Hergé au sommet de Patrice Guérin, Benoît Grimonpont (Scénario), Cyrille Mozgovine (Scénario), Bertrand Portevin (Scénario), Jean Rime (Scénario)

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Divers

Critiqué par Blue Boy, le 19 juillet 2021 (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans)
La note : 8 étoiles
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L’homme qui voulait décrocher la lune

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’œuvre d’Hergé a été beaucoup discutée depuis sa création, avec la publication de pas moins de 500 ouvrages ! Avec cet essai publié par les Editions Sépia dans le cadre de la collection « Zoom sur Hergé », les auteurs prennent de la hauteur et nous entraînent sur des pentes escarpées, se livrant à une exégèse inattendue et prenante des aventures de Tintin entre les Alpes et l’Himalaya.

Extrêmement bien documenté, « Hergé au sommet » est un ouvrage collectif réalisé par cinq éminents spécialistes d’un auteur qui aura marqué de façon indélébile le XXe siècle, sous la houlette d’Olivier Roche : Benoît Grimonpont, Patrice Guérin, Cyrille Mozgovine, Bertrand Portevin, Jean Rime, et Renaud Nattiez pour la postface. Cerise sur le gâteau, la préface est signée par Albert Algoud, fan absolu et bien connu du reporter à la houppe, personnage emblématique et alter ego du bédéiste belge.

L’axe d’étude du livre est le rapport de Georges Rémi alias Hergé avec la spiritualité et son évolution au fil de la série. Le parallèle entre le héros et son créateur est évident, et même si Tintin n’a montré aucun signe de vieillissement entre la première et la dernière aventure, le personnage n’était plus tout à fait le même intérieurement. Celui-ci avait incontestablement acquis de la maturité, car en effet, le Tintin naïf et fougueux – et un peu superficiel — des Soviets avait laissé place à un Tintin moins ardent et moins aventureux lors de son périple chez les Picaros, voire un peu casanier dans « Les Bijoux de la Castafiore ». Au cours de ses aventures, le « jeune » Tintin recherchait le Graal, motivé par son altruisme et un certain sens du chevaleresque totalement désintéressé, tandis que son « aîné », plus mesuré, avait été impacté par les désillusions de son créateur, ébranlé lui-même par les désillusions et la déprime résultant d’amitiés trahies mais aussi d’une adultère dont il fut à l’origine.

Ainsi, la montagne apparaît comme une métaphore récurrente dans l’œuvre d’Hergé pour symboliser l’élévation spirituelle et le dépassement de soi. C’est dans cette optique que, comme l’expliquent les auteurs, « Tintin au Tibet » revêt une grande importance dans la mesure où il a représenté un tournant dans la carrière de Georges Rémi, dans sa façon d’envisager sa relation avec son héros. Album de rupture, il coïncidait « avec la naissance d’un nouveau Georges Rémi qui [avait] renoncé à la pureté des sommets, qui [avait] compris qu’il ne devait plus chercher à aller toujours plus haut, qui [acceptait] de redescendre dans les vallées ». Pourtant, le créateur de Tintin n’était assurément pas un rationaliste, et même s’il s’était éloigné du catholicisme, il avait conservé sa soif de spiritualité. Un long passage est également consacré à la Suisse, pays dont Hergé appréciait le calme, entre ses montagnes abruptes et ses lacs profonds, une configuration où ressort le contraste entre l’idée d’élévation et celle d’introspection, révélant simultanément la fracture intérieure de Rémi. Ou quand la géographie des paysages rejoint celle des états d’âme…

De façon plus brève mais tout aussi passionnante seront abordés, de façon logique, la religion et l’ésotérisme. Tintin envisagé comme un héros christique, cela ne manque pas de sel mais les arguments sont plutôt pertinents. De même, on sera étonné de réaliser qu’Hergé a réalisé 22 albums, un chiffre qui correspond au nombre de cartes du tarot, et que chaque couverture a été inspirée par une « lame », avec quelques exemples à la clé.

Il faut préciser que l’ouvrage, si captivant soit-il, reste assez pointu, en particulier dans le « chapitre suisse », et les auteurs y font preuve d’une érudition remarquable. Du coup, certains passages auraient peut-être mérités d’être accompagnés d’illustrations, car les références aux albums sont nombreuses et à moins d’avoir toute la collection à portée de main (ou de la connaître sur le bout des doigts), cela pourra gêner la fluidité à la lecture…

Globalement, c’est assez passionnant, et même sans être un fan absolu d’Hergé, on prend plaisir à parcourir cette analyse très fouillée et pertinente qui donne envie de se replonger dans les aventures du célèbre reporter et de ses acolytes qui ont bercé notre enfance.

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