quand j’étais enfants, on jouait tous en coton. Puis les tissus synthétiques se sont imposés..
Quelle a été l’évolution des couleurs pour les tournois du Grand Chelem?
Maintenant, les équipementiers ont pris les choses en main et l’on voit tout et n’importe quoi si je puis m’exprimer ainsi. Une liberté totale régnait même si des hurlements survenaient lorsque Vénus ou Séréna Williams se présentaient en combinaison. Non pas que leurs tenues étaient indécentes, mais plutôt inhabituelles. Le tennis est vraiment un sport de tradition et ce qui va à son encontre est censé nuire au tennis. Ce sport tient surtout à cause de ses traditions et c’est pour cette raison que les nouveaux sports ont beaucoup de mal à se faire une place. Un sport se doit d’être ancien et s’il est ancien il a du mal à émerger aux Jeux Olympiques ou ailleurs. En ski par exemple, on a multiplié les disciplines . Par exemple, le ski alpin avec la descente, , le géant, le slalom ça va mais les autres formes de ski ont du mal à percer. Les titres n’ont pas la même valeur, et être champion olympique dans des disciplines tout à fait récentes n’a pas beaucoup d’impact au niveau du grand public. Aux Etats Unis quand l’Open était encore à Forest Hills, on a vu un peu de couleur apparaître aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Ce n’était pas un logo, mais les couleurs de la marque étaient représentées. Puis à partir des années 1980, on a vu Agassi porter des tenues volontairement provocantes. Des shorts en jean déchirés etc mais ça n’ a pas apporté grand chose au tennis. On est revenu un peu en arrière et une période un peu hippie est apparue et a progressivement gagné du terrain. Cela a d’abord consisté en un tee-shirt tout blanc avec le bord des manches bleu marine puis le bas du tee-shirt , puis le bleu marine a tout envahi. Sont apparues des couleurs sages et assez respectées dans le monde du tennis avant que ça ne devienne le bariolage complet. Il y a eu le blanc, puis le bleu ciel et blanc, le bleu marine et blanc puis le vert et blanc. Toujours blanc plus une couleur. Puis une couleur acceptée et une couleur raisonnable en quelque sorte. Puis le bariolage complet avec des vêtements extravagants comme des shorts à carreau, des shorts léopard. Seul Winbledon résiste un peu. Ce n’est pas tant les joueurs d’ailleurs qui sont demandeurs d’une grande variété de tenues, ce sont leurs équipementiers. De même que dans les sports d’équipe, il y a toujours des problèmes non pas pour les maillots mais souvent pour les chaussures. Il y a des rivalités incroyables entre les marques de chaussures. Concernant la Coupe Davis et la Fed Cup il y aussi quelques règles puisque c’est par équipe nationale. Les joueurs sont obligés de porter une tenue choisie par leur fédération et qui évoque plus ou moins les couleurs du drapeau du pays concerné. . Cette tenue varie à chaque édition de l’un ou l’autre événement. Mais là l’équipementier habituel ne joue plus aucun rôle. C ’est l’équipementier de la fédération qui prend la place.
Pour Roland Garros, la répartition des couleurs ça dépend des partenaires!
Oui des équipementiers selon que ce soit chez Adidas, Lacoste ou autres. Chaque année, cela change et le contrat passé avec telle ou telle marque plutôt qu’avec telle autre est important. La couleur ne fait pas logo, et il n’y a pas vraiment de couleur emblématique comme il peut y en avoir dans d’autres domaines. En tout cas, le crocodile Lacoste restera toujours vert mais les vêtements prendront toutes sortes de teintes.
Il ya des modes!
Oui avec aussi la volonté de se distinguer du concurrent et des enjeux économiques derrière qui nous échappent. Des couleurs excentriques ou inhabituelles apparaissant parfois mais ça ne dure pas car le succès n’est pas au rendez-vous. Le monde du tennis en général reste assez attaché à une certaine forme de sagesse et s’autorise des transgressions de temps à autre. Si la marque Adidas entend dire que Lacoste l’année prochaine va lancer des maillots avec beaucoup de rouge, elle va faire exprès d’imposer le bleu pour se distinguer. Est-ce qu’il y a des accords entre les marques, je ne saurais vous dire. Mais c’est très important pour eux car à partir de la tenue d’un champion ou d’une championne se déclinent toutes sortes de vêtements sportswear’s qui vont être vendus par millions d’exemplaires dans le monde entier. Il ne faut donc pas faire de bêtises et c’est pour cela que l’excentricité se vend mal.. La plupart des gens acceptent une certaine fantaisie mais sans trop d’excès quand même.
