La bataille de Bouvines de Dominique Barthélemy

La bataille de Bouvines de Dominique Barthélemy

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Colen8, le 6 novembre 2021 (Inscrite le 9 décembre 2014, 83 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (23 249ème position).
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Telle une chanson de geste sans cesse réécrite

La postérité a reconnu à Philippe Auguste le statut d’un grand roi féodal dû pour l’essentiel à sa victoire inattendue au pont de Bouvines le 27 juillet 1214. Il y affrontait une coalition hétéroclite de milliers de chevaliers et de sergents à pied provenant de Flandres, du Hainaut, du Brabant, de terres rhénanes et saxonnes, laquelle en cas de défaite aurait menacé l’intégrité du domaine royal français. Les adversaires avaient été réunis autour du jeune empereur romain Otton IV de Brunswick à l’instigation et par esprit de vengeance du roi d’Angleterre Jean sans Terre qui régnait en rival du roi de France de la Normandie à l’Occitanie, de par les Plantagenêt ses ascendants angevins.
En effet partant du contexte et des règles très codifiées de la chevalerie féodale, les premiers récits de la bataille écrits en prose latine puis en vers à la tournure plus épique, sont l’œuvre du chapelain royal Guillaume Le Breton. Lui-même n’y étant présent qu’à distance les a reconstitués à partir de témoignages et des conséquences géopolitiques de la victoire. En parallèle, et par la suite des versions reprenant certains éléments inédits, ajoutant d’autres points de vue issus des camps adverses, voire brodant des sortes de romans historiques à succès les ont fait diverger. Forte fut la tentation des historiens surtout depuis le XIXe siècle et juste avant le premier conflit mondial d’y voir un « grand récit national ».
L’entrée dans cet épisode d’Histoire ayant incorporé moult légendes au fil du temps est ardue tellement se croisent et s’entrecroisent rois, empereurs, princes et évêques, grands barons comtes et vassaux. La tradition par laquelle les filles, sœurs, veuves, épouses répudiées s’échangent par mariages entre lignages au même titre que les fiefs, dots, douaires et héritages les ont tous ensemble apparentés. Drôle de façon de chanter l’amour courtois ! Une fois qu’on s’y est retrouvé grâce aux analyses critiques, aux cartes des territoires concernés, aux généalogies des protagonistes principaux, à l’index des personnages cités, la reconstitution qui ne manque ni de relief ni d'érudition prend toute sa saveur.

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Un décapage salutaire

10 étoiles

Critique de Essennoil (Paris, Inscrite le 1 avril 2022, 44 ans) - 28 août 2022

On doit beaucoup à Dominique Barthélemy et Jean Wirth. La dette est immense, tant ces médiévistes auront mis de coups de boutoir aux légendes savamment entretenues par le corps académique. Démolition de l'idée d'"an mil", démolition du roman national dont le point de départ aurait été Bouvines: Barthélemy a, dans une relative ignorance des profanes qui ne le découvriront que plus tard, après sa mort peut-être, littéralement révolutionné le champ de la recherche médiévale. Ce qu'il faut retenir, surtout, c'est que Bouvines, bataille objectivement insignifiante, fut hissée au rang de mythe fondateur par le clergé ambitionnant de réaliser l'opus francigenum politique en s'auto-célébrant à travers la victoire de Philippe Auguste sur le maître du Saint-Empire.

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