Le Maréchal Ney de Jean Lucas-Dubreton

Le Maréchal Ney de Jean Lucas-Dubreton

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 29 janvier 2022 (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans)
La note : 10 étoiles
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Vae victis !

Attila pour les Russes, Achille pour les Français, le Maréchal Ney est assurément un des plus grands héros de l’Histoire de France.

Né en 1769 comme Napoléon, il est entré à l’armée à 19 ans au début de la Révolution comme simple soldat. Après deux ans de service, il est nommé brigadier, puis, en septembre 1792 à Valmy, il est nommé lieutenant ; en mai 1794, il est promu par son armée au grade de capitaine. Il entre alors dans le prestigieux régiment de Sambre-et-Meuse, comme adjudant-général. Puis en mai 1796, le Directoire, qui a reconnu ce « héros digne de l’antique », le nomme général de division.C’est là, dans ce régiment de Sambre-et-Meuse que Michel Ney, au prix d’incroyables prouesses, entre dans la légende.

Mais l’excellent historien Lucas-Dubreton, auteur de cette biographie, nous a prévenu : son intention n’est pas de refaire toute la vie militaire du Maréchal Ney ; « mon propos, nous dit-il, est de ressaisir l’homme à travers son obscurité, son ascension, sa gloire, sa misère et sa bravoure, afin de le présenter tel qu’il était ». Ça ne l’empêche pas de suivre notre héros sur tous les champs de bataille mais, toujours avec le souci de faire apparaître les traits de son caractère et tous les aspects de son étrange personnalité. Le résultat est époustouflant.

En mai 1801, Ney rencontre à Paris, pour la première fois, Bonaparte. Et il est fasciné !
Mais le Premier consul veut sonder ce fameux Ney et l’envoie en Suisse comme médiateur entre les séparatistes et les unitaires. On constate alors que Michel Ney est plus qu’un grand soldat, il est aussi un médiateur de talent. Mais il est soupe au lait : pour un rien il se bat en duel, et quand il est blessé il devient mélancolique. Alors pour le ragaillardir, on doit organiser une fête avec fanfare et belles danseuses et le voilà regonflé pour de nouveaux exploits.

Le 18 Brumaire il poussera Bonaparte à devenir « comme Charlemagne, le plus grand de nos anciens rois » et, le 29 avril 1804, quand Bonaparte devenu Napoléon se choisit 14 maréchaux d’empire, Ney est le quatrième et le premier qui ne lui soit pas apparenté. Quelques jours après, le nouveau maréchal reçoit la plaque de grand officier de la Légion d’Honneur. Paris est en fête. Il s’ensuit une festivité gigantesque comme Michel Ney les adore. Il s’y distingue autant que sur un champ de bataille et Napoléon lui donne le casque de Bayard, suprême honneur qui n’est réservé qu’aux braves.

Napoléon le considère alors comme un fils et on les verra ensemble sur tous les champs de bataille ; et, pour commencer, dans les glorieuses expéditions à l’est contre les Autrichiens, les Russes, les Prussiens et les Anglais. A ce moment là, le Maréchal Ney est partout au front ; c’est lui qui conduit la Grande armée et il va de victoires en victoires. Mais la paix s’éloigne au fur et à mesure qu’on l’approche et l’ennemi ne désarme pas. La Grande armée doit se lancer dans « les boues de Pologne » où malgré quelques victoires, elle subit des pertes effroyables. Notre Soupe-au-lait s’en prend alors à l’empereur, il lui dit ses quatre vérités, il s’emporte, il le menace, et le brave mameluk Roustam qui tient compagnie à l’empereur, a toutes les peines à les empêcher d’en venir aux mains.

Tout ça nous est raconté dans ce livre comme le ferait le meilleur des romanciers. On voit les personnages tels qu’ils sont et on participe à la gloire des batailles gagnées ; mais c’est dans l’amertume des batailles perdues que les hommes se révèlent, et c’est alors que l’auteur devient psychologue et saisit le mieux leur caractère.

Hélas ! la guerre n’est jamais finie ! Dès septembre 1806, les Russes du Star Alexandre et les Prussiens de Frédéric-Guillaume ont juré de refouler les Français au-delà du Rhin.
A la bataille d’Iéna, Ney fonce sans attendre les ordres de l’empereur au cris de « pète qu’a peur ! » et l’empereur doit reconnaître que « l’ardeur française l’emporta » ; l’ardeur française c’était Ney et l’empereur aura ce mot : « cet homme est un lion ».
Mais cette campagne est un échec et les officiers, Ney en tête, rechignent contre Napoléon.

Pour l’éloigner, le 8 août 1818, Napoléon l’envoie en Espagne en renfort à son frère Joseph, dans cette affreuse guerre de pillages où les Français se conduisent comme des satrapes et où Wellington, déjà lui, inflige aux Français défaites sur défaites. Là les traits du mauvais caractère de Ney se précisent, il se dispute avec les autres maréchaux, refuse les ordres et, tandis que les journaux parisiens prennent parti « pour Ney, pour Soult ou pour Masséna », son biographe Lucas-Dubreton choisit son camp et défend Ney bec et oncles.