Pensez-vous que les marques calculent si le joueur (joueuse) est un attaquant ou un renvoyeur?
J’ignore si cela rentre en ligne de compte ou pas. Pour les marques, ce qui compte c’est de vendre beaucoup d’exemplaires des tenues. D’ailleurs y a t-il encore des attaquants dans le tennis, je me demande. Comparé à l’époque de mon adolescence; il y en a de moins en moins. Mon honnêteté m’oblige à le reconnaître, mais c’est pareil partout. En football, on marquait beaucoup plus de buts que de nos jours. Le score le plus fréquent aujourd’hui c’est 1 à zéro. Or quand j’avais 15 ans, 4 à 3 , 5 à 4 c’était fréquent. En tennis c’est pareil, service volée on ne voit plus tellement.
Quelle est la marque qui rencontre le plus de succès au niveau de la couleur?
Je pense que lorsque l’on a une marque trop répandue, elle se fait du tort à elle-même car elle fait un peu plouf, et déploie une image assez vulgaire. Donc Adidas, Nike, Reebook sont moins chics que Lacoste. En matière de raquette par exemple, Wilson est mieux qu’Adidas.
Profitons-en pour évoquer l’histoire de la marque Lacoste! Le logo est-il toujours vert?
Il existe deux traditions sur l’histoire du crocodile Lacoste. Lacoste a été un très grand joueur , mais pas un attaquant. Il renvoyait tout, ne lâchait rien et on disait que son s’assimilait aux mâchoires d’un crocodile qui s’accrochait, s’accrochait. Il n’y avait pas moyen de le faire décrocher et c’est vrai que lorsque l’on analyse les scores, Lacoste va fréquemment au 5ème set. A l’époque, il n’y avait pas de tie-break ce qui impliquait des scores astronomiques et le surnom de crocodile lui a été donné alors même qu’il était encore joueur. Quand il est devenu homme d’affaires, créateur de vêtements et de sport, il en a fait intelligemment son logo, devenu l’un des plus célèbres au monde. Pas la peine d’écrire Lacoste en dessous lorsque la réputation est là. En plus, c’est un animal, ce qui est encore mieux. Une autre tradition mais moins répandue raconte l’histoire d’une valise en crocodile très chère que l’entraîneur de la Coupe Davis au début des années 30 avait promis à Lacoste s’il remportait son match. Il était amateur à l’époque, et il aurait gagné cette valise. Je crois que le surnom de crocodile lui convient lui qui ramenait tout. Il a créé sa firme de vêtements et c’est une des plus belles histoires de reconversion du sport. En plus, sa fille a été une grande championne de golf et lui-même a été à Roland Garros jusqu’à un âge très avancé. Mais il avait une sorte de maladie qui faisait qu’il avait toujours froid. On le repérait facilement car la plupart du temps lors des finales il fait chaud et il avait quasiment un manteau de fourrure.
Le bleu marine est une des couleurs les plus demandées chez Lacoste!
D’une manière générale c’est la couleur la plus portée pour le vêtement en Occident en tout cas. Ce n’est pas le noir et pour les polos et les tenues de sportswear, c’est le polo bleu marine car c’est le plus passe-partout, le plus facile à marier avec le reste. Aussi bien pour les hommes que pour les femmes.
Quelle était la première couleur de la chemise ?
Blanche. Actuellement, il y a beaucoup de coloris et l’on n’arrive plus à mettre un nom dessus. Mais elles ne sont pas toutes disponibles en même temps. Il y en a que l’on ne retrouve plus aujourd’hui et de nouvelles teintes apparaissent. On cherche à diversifier. Les goûts n’étaient pas les mêmes selon les marchés asiatiques, américains ou européens et certaines gammes se vendent mieux en Europe, d’autres en Asie. Mais pour ne pas tomber dans la routine, les décideurs de chez Lacoste changent régulièrement les nuances. Bien sûr il y aura toujours du rouge, du jaune, du vert mais tous les deux, trois ans on change la nuance de bleu, de rose pour renouveler et attirer l’oeil.
