Prix Aujourd'hui en 2000: le christianisme, fondateur de notre modernité ? ?

Observateur et analyste de la vie religieuse de notre temps, René Rémond a accepté de répondre aux questions sagaces et sans concession du directeur littéraire des éditions Declée de Brouwer, M. Marc Leboucher.
Il s'agissait d'analyser, en 160 pages, les raisons du discrédit, du recul, de la désaffection des masses, surtout en Europe, vis-à-vis du christianisme et surtout du catholicisme. Pourquoi cette animosité, ce rejet, et même cette hostilité à l'égard de Jean-Paul II et cette sympathie pour le Dalaï-lama. ? Pourquoi ce rejet des jeunes générations dont l'auteur remarque le refus de s'engager à long terme, en quelque domaine que ce soit.
La crise des vocations ? Le refus de mettre en cause le célibat des prêtres ? René Rémond constate que la désaffection existe aussi chez les protestants et que la crise des vocations sévit pour diverses raisons : la dégradation de la considération du prêtre, qui a longtemps joui d'un certain prestige, son statut social qui s'est profondément dégradé, parallèlement, du reste, à celui des enseignants et singulièrement de l'instituteur. " Le prêtre vit seul, la plupart du temps dans un logement austère. Sans doute plus indifférente qu'hostile, toute une partie de la société lui refuse l'estime et le respect qu'elle lui portait jadis. Son utilité sociale n'est plus bien perçue : à quoi peut-il bien servir ? "
Les jeunes hésitent à s'engager ? Réponse : c'est la peur de contracter un engagement de longue durée. " On ne s'engage plus aussi facilement qu'autrefois pour la vie entière. Même phénomène pour les autres états de vie, comme le mariage. Auparavant, l'idée de fidélité dans la durée ne faisait véritablement pas difficulté : un mariage, une vocation de prêtre ou de religieuse devaient se construire pour durer toute la vie. Aujourd'hui, les jeunes insistent davantage sur la coïncidence avec soi-même, sur la cohérence personnelle. La fidélité ? Volontiers, à condition d'être toujours dans les mêmes sentiments qu'au départ. "
En ce qui concerne la pénurie de vocations, l'auteur pense que l'église devrait davantage tenir compte des mentalités nouvelles et proposer des ministères pour un temps déterminé. " Je suis certain que les volontaires ne manqueraient pas."
Les adolescents posent souvent des questions sur la sexualité ? Réponse de René Rémond que nous allons essayer de synthétiser : " L'église ne se désintéresse pas de la vie affective, donc de la sexualité. Mais je trouve franchement regrettable que le jugement sur le christianisme et la figure du Christ se trouve ravalé, réduit à ce que dit l'église de la contraception, de l'IVG, du mariage des prêtres ou de l'ordination des femmes. Toutes ces questions, qui ne sont pas sans importance, ne concernent que des points de morale ou d'organisation interne et pas l'essentiel de la foi. On demande à l'Eglise de se prononcer sur tout et n’importe quoi. Ce faisant, on s'éloigne de l'essentiel, la relation de l'homme à Dieu. (Notre société a perdu de vue ce qui constitue le spécifique même du religieux. "
D'après René Rémond, le catholicisme n'a pas le monopole du rigorisme d'hier : " dans certains cas, le puritanisme protestant est allé bien plus loin en instituant un ordre moral des plus contraignant pour les libertés personnelles. la communauté s'érigeant en juge ou en censeur des attitudes considérées comme déviantes. ".
Jean- Paul II : " lui aussi se voit taxé de réactionnaire, en dépit d'attitudes courageuses et novatrices par ailleurs. En refusant l'accès des femmes à la prêtrise, l'église va à l'encontre d'une évolution qui pousse à toujours plus d'égalité avec les hommes. Les contradicteurs oublient que l'Eglise a largement contribué à l'émancipation de la femme, dès les premiers siècles, en posant comme condition " sine qua non " de la validité du mariage la liberté de son consentement. " Elle ne pose pas de différence pour l'accès aux sacrements, l'ordre excepté. Peut-on en dire autant de l'islam ou du judaïsme ? "
L'auteur n'a pas voulu écrire un ouvrage technique ou érudit , mais a souhaité rejoindre l'attente d'un public qui se passionne pour le christianisme.
Il a tenté d'aller à contre-courant du climat indifférent ou méprisant de tant de médias comme le cinéma, la télévision, etc., que l'on a pu observer depuis la fin de la guerre .
Aujourd'hui , souligne notre historien, le religieux tend à se réduire à une thérapie personnelle ou sociale. On y recourt comme on s'adresse au zen à la psychanalyse ou hier encore aux idéologies .
Pour lui, le christianisme n'a pas à rougir de son apport à la modernité. René Rémond se dit affecté par l'effondrement de pans entiers du catholicisme. Mais il est prêt à parier que l'homme sera capable demain d'ouvrir encore des chemins de liberté et d'espérance.
" Pourquoi ne le ferait-il pas sous l'impulsion et l'inspiration du christianisme ? "
Ajoutons néanmoins que l'argumentation de l'auteur sur la sexualité, la contraception, l'IVG etc reprise d'ailleurs des enseignements de Jean-Paul
II ne nous paraît pas suffisamment convaincante. Dans leur grande majorité, les jeunes d'Europe ( surtout) ne doivent pas se satisfaire de tels arguments. "L'interdiction" du préservatif, par exemple, leur semble d'un autre âge .
Le rôle de "bouc émissaire" que les médias tentent très souvent de faire jouer aux " cathos" ne me semble pas souligné avec assez de netteté . L'auteur est un homme prudent ...
De plus, ce livre, soigné et pertinent, ne tient pas tout à fait les promesses de son titre et aurait pu être plus développé. Ce sera sans doute l'objet d'une autre parution ...

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  Le christianisme en accusation [Texte imprimé], entretiens avec Marc Leboucher René Rémond,...

  de Rémond, René Leboucher, Marc
  Desclée de Brouwer
  ISBN : 9782220048338 ; 0,66 € ; 13/10/2000 ; 157 p. ; Broché

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