Roger Caratini par Jules, le 28 février 2001

Roger Caratini est Philosophe des Sciences, maître d’Ïuvre de l'Encyclopédie Bordas en 23 volumes et d’une initiation à la philosophie, parue chez " L’Archipel ". Il a également écrit les biographies de Mahomet, d'Alexandre le Grand et de Jeanne d'Arc.

Beaucoup de livres ont été écrits sur Jésus. Je suppose que vous l’avez fait avec l'idée d’apporter quelque chose de différent. Puis-je vous demander quoi ?
En effet, des biographies sur Jésus il y en a tant et plus. Je n’avais donc pas envie d'en faire une autre. Des études sur les évangiles ne manquent pas non plus et je ne souhaitais pas en faire une de plus. Or on m'avait demandé de faire cet ouvrage. J'ai alors décidé de prendre le problème par un autre bout : j’ai décidé de mettre cette histoire en scène. J'ai alors créé le personnage de Marcellus, le Romain envoyé par Auguste pour lui faire un rapport sur la situation en Judée. Comme il lui fallait un interlocuteur, j’ai aussi créé celui de Hiram le Phénicien. Bien sûr, il me fallait une chronologie aussi pour raconter l'histoire.

C’est une des difficultés que vous avez dû rencontrer car, comme vous le dites dans le livre, aucun document n'existe datant de l’époque de la vie de Jésus. Cela doit être gênant pour un historien ou un biographe.
C’est exact, mais on est quasiment certain de sa date de naissance, soit moins quatre de notre ère et de la date de sa mort, que l'on situe à la date de la Pâques Juives en l'an 29 de notre ère. À partir de là, il y a moyen de créer une chronologie, sachant qu'il a fait tout ce qu’il y avait d'important sur les deux dernières années de sa vie. Les évangiles ont été écrits au moins trente ans après sa mort. S’ils se recoupent plus ou moins, ce n'est cependant pas toujours le cas. Ils diffèrent aussi parfois par la chronologie. Enfin, il ne faut pas oublier qu'ils ont été écrits par des gens désireux de le glorifier, ce qui n’est pas le meilleur gage d'objectivité. Une véritable religion basée sur ses dires ne se fera qu'avec Saint Paul, donc bien plus tard encore. J’ai donc fait une sorte de " roman " de ce que l’on peut raisonnablement estimer avoir été la vie de Jésus.

Au début de votre livre, vous nous montrez un peuple juif qui est un peu une pagaille d'avis divergents sur le plan religieux et qui discute pour le moins beaucoup.
C’est vrai, mais la situation était celle-là. Ils étaient très loin de s'entendre sur les interprétations des textes religieux et les nombreux " prophètes " n'arrangeaient rien. Ceux-ci prêchaient différents types d’Apocalypses en disant chaque fois que le peuple d’Isra‘l était dans le péché, que rien n'allait selon les lois de Jahvé et que la fin du monde était proche. Elle permettrait à un Messie de venir remettre de l'ordre dans tout cela et de créer une vie meilleure.

Par exemple, tout était loin d'aller bien entre deux grandes catégories de Juifs, à savoir les Pharisiens et les Samaritains entre autres. J'ai lu que vous faisiez dire à Hiram que pour un Pharisien accepter un bout de pain d’un Samaritain c’était pire que de manger du porc !.
Ils s’opposaient en effet sur un aspect important des textes. Pour un Pharisien, il y aurait un jour une résurrection, mais elle serait limitée aux élus. Les autres ne quitteraient pas le " sheol " qui est un lieu où les âmes errent en poussière. Un rabin fait aussi remarquer que le Saint Livre ne fait jamais allusion aux Samaritains. Pour les Samaritains, qui ne reconnaissent que la Tora, après de grandes catastrophes et l’arrivée d’un Messie, tous revivraient et il y aurait un jugement. Après ce jugement, les justes revivront et les méchants retourneront dans le " Sheol ". Un autre monde, juste, commencerait alors.

Jésus, lui, est éloigné des deux positions, selon ses prêches.
Ils s'opposaient en effet sur un aspect important des textes. Pour un Pharisien, il y aurait un jour une résurrection, mais elle serait limitée aux élus. Les autres ne quitteraient pas le " sheol " qui est un lieu où les âmes errent en poussière. Un rabin fait aussi remarquer que le Saint Livre ne fait jamais allusion aux Samaritains. Pour les Samaritains, qui ne reconnaissent que la Tora, après de grandes catastrophes et l'arrivée d'un Messie, tous revivraient et il y aurait un jugement. Après ce jugement, les justes revivront et les méchants retourneront dans le " Sheol ". Un autre monde, juste, commencerait alors.