Avez-vous vous-même une chemise Lacoste?
J’en ai eu, je n’en ai plus. Je ne sais pas pour les femmes, mais il faut reconnaître que pour les hommes c’est très mal coupé. Je ne comprends pas pourquoi les manches sont si courtes et si resserrées. Il y a quelque chose qui ne va pas aux manches ou alors c’est moi qui par goût quand j’ai des manches, souhaite qu’elles ne soient pas trop courtes et aillent jusqu’au coude. Mais à moins d’être très mince ça ne fait pas une jolie silhouette. Au niveau du col aussi, il y a comme une sorte de défaut. Je n’ai jamais aimé beaucoup ces chemises mais lorsque j’étais adolescent dans mon milieu, les classes moyennes on était tous habillés pareil. Un jean, une chemise Lacoste et un pull bleu marine.
Pensez-vous que c’est étudié lorsque les joueurs ou joueuses mettent telle ou telle tenue?
Eux-mêmes ne sont pas libres pour les compétitions de s’habiller comme ils l’entendent puisqu’ils sont sous contrat. Ils doivent porter tel short, tel tee-shirt. On le voit bien d’ailleurs quand en cours de partie aux changements de côté, ils changent de maillot et reprennent le même. Ils en ont 5 ou 6 à disposition de la même taille et avec le même dessin.
Par exemple quand Kuerten vainqueur 3 fois de Roland Garros a arboré des tee-shirts orange qu’avait-il comme idée selon vous?
Il a porté une couleur inhabituelle sur un terrain de tennis. De l’orangé, une couleur peu tennistique. En plus à Roland Garros sur terre battue; ça s’accorde très mal; ça jure. L’orangé et la couleur rouge brique ça fait bizarre. Il a expliqué é qu’il était sud américain et qu’en Amérique du Sud l’orangé se voyait beaucoup dans la vie quotidienne et qu’il n’avait pas le même statut qu’en Europe. Ce qui ’était vrai d’ailleurs. Du coup, cela a fait naître une petite mythologie Kuerten. Mais ça n’a pas suffi pour lancer la mode de l’orangé qui est quand même assez difficile à porte en sport.
Et Agassi quand il a mis ses jeans?
C’était pour provoquer. Agassi aimait transgresser et quand il était jeune il portait des cheveux très très longs. Il n’était pas d’une propreté extraordinaire et il portait des tenues quelque peu hippies. Son équipementier jouait sûrement là-dessus. C’était tout à fait nouveau dans le tennis. Il y a des gens qui ont hurlé « Je n’ai jamais vu ça, ça devrait être interdit. » Il n’avait pas 20 ans, c’était un gamin. Ce n’était pas très habituel dans le tennis européen et australien, c’était plutôt américain. C’est assez amusant parce qu’avec l’âge, il est devenu extrêmement propre. Il s’est fait raser le crâne et est devenu connu pour son élégance.
Pour celui qui est en face quel effet cela produisait-il?
Quelques joueurs se sont plaints de la couleur portée par leur adversaire, notamment quand le soleil tape très fort. Il ya des couleurs qui renforcent le côté aveuglant de la lumière. comme les couleurs vives. De ce fait, les couleurs neutres passent en général pour plus sportives. C’est la raison pour laquelle lorsque l’on joue la couleur on joue la bichromie blanc plus une couleur. Les équipementiers c’est blanc et rouge, blanc et bleu, blanc et vert, blanc et noir. Quelqu’un qui joue entièrement en orangé déja ça a l’air excentrique et ensuite ça peut gêner l’adversaire.
Vous disiez que le joueur devait mettre telle ou telle tenue. Mais il a quand même le choix entre quelques tenues!
