"Deux tueurs" suivi de "Mickey Mickey" de Michel Pirus (Scénario), Mezzo (Dessin), Ruby (Couleurs)

"Deux tueurs" suivi de "Mickey Mickey" de Michel Pirus (Scénario), Mezzo (Dessin), Ruby (Couleurs)

Catégorie(s) : Bande dessinée => Aventures, policiers et thrillers

Critiqué par Blue Boy, le 2 décembre 2024 (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans)
La note : 6 étoiles
Visites : 78 

Duels en doublé

Près de trente après leur première parution, Delcourt édite un recueil en couleur de deux polars du mythique duo Mezzo-Pirus. « Deux tueurs » raconte une opération qui tourne mal pour deux mercenaires, un jeune loup et un vieux briscard, forcés de faire équipe. Dans « Mickey Mickey » on assiste à un huis-clos entre les bandits et leurs otages, à la suite d’un braquage de banque raté. Deux récits noirs comme l’enfer, où la lumière est à peine visible.

Avant la révélation que fut « Le Roi des mouches » au milieu des années 2000, les deux compères Mezzo et Pirus avaient déjà collaboré sur plusieurs titres dans la décennie précédente. Ils n’avaient alors pas encore tout à fait trouvé leur style mais on sentait déjà leur appétence pour le glauque foncé. Aujourd’hui adulés dans le monde du neuvième art (il suffit de jeter un coup d’œil à la file d’attente lorsqu’ils sont en dédicace), leurs nouvelles œuvres sont toujours très attendues. Alors c’est vrai, on ne va pas se mentir, même si la reconnaissance de ces deux auteurs est une question d’alchimie et que cela n’enlève rien au talent du scénariste, c’est dans le cas présent surtout le travail de Mezzo que l’on admire (les amateurs de BD n’iront pas forcément patienter de longues heures pour avoir la signature du narrateur).

Et s’il fallait une preuve supplémentaire de l’engouement suscité par leur travail, elle réside justement dans cette réédition de deux opus passés certainement inaperçus à l’époque et remis en lumière aujourd’hui par l’éditeur pour le plus grand plaisir des aficionados. Pour le reste, voyons un peu…

Dans la première histoire, « Deux tueurs » donc, on suit l’équipée calamiteuse de deux sicaires mandatés pour régler leurs comptes à des types employés dans un dépôt chimique. A vrai dire, on n’apprendra pas grand-chose sur l’objet de leur mission, et d’ailleurs les deux tueurs s’en moquent, ils sont juste là pour exécuter de basses œuvres. Le récit est axé principalement sur leur relation, extrêmement tendue, et les dialogues consistent principalement en un clash permanent pour savoir qui en a le plus dans le falzar. De vrais gros durs, en somme, et Michel Pirus n’a pas lésiné sur les clichés en référence à un certain cinéma noir à la papa, avec quelques accents « tarantinesques », l’humour en moins. Et puis bien sûr comme on s’en doute, tout cela va se terminer très très mal.

Avec « Mickey Mickey », on est au cœur d’un braquage qui a mal tourné. Les bandits ont dû se claquemurer à l’intérieur de la banque, un des complices ayant été gravement blessé. Le personnel et les convoyeurs ont été retenus en otage, dont une jeune femme, plutôt bien mise de sa personne, qui semble être la seule à garder son sang-froid. A l’opposé du personnage principal, le dénommé Mickey, une sorte de psychopathe très mal élevé, toujours sur le point de tabasser ce qui a le malheur de passer à sa portée, mais incapable d’anticiper le retournement de situation qui signera son arrêt de mort.

Le mode narratif est très similaire dans les deux histoires. Il faut bien l’avouer, on est admiratif des premières prouesses de Mezzo, qui avait déjà un style très affirmé. Par son trait réaliste à la fois gras et léché, avec une prédominance des à-plats noirs, il parvient à restituer une ambiance poisseuse où la mort, évidemment violente, semble roder au détour de chaque case, où le sang est d’un noir d’encre, élégance oblige. Au-delà de la très légère touche hergéenne, on devine les influences de la BD alternative U.S., notamment un certain Charles Burns, ce qui préfigurait le futur « Roi des mouches », d’une tournure bien plus surréaliste, plus atmosphérique encore.

Car on le perçoit assez nettement, les auteurs à cette époque n’ont pas tout à fait trouvé leur rythme de croisière, hésitant entre le thriller rythmé avec moult pétoires (à l’américaine, quoi) et le roman noir plus lent et contemplatif (disons « européen »). Dans les deux histoires, c’est l’action qui semble entrer en conflit avec la volonté de créer une ambiance, ce qui nuit à la fluidité narrative, déjà empesée par l’abondance de dialogues. Les personnages — dont absolument aucun n’est sympathique ! — apparaissent souvent figés, pas toujours reconnaissables et engloutis dans une obscurité où on ne distingue pas toujours les détails. Clairement, on sent Mezzo moins à l’aise pour produire des scènes dynamiques, qui auraient été sans doute plus appropriées ici. En revanche, on reste impressionné par les quelques vues en plongée, assez chiadées.

Si cette réédition répond sans doute à une demande, on n’ira pas jusqu’à dire qu’elle était indispensable. De plus, les versions d’origine en noir et blanc se suffisant largement à elles-mêmes, il n’est pas certain que la mise à couleur apporte réellement quelque chose. Mais à coup sûr cela fera le bonheur des lecteurs les plus assidus et autres admirateurs du travail du duo. De plus, l’objet bénéficie d’une édition soignée, avec une couverture à la noirceur stylée tout à fait appropriée.

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