Coeur de chien de Mikhaïl Boulgakov

Coeur de chien de Mikhaïl Boulgakov

Catégorie(s) : Littérature => Russe

Critiqué par Saule, le 22 avril 2005 (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (11 945ème position).
Visites : 9 812  (depuis Novembre 2007)

Boulgakov égal à lui-même

Un professeur recueille un chien errant et lui insère les glandes sexuelles d'un jeune homme qui vient de mourir. Son but est de réaliser une expérience sur le rajeunissement des cellules humaines. Mais le résultat surprend et consterne tout le monde : progressivement le gentil chien Bouboule se transforme en un prolétaire vulgaire et bête, le camarade Bouboulov (!). Avec l'appui du responsable de la gérance de l'immeuble, un autre arriviste borné dont le but principal est de réduire le nombre de chambres allouées au docteur, Bouboulov fait le désespoir de son créateur.

Ce texte est truculent, Boulgakov mène le récit tambour battant et possède vraiment beaucoup d'humour (j'aime beaucoup la scène où le chien se choisit un nom). Doit-on y voir une satire du régime communisme naissant (le roman est écrit en 1920) ? Certes les prolétaires sont dépeints de manière féroce mais les bourgeois, sous les traits du docteur, ne sont pas épargnés. Disons plutôt qu'il s'agit d'une satire de la bêtise humaine. L'effet est renforcé par le contraste entre le pauvre Bouboule, chien martyre et errant dans les rues de Moscou, et l'infect petit être arrogant et profiteur dans lequel il se transforme. Il faut noter que le début du livre est raconté par le chien lui-même, un exercice de style très réussi.

Comme toujours avec les russes, attention aux patronymes : dans la même phrase le docteur "Phillipe Phillipovitch" est parfois appelé Transfiguratov. Ca surprend !

Dans la veine fantastique, Boulgakov est ici égal à lui-même. Entre le roman et la nouvelle, ce texte se lit vite et avec plaisir. Cependant dans le même genre j'avais préféré "Endiablade".

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Maîtrisé de bout en bout

9 étoiles

Critique de Missef (, Inscrite le 5 mars 2007, 59 ans) - 19 mai 2021

A la faveur d'un défi lancé par une amie facétieuse, je me lance dans la lecture de trois œuvres de Mikhail Boulgakov, auteur du Maître et Marguerite notamment, dont je reparlerai donc ici d'ici quelques semaines et mois, vu l'ampleur de la tâche. Je commence modestement avec ce petit opus dont je ne savais rien, j'ignorais même qu'il se rattachait au genre fantastique.
Dans l'Union soviétique de la NEP (les années 1920, en gros) un imminent chirurgien fort courtisé par les sommités du Parti car il a mis au point une méthode de rajeunissement, se lance dans une opération d'avant-garde sur un chien errant : il greffe sur l'animal l'hypothalamus et les testicules d'un homme. je n'en dirai pas plus sur la suite et les conséquences de cette opération...
Dans un récit très construit, l'auteur parvient à imposer une réflexion sur l'humain, son appétit pour la gloire et sa propension à se prendre pour Dieu, qu'il faut mettre en parallèle avec le régime communiste et ses ambitions de créer un "homme nouveau". Boulgakov renvoie dos à dos son personnage du Pr Préobrajenski (un mot qui, au passage, signifie "transfiguration") et les partisans du communisme, en suggérant que les échecs de l'un et des autres s'enracinent dans les vices de la nature humaine.
Pour ceux qui comprennent le russe ou l'anglais, je vous recommande aussi cette adaptation remarquable du livre. Un pur moment de bonheur!
https://www.youtube.com/watch?v=zQTiIevt16E
https://youtu.be/aOE_3_Ws4y0

critique détournée

10 étoiles

Critique de Zazy (, Inscrite le 29 juillet 2011, 75 ans) - 6 mai 2012

Un chien errant, S.D.F. ébouillanté par un cuistot de cantine pleure et se lamente, hésitant entre sa douleur et la faim qui le tenaille. En bon chien, il ne peut s’empêche de mater tous les humains qui passent et sa tendresse pour eux est proportionnelle à leur égoïsme. Arrive un homme, le Bienfaiteur qui l’emmène avec lui, lui donne à manger, l’autorise à coucher sur son tapis…. La Béatitude, le Bien-être….. tout cela grâce à LUI, Philippe Philippovitch !!! un docteur, pardon, un Professeur es-rajeunissement en tout genre. En, quelques semaines, il prend 8 kilos, c’est dire si On s’occupe de lui.