Oui, il a 4,5 tenues dans lesquelles il doit puiser. C’est vrai pour les sports d’équipe aussi. Une équipe un peu importante dans un sport professionnel a toujours 3,4 possibilités de tenue selon les couleurs de l’adversaire, selon s’il fait chaud ou froid. Les superstitions jouent un rôle aussi et un sportif ne remettra pas forcément telle tenue avec laquelle il a perdu. C’est la même chose pour les sports d’équipe. Une équipe qui a un peu de prestige dans un sport professionnel a toujours 3,4 possibilités de tenue selon les couleurs de l’adversaire, selon la météo, les superstitions et ses différents résultats.
Federer avait ralé lorsque les dirigeants du All England Lawn Tennis en 2019 l’ont sommé de changer de chaussures dont la semelle était orange. !
Ce n’est pas un problème de couleur, c’est un problème de crampon, de type de semelle qui abîme certaine surface ou qui donne un avantage aux joueurs par rapport aux autres qui n’en sont pas dotés. On accuse l’apparence, mais ce n’est pas le vrai problème. . C’est le fait de l’accorder à un joueur et pas à un autre. Je me rappelle les cordages dans les années 70 lorsque les raquettes se sont agrandies de manière illimitée avant que chacun ne puisse prendre une raquette à son idée. Elles étaient beaucoup plus petites quand je jouais au tennis, en bois et petit tamis comme on dirait aujourd’hui. Très petit tamis comparé à maintenant. Je crois que je ne pourrai pas jouer avec une raquette grand tamis. En tout cas, lorsque mes filles sont devenues plus fortes que moi, j’ai compris que ma carrière était finie. Elles avaient 12,13 ans.
Les joueurs qui jouent en double, pensez-vous qu’ils se consultent avant d’entrer sur le court?
Oui et non car là aussi ils ont des obligations individuelles par rapport à leur équipementier et il se peut très bien qu’ils forment une paire avec deux équipementiers différents. C’est très fréquent qu’en début de tournoi un joueur soit délaissé par son partenaire et prenne quelqu’un de disponible qui veuille bien jouer avec lui. Ils ne se sont donc pas consultés auparavant. Ils ont peut-être des liens amicaux, mais ils peuvent être tout à fait disparates sur le terrain en matière de tenue. Pareil d’ailleurs pour les deux en face. Que ce soit un double homme, dame ou mixte. Pour les vainqueurs, il y a à la aussi quelques superstitions mais il y a toujours une dominante blanche. Si vous regardez bien les joueurs dans les tournois du Grand Chelem c’est rare qu’ils ne portent pas du blanc quelque part en plus de la couleur.
Le noir n’a jamais triomphé en tennis?
C’est difficile d’imposer le noir sur un terrain pour des raisons de tradition, de visibilité. Les gestes se voient moins bien. Par exemple, j’aime beaucoup regarder le tennis féminin car les gestes sont davantage décomposés pour le spectateur. Si les joueuses étaient toutes en noir ce serait moins perceptible qu’en blanc.
Quelles sont les couleurs que vous aimez chez un joueur ou une joueuse?
Des couleurs claires. Si c’est sur terre battue que ça fasse un contraste avec la couleur du terrain. C’est cela qui me semble important. Un joueur ou une joueuse qui aurait un polo , un short ou une robe rouge brique ça n’irait pas. Il doit vraiment y avoir un contraste avec le sol quelque soit sa couleur. Donc, si c’est de la terre battue traditionnelle , le blanc, le bleu ciel, le jaune se voient mieux que les couleurs foncées. Sur gazon c’est important aussi. J’ai lu récemment que la reine d’Angleterre quand elle va aux courses où à un match de polo ne s’habille jamais en vert. Il faut qu’on la repère, donc pas de vert sur un terrain où le vert est très présent. J’ai longtemps beaucoup admiré Rosewall. Il n’a jamais gagné Winbledon et a été finaliste en 54 et 74 à 20 ans d’intervalle. Je m’élève contre une idée qui circule qui dit qu’avec Djokovic, Nadal, Federer et quelques autres joueurs jamais le tennis n’a eu autant de grands champions. Ça n’est absolument pas vrai. Dans les années 50 et 60, le nombre de grands champions du même âge était beaucoup plus grand et les compétitions bien plus acharnées qu’aujourd’hui. Ceci y compris dès les 8ème de finale. Ce n’était pas comme aujourd’hui où les 4 meilleurs se retrouvent systématiquement en finale.
