Jeune homme, vous ne savez pas de quoi vous parlez de Georges-Marc Benamou
Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire
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Mitterrand et ses juifs
“Notez tout et dites-leur que je ne suis pas le diable." Le journaliste-écrivain Georges-Marc Benamou a retenu cette injonction de Mitterrand (décembre 1994).
Ni historien, ni investigateur, seulement témoin. Ce livre relate les conversations lorsque les deux hommes se promenaient dans les rues de Paris, bavardaient à l’Elysée ou dans les restaurants. Benamou était devenu, pour un temps, le favori du Président comme l’avaient été F.O Giesbert, Jean-Edern Hallier, Serge July, Régis Debray, Eric Orsenna sans oublier Jacques Attali, qui devait colporter dans Paris au sujet de son président : “ Et dire que pendant des années, j'ai été le collaborateur d'un collaborateur."
Ce livre est donc le fruit de rencontres, de conversations qui se sont étalées de l'été 1992 jusqu’aux dernières séances de travail du 12 octobre et du 28 novembre 1995.
Georges-Marc Benamou a été rédacteur en chef du Globe, le "magazine de la gauche caviar", un must,sensé préparer la seconde réélection du Président, avec une brochette d'écrivains journalistes-polémistes de talent. Il fut fondé notamment avec l’aide de Pierre Bergé, fervent mitterrandien. Benamou a été rédacteur en chef de L’Evénement du Jeudi, et est collaborateur de Nice Matin.
Entre autres choses, le Président Mitterrand était désireux de mettre les choses au point en ce qui concerne le temps passé à Vichy, la francisque obtenue pour “couvrirî son entrée dans la Résistance, les rapports personnels et sa fidélité à Bousquet, son arrivée à Londres en 1943 et bien d'autres explications.
Les confidences du Président ne sont pas banales; par exemple, il désigne ses ennemis (printemps 94) : “ le quotidien Le Monde, qui trouve toujours un meilleur angle pour l'attaquer, Chirac qui ne supportait plus son oisiveté forcée, les intellectuels pour qui il incarnait la figure du diable, les juges d'instruction, Thierry Jean-Pierre en tête, qui voulait se payer un président de la République, toutes les polices qui surveillaient jour et nuit ses faits et gestes et ceux de ses proches, sans doute Mazarine et sa mère, sans oublier ceux des Juifs qui avec Serge Klarsfeld, poursuivaient leur travail de mémoire "sur mon dos."
A cette époque, il avait prévu de se rendre au musée-mémorial d’Izieu, dédié au souvenir des enfants et adultes juifs qui avaient trouvé refuge dans ce village d'où ils furent déportés à Auschwitz. Klarsfeld, bête noire de Mitterrand, était souvent appuyé par le Betar (la droite juive, certains disent l'aile dite extrémiste des juifs de France), et par le CRIF, deux "mouvements" ou institutions mis dans le même sac malgré la géographie complexe de la communauté juive française. Klarsfeld, (qui estimait que l'on ne peut plus parler de lobby juif depuis l'holocauste) finit enfin par obtenir , après la manifestation anti-Mitterrand du 16 juillet 1992, l'instauration d’une journée commémorative annuelle (en juillet) des persécutions racistes et anti-sémites commises sous l’autorité de fait dite
“gouvernement de l’Etat français" (1940-1944), (décret du 3 février 1993).
D'après l'auteur de l'ouvrage, Klarsfeld souhaitait aussi que la France demande pardon, qu'elle s'agenouille comme l'Allemagne l'avait fait avec Willy Brandt au ghetto de Varsovie et qu’elle reconnaisse sa culpabilité dans la déportation des Juifs. Mitterrand refusa en affirmant " qu'il ne voyait pas pourquoi la France devrait s'excuser de crimes dans lesquels elle n’a rien à voir collectivement, des crimes commis par des minorités actives complices des Allemands. La France de l'époque, aurait poursuivi le Président français, c’était des millions de braves gens, paumés, patriotes et anti-allemands. Pas des antisémites." L’action opiniâtre des Klarsfeld
et consorts allait néanmoins être concrétisée le 16 juillet 1995 lorsque le Président Chirac reconnut les fautes commises par l’Etat dans la déportation des Juifs de France et l'existence d'une dette imprescriptible à leur égard.
Mitterrand n’a jamais été antisémite (“il est beaucoup plus juif que la plupart des juifs qui l'entourent", disait Jacques Attali). On lui reproche d’avoir aimé Vichy, d’y avoir vu beaucoup de monde, se montrant ambitieux et séduisant (il avait 25 ans), d'avoir admiré la prestance du Maréchal Pétain "Quel vieillard magnifique . Quelle allure, stature, charme, charisme, prestige, maintien (...)". Le “lâchage " des Juifs à son égard (à part des amis fidèles comme Robert Badinter et quelques autres) l'ulcéra : " puisque je suis leur ami, ils peuvent tout se permettre." Et Mitterrand d'évoquer souvent le général de Gaulle qui crut devoir en son temps affronter la stupéfaction et la colère des Juifs en évoquant î le fameux peuple sûr de soi, dominateurÓ, etc., de Gaulle que les Juifs n'osèrent attaquer.
Il est difficile d'imaginer que Georges-Marc Benamou ait inventé purement et simplement les propos qu’il attribue à son interlocuteur. Et pourtant, des personnalités comme Jean-Louis Bianco,Jean Lacouture, Edmonde Charles-Roux , Rousselet ,etc., se sont déclarées extrêmement choquées par ce livre : “ Pour vendre, il faut faire scandale. " Et d’accuser Benamou d’avoir trahi la confiance de son confident alors que de son vivant, "il n’était que flatteries, courbettes et servilité..."
Un livre à lire par les amateurs d’histoire française contemporaine, en gardant l'esprit critique, tout de même.
Les éditions
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"Jeune homme, vous ne savez pas de quoi vous parlez" [Texte imprimé] Georges-Marc Benamou
de Benamou, Georges-Marc
Plon
ISBN : 9782259187268 ; 1,98 € ; 30/03/2001 ; 294 p. ; Broché
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