Mais le clou du livre et aussi le sommet de la carrière du Maréchal Ney, c’est la Campagne de Russie. C’est là qu’il montre tout son talent de guerrier ; ses soldats l’adorent et sont prêts à donner leur vie pour leur « Rouquin ». Même Napoléon, si avare de compliment, doit le reconnaître : « sa valeur s’accroît avec les dangers et les difficultés, elle est sans limite ! » ; et les troupiers donnent à Ney son plus beau titre de gloire : « le Brave des braves » ! Au terme d’une avancée parsemée d’embûches, c’est lui qui ouvre la route de Moscou en triomphant de l’armée russe sur la Moskowa.

On connaît la suite : Moscou en feu, les soldats affamés, la retraite de Russie… Et là cette biographie prend les allures d’un récit épique. Dans cette retraite de Russie, Napoléon a donné la conduite de l’armée à son beau-frère Murat. Mais c’est Ney qui prend la direction des opérations. Les soldats n’écoutent que lui. Il prend l’initiative d’arrêter les cosaques qui poursuivent la Grande armée et on dira plus tard qu’à lui seul il a sauvé 60.000 hommes. Le 25 novembre, à la Bérézina, l’empereur l’appelle en renfort sur le front et ceux qui le suivent seront les seuls à passer la plus terrible épreuve de l’épopée napoléonienne. Plus tard un témoin anglais écrira : « nous avons vu la conduite de Ney à la Bérézina et nous sentons quelles pauvres créatures étaient les héros d’Homère ».

Le 5 décembre Napoléon abandonne son armée et rejoint Paris. En fait, ce départ, c’est la fin de l’armée ! Mais les lambeaux de la Grande armée continuent leur retraite sous la conduite de Ney et de Ney seul ! Arrivé enfin à Paris, il lit dans les journaux : « l’Histoire n’enregistrera pas deux pareils héroïsmes, sans le Maréchal Ney pas un seul Français ne serait revenu ».

Pour le Maréchal Ney, l’aventure est finie ; il ne rêve plus que de paix, il veut vivre dans sa campagne avec sa femme et ses quatre fils. Cependant Napoléon lui a donné l’ordre de reprendre le combat contre la nouvelle coalition : Russie, Autriche, Prusse, Angleterre et Ney ne peut refuser. Il veut rester loyal mais le cœur n’y est plus. Les disputes avec l’empereur deviennent de plus en plus fréquentes et virulentes. Finalement, c’est la nouvelle débâcle de la Campagne de France et tout est perdu, même la frontière sur le Rhin. A Paris, Talleyrand-le-vice et Fouché-le-crime décident que le seul moyen d’en finir est de tuer l’empereur.
Il ne sera pas tué ; mais les maréchaux retirés à Fontainebleau avec Napoléon, exigent sa capitulation. Napoléon finit par accepter et Ney se précipite en pleine nuit à Paris pour annoncer la nouvelle au Star Alexandre qui n’en demandait pas tant ! On prétend que Napoléon voulait négocier son abdication en faveur de son fils, le prince de Rome, et que Ney l’aurait trahi. D’après l’auteur, Ney aurait craint que Napoléon ne changeât d’avis.

A partir d’ici, Ney devient un personnage de tragédie tel que Corneille en personne n’aurait pu l’imaginer. Il met son sabre au service du Roi Louis XVIII ; il veut servir la France. Mais on connaît l’histoire : quand Napoléon revient de l’île d’Elbe, sa fascination pour son empereur le reprend, il l’embrasse et se range derrière lui. En fait, il voulait éviter une guerre civile. Plus tard il dira : « mon seul crime est d’avoir voulu épargner le sang français ».

La suite, c’est Waterloo où sans attendre les ordres, le Brave des braves se porte au front, il affronte son destin, il cherche à mourir en pleine gloire, face à l’ennemi !
Hélas pour lui, la grande Faucheuse n’était pas au rendez-vous de Waterloo. Elle ne reviendra qu’au terme d’un procès inique, en fait, un règlement de comptes, une vengeance de Louis XVIII, de la Cour et des royalistes, contre les héros de l’épopée napoléonienne. Les aristocrates de la Chambres des pairs qui devaient juger Ney, avaient vécu en exil sur l’or de l’ennemi, ils s’étaient mis sous les ordres des souverains étrangers, ils s’étaient intégrés dans leurs troupes pour tuer sur le sol de France les soldats français. Et c’est eux qui aujourd’hui osaient accuser le Maréchal Ney de traîtrise !
Louis XVIII a choisi 12 hommes de sa garde, triés sur le volet, pour fusiller le Maréchal Ney. Il est tombé le 7 décembre 1815 sous le coup des douze balles en criant « vive la France ». Non ! Pas douze balles mais onze. Une balle est allé se ficher sur le mur un mètre au dessus de la cible. Il faut croire qu’un des douze tireurs a refusé de commettre un assassinat.

Cette biographie est vraiment très complète et par moment très émouvante. On pourrait trouver que les pages où sont détaillées toutes les phases du procès prennent trop de place – d’autres livres ont traité le sujet – et que le récit se perd un peu par moments dans les détails des combats. Mais pour ceux qui reconnaissent le Maréchal Ney comme un des plus beaux héros de l’Histoire, cette biographie – contrairement à cette critique – ne sera jamais trop longue.

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Les éditions

  • Le Maréchal Ney
    de Lucas-Dubreton, Jean
    Fayard / Libraire Arthème
    ISBN : SANS000061978 ; 01/01/1931 ; 320 pages p. ; 26.5 X12 X 2.5
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