Au niveau des spectateurs comment se passe le rapport avec les couleurs?
Il existe une démocratisation du public et une variété de classe sociale plus importante qu’autrefois avec une impression bien plus colorée que quand j’étais jeune. Le tennis n’était pas vraiment un sport snob mais disons de classe sociale un peu aisée aussi bien sur le terrain que dans les tribunes. Surtout lorsqu’il faisait beau l’été , on voyait beaucoup de blanc dans les tribunes avec des tenues relativement sobres avant que ça ne devienne bariolé. A un moment donné, les Etats-unis étaient en avance sur le reste du monde au niveau des couleurs, du bruit. Un garde tournoi pouvait être assimilé à un grand tournoi. C’était comme une messe, on n’entendait rien. Avec la circulation, les pop corns c’tait tout à fait autre chose.
Analysons le court. Il y a d’abord le filet, puis l’arbitre!
`Il est règlementé et doit être foncé avec une bande blanche. On ne dit pas noir, mais les règlements disent bien qu’il doit être foncé. Hauteur 91 cm, tout ça est bien précisé. Rien n’est stipulé pour l’arbitre mais le bon usage veut qu’il ait une tenue qui fait que d’une part on le distingue des joueurs et d’autre part qu’il y ait quelque chose qui souligne non seulement sa place sur la chaise mais aussi lorsqu’il descend voir une trace de balle etc… Mais pas d’autre règle.
Il paraîtrait à ce sujet peut-être pas dans le tennis que les arbitres seraient plus sévères avec des sportifs portant telle ou telle couleur!
Je n’y crois pas beaucoup. En revanche inversement, je crois beaucoup que les arbitres qui étaient en noir pour des raisons télévisées et qui ont laissé tomber cette couleur pour porter des couleurs ont perdu une grande partie de leur autorité. Sur un terrain de rugby, c’est vrai que quand on voit un arbitre habillé en jaune ou en rose il a l’air moins sévère que s’il était vêtu de noir. Ça marche un peu de cette manière. Le monde des arbitres est un monde mystérieux. Comment dans un sport d’équipe et même individuel un arbitre peut-il être totalement neutre? C’est un mystère. Ce serait étonnant qu’il n’ait pas une petite préférence pour tel ou tel joueur. Il n’est pas tout seul, il y a les juges de ligne, le public. Mais il a un rôle important et il doit se montrer le plus neutre possible. Ce n’était pas toujours facile dans ma génération mais ça doit être la même chose maintenant. Dans le tennis complètement amateur, ce n’est pas rare que deux joueurs aient un arbitre. Est-il complètement impartial? On ne fait que s’amuser, il n’y a pas d’enjeu mais quand même… Les ramasseurs, les ramasseuses? Ils doivent être habillés pareil. Je ne sais pas qui choisit mais en général c’est l’organisateur du tournoi pour les Grands Chlems. Les ramasseurs si possible doivent porter une tenue que les joueurs ne porteront jamais afin qu’aucune confusion ne puisse survenir.
Au niveau des couleurs concernant les retransmissions télévisées comment cela a t’-il évolué?
La télé a joué un grand rôle au niveau des changements. Pas seulement dans le tennis mais dans tout le sport en général. Pour des questions de visibilité, ce qui était bien visible en noir et blanc l’était moins en couleur. Il a fallu changer certaines choses , certains contrastes. En football par exemple, la séance de tir au but s’est imposé par la télévision pour que le match ne dure pas trop longtemps. Quand j’étais moins jeune, ce n’était pas rare qu’un match nul soit rejoué deux jours après, le nombre de fois qu’il fallait. Quand j’avais 20, 25 ans il y avait encore des gens qui disaient qu’à partir du moment où le sport était télévisé, ça n’était plus du sport. Quand des nouveautés se mettent en place, il y a toujours d’un côté des résistances et de l’autre côté des partisans des nouveautés quelles qu’elles soient.
Pour finir, si vous aviez du être un joueur de tennis qui auriez-vous aimé être?
Rod Laver avec ses deux grands Chlems..