Jésus, lui, est éloigné des deux positions, selon ses prêches.
En effet, et il diverge très fort sur d’autres points aussi. D'abord, et c'est essentiel, il déclare parler pour tous les hommes de l’univers et non pas pour les seuls Juifs. C'est une différence énorme puisque pour les Juifs ils sont le peuple élu et donc les seuls concernés par Jahvé, le Dieu unique. En plus, Jésus déclare parler au nom d'un Dieu d'amour et non sévère et intransigeant comme Jahvé. Il prêche " aimez-vous les uns les autres " comme lui aime ceux qui l'entourent. Et comme il représente son Père, celui-ci aime aussi les hommes qu'il aime. Tous les hommes seront ressuscités et ils seront jugés par un Dieu d'" amour " qui pardonnera à ceux qui l'auront aimé et se seront vraiment repentis de leurs fautes. En prêchant cette thèse, Jésus ne pouvait que rassurer les hommes qui ont la mort pour principale peur.

Jésus est arrêté par des représentants du Sanhédrin et de Caïphe, le grand prêtre, mais aidé par des Romains. Pourquoi les Romains se sont-ils mêlés de cela ?
Parce que Caïphe a présenté Jésus comme étant aussi un agitateur politique. Il a prétendu que Jésus ne se contenterait pas de créer une nouvelle secte, mais qu'il voulait aussi devenir le nouveau roi des Juifs. Or les Romains veulent avant tout la paix sur ce territoire. Il faut ici tenir compte d’un aspect géostratégique du problème. A cette époque, l’empire Persan avait retrouvé une certaine puissance et s'opposait à Rome. Le peuple romain ne mangeait que du pain et pour le pain, il faut du blé. Or Rome ne produit pas de blé, il vient essentiellement d’égypte. Une rupture d’approvisionnement du blé d'.gypte condamne les Romains à la faim ! Des pirates avaient déjà provoqué une famine en coupant le passage aux Romains en Méditerranée. La terre d’Isra‘l était un passage obligé pour les Perses vers l’égypte. Rome voulait donc la paix en Israîl et y assurer sa domination. Il ne fallait donc pas que Jésus sème le trouble parmi la population de ce territoire.

On sent aussi que Caïphe ne veut pas être seul à condamner Jésus.
Pour deux raisons. La première est que Jésus était assez populaire parmi le petit peuple et que l’on craignait une réaction de ces gens-là en cas de condamnation de celui-ci. La seconde est que Jésus ayant étant condamné pour blasphème, c'était la peine de mort qui était applicable. Mais seul le jugement de Rome permettait de mettre à mort. Le Sanhédrin, pour exécuter sa sentence, avait donc besoin d’une condamnation par le représentant de Rome.

De toute façon, Jésus se comportait comme s'il cherchait la mort, même si, à une ou deux reprises, il a semblé la craindre.
Il doit mourir puisque c’est sa mort seule qui va racheter le péché originel. À partir du rachat de ce péché par la mort de Jésus, chaque homme est racheté et peut donc, en menant une vie selon les préceptes d'amour de Jésus et dans la croyance en lui et en son Père, accéder à son Royaume. D’ailleurs il agit comme si l’histoire était écrite d’avance : il sait que Judas va le trahir et le houspille même sèchement quand il vient à lui en lui disant : " Fais ce que tu as à faire. " Il sait qu’il va souffrir pour le rachat du péché des hommes, que c'est nécessaire, pour qu'il puisse ressusciter. C’est par cet ensemble qu’il va aussi asseoir la croyance en lui comme fils de Dieu.

On comprend mieux, après la lecture de votre livre, pourquoi Jésus a réussi à créer une nouvelle religion. C'est une religion qui est davantage tournée vers l'amour et qui promet la résurrection pour tous. En outre, le jugement dernier sera fait par un dieu d’amour et non un Dieu sévère…
Tout à fait !. Mais il faudra attendre Saint Paul pour que tout cela soit structuré en une véritable philosophie capable de traverser le temps et les frontières.


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