L'étrange destin d'un homme d'honneur

Le roturier, Jean-Baptiste Bernadotte, s’est enrôlé dans l’armée française comme simple soldat en 1780 sous l’Ancien régime, à une époque où « nul ne pouvait prétendre à un grade sans avoir justifié que sa noblesse remontait à quatre générations ». Il a été Maréchal de France et Prince de Porte Corvo sous l’ère napoléonienne, puis Prince royal de Suède et a terminé roi de Suède et de Norvège, le premier février 1818.

Cette biographie de Bernadotte appartient à la belle collection « Bibliothèque Historique » chez Payot-Paris et se lit comme un roman. Mais c’est aussi une véritable étude de caractères. On est constamment dans l’intimité des soldats et officiers qui ont fait la grandeur de la France à une certaine époque. Il est étayé de nombreux écrits : commentaires de journaux, ordres de l’Empereur, messages entre officiers... ce qui ajoute beaucoup d’authenticité et d’attrait au récit.

On sait que Napoléon supportait difficilement d’avoir sous ses ordres quelqu’un de plus capable que lui. Or, c’était bien le cas de Bernadotte et Napoléon s’en rendait compte. Quand ils se sont rencontrés pour la première fois, Bernadotte avait déjà conduit le célébrissime régiment de Sambre-et-Meuse. qui avait porté les limites de la France jusqu’au Rhin, réalisant ainsi le plus vieux rêve des monarques français. Ils se sont rencontrés pour la première fois à la Campagne d’Italie et c’est Bernadotte qui a montré à Napoléon « qu’impossible n’est pas français » en s’emparant de deux cités que Napoléon considérait comme imprenables. Depuis lors, ils ont été constamment en rivalité, à tel point qu’il est arrivé à Napoléon d’accuser Bernadotte de désobéissance pour couvrir ses propres erreurs. Ce livre nous en apprend autant sur les deux personnages, ce qui le rend absolument passionnant.

A partir des témoignages de l’époque, l’auteur ne se prive pas de raconter que dans l’entourage de Napoléon certains maréchaux étaient coupables de mesquineries invraisemblables. Comme c’est souvent le cas des plus grands guerriers, ils étaient courageux mais volontiers vantards et fanfarons. Ils flattaient leur maître comme des bons chiens, ils se jalousaient, s’admiraient et se détestaient tout autant. Mais, malgré les jalousies dont il était l’objet, Bernadotte est toujours resté au dessus de la mêlée.

Pourtant, il a été, et est encore, un sujet de controverse, surtout pour les historiens français. Il avait été choisi comme héritier du trône de Suède par la volonté du peuple suédois et Napoléon avait consenti à se débarrasser de son rival encombrant ; mais celui-ci l’avait prévenu : je serai désormais suédois avant d’être français. Alors, en 1813, lors de la guerre de Libération, quand Napoléon a menacé les intérêts de la Suède, il s’est montré fidèle à sa parole et a pris victorieusement les armes contre lui. Si bien que, pour certains, c’est un traître et, pour d’autres, c’est un homme de parole. Ici, le biographe de Bernadotte ne prend pas parti et le fait qu’il ne soit pas français devrait être une garantie d’objectivité. Pourtant, il m’a bien semblé qu’il penchait plutôt pour Bernadotte. Disons pour l’anecdote que, si mon souvenir est bon, Bernadotte a son nom inscrit sur l’Arc-de-Triomphe, place de l’Étoile à Paris, comme si l’Histoire avait tranché.

Dans cette panoplie de grands soldats, héros selon certains, misérables selon d’autres, Bernadotte est resté toute sa vie un homme de devoir, d’honneur et de parole. La dynastie qu’il a fondée en Suède est, à en croire certains historiens, le seul élément positif de toute l’épopée napoléonienne. Ce sera au lecteur d’en juger au terme de cette enthousiasmante biographie d’un grand homme, qui aura marqué de sa forte personnalité, un des plus grands moments de l’Histoire.

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  Bernadotte

  de Barton, Dunbar Plunket
  Paris, Payot / Bibliothèque Historique
  ISBN : SANS000061914 ; 01/01/1931 ; 384 p. ; 14 X 22,5 X 2
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  Bernadotte

  de Barton, Dunbar Plunket
  Payot & Rivages
  ISBN : 9782228133203 ; 13,45 € ; 01/11/1983 ; Broché

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