Mais, l’Ennemi rôde en ces périodes révolutionnaires. Quoi, ce professeur habite un appartement de 7 pièces en ces périodes où l’on a droit à 1 pièce chacun !!!! Le Comité d’immeuble va changer tout ça !!!! Halte au Capitalisme !!!! Mais bon, notre Professeur a des amis hauts placés (ça sert à toute époque) et les membres du Comité s’en vont la queue basse, bien qu’ils ne soient pas des chiens, mais d’honnêtes prolétaires !

Revenons à Bouboul, puisque tel est le nom de l’ex SDF. Son 6ème sens se met en éveil lorsque Philippe Philippovitch Transfigouratov le conduit dans la salle de soins brillamment éclairée. Arrive le Docteur Ivan Arnoldovitch (alias le Mordu) qui lui pose un tampon d’éther sur le museau. Voici notre Bouboul au pays des rêves et des hallucinations.

Se déroule une opération incroyable, mais je ne vous en dirai pas plus. Au réveil, Bouboul se sent tout chose et, petit à petit, nous assistons à sa transformation en un humain des plus rustres, impolis, ivrogne et voleur…. S’en suit une cascade de quiproquos ou des à propos de qui, qui m’ont bien fait rire.

Ce livre amène à plusieurs réflexions :

Qui est le plus humain, bouboul le chien ou bouboulov ? L’on trouve de l’humanité chez Bouboul alors que Bouboulov n’est qu’animalité.

Quant à la transformation du chien, Mikhaïl Boulgakov parle des expériences scientifiques dont le parti est si friand. Pourquoi personne ne semble abasourdi par cette mutation ? La scène des papiers d’identité de Bouboulov est un modèle d’absurdité.

Cette satire dépeint très bien les mœurs politiques des années 20 en URSS. Schwonder donnant un bouquin d’Engels à Bouboulov totalement inculte !!!! Les membres du comité d’immeuble, plein du discours bolchévique, sont bornés et absurdes. La bourgeoisie n’est pour autant pas épargnée. Un vrai festival ! Mais, tout est dit.

Est-ce le cauchemar d’un corniaud recueilli et en pleine digestion ou la réalité ? Mais, il y a ces cicatrices… Si vous voulez en savoir plus, suivez la queue du chien plutôt le cœur du chien. C’est un pur moment de lecture déjantée, mais pas que.

Un style étrange

7 étoiles

Critique de Soili (, Inscrit le 28 mars 2005, 52 ans) - 10 février 2007

Surprenant livre que celui ci et sujet pour le moins original. Un docteur recueille un chien errant dans la rue et décide de lui greffer l'hypophyse d'un homme décédé. Le résultat produit est loin des espérances du docteur et le chien se transforme petit à petit en homme avec les caractéristiques de l'homme décédé mais garde également quelques réflexes primitifs du chien et chamboule à son grand dam totalement les habitudes du professeur.

Roman plein d'humour au style désarçonnant, ça débute par l'histoire racontée par le chien de façon amusante puis on bascule dans la critique du système étatique russe des années 20 où les bien-pensants ( miliciens ) veulent faire partager leur idéal égalitaire par la force s'il le faut.

Boulgakov fait là un livre courageux et osé pour l'époque.

Pas la même version !

8 étoiles

Critique de Poupi (Montpellier, Inscrit le 11 août 2005, 34 ans) - 19 novembre 2006

Et bien, mon cher Saule, on ne doit pas avoir la même version ; chez moi, le chien s'appelle Charik, puis Charikov quand il devient homme. Filip Filipovitch (avec un F) est quant à lui nommé (je crois que c'est son nom de famille) Peobrajenski ou quelque chose comme cela... Mais passons ! Je pense que l'histoire est la même ! :-)
L'histoire de ce scientifique qui transforme un chien en être humain est, comme tu l'as dit, truculente ! Tu as aimé le moment où le chien se choissisant un nom (chez moi, il choisit Poligraf Poligrafovitch, et chez toi ?), moi j'ai adoré la scène où il explique très calmement au professeur qu'il lui faut, comme à tout un chacun, des papiers d'identité, et qu'il essaye de trouver une combine pour frauder le service militaire ! Quand on aime l'humour décalé, le vrai, on peut se ruer sur Boulgakov ! Quand, en plus de cela, on aime l'engagement politique, lire Boulgakov devient indispensable !
Petit aparté : je pense que ce roman, comme "Le Maître et Marguerite", pourrait être adaptée en une pièce de théâtre désopilante ! Qui se lance ? ;o)

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