Une leçon d’Histoire

Ce livre raconte le ballet diplomatique qui s’est joué entre l’assassinat de François-Ferdinand à Sarajevo le 28 juin 1914 et celui de Jean Jaurès à Paris le 31 juillet 1914. C’est ahurissant ! On voit comment les « décideurs » de l’époque ont joué un gigantesque poker menteur, à la fois burlesque et dramatique, qui a fini par entraîner le monde entier dans la guerre.

L’auteur nous décrit les personnages avant de nous raconter leurs interventions. Certains sont désinvoltures, à la limite de l’inconscience ; d’autres sont rancuniers, d’autres sont ambitieux ou cupides, d’autres s’amusent tout simplement et chacun s’ingénie à « rouler » l’autre. On en tombe à la renverse ! On s’est rarement autant menti que dans ces heures historiques.

Au départ, tout le monde est d’accord : il faut corriger ces maudits Serbes, ces sauvages, ces bandits, ces assassins. Mais pour certains, une correction suffirait ; pour d’autres, il faudrait les anéantir une bonne fois pour toutes et se partager leur territoire… Mais il y a les alliances, ces fameuses alliances élaborées par Bismarck quelques années plus tôt !
Alors, si tu bouges, je réponds ; si tu touches à mon allié, je marche avec lui contre toi… Tout le monde mobilise mais, mobiliser c’est déclarer la guerre ! Non, je mobilise pour assurer la paix chez moi et je me poste à la frontière pour t’empêcher de la franchir !

Les va-t-en guerre assurent : il faut tirer les premiers « tant que nous sommes les plus forts » ! Non, disent les grands responsables, nous nous défendrons mais nous sommes des gens civilisés, nous n’attaquerons pas les premiers ! Il est remarquable de constater que les plus hauts dignitaires du temps sont pacifiques : François-Joseph, le Tsar Nicolas, le Roi Albert Ier, l’Anglais George V. Mais ils sont mal informés et manipulés. Les peuples aussi veulent la paix, surtout le peuple russe déjà bien engagé dans « l’Internationale ». Mais quelques douzaines d’irresponsables, poussés par l’ambition, la haine ou la peur agissent en coulisse et, à coup de messages trafiqués, de fausses nouvelles et de menaces mensongères, ils réussiront à entraîner 500 millions d’hommes pacifiques et travailleurs dans une gigantesque boucherie humaine.

L’auteur a décortiqué tout ce macabre manège qui a duré tout le mois de juillet 1914 et son livre est sorti en 1929. Il a rétabli des vérités qui avaient été trop longtemps mises sous le boisseau. Il a dénoncé les vrais coupables, les vrais responsables de ce cataclysme que rien ne rendait nécessaire et qui, selon lui, était tout à fait évitable. Inutile de dire que son livre a causé des remous…

Pour nous, aujourd’hui, c’est de l’histoire ancienne et le nom de tous ces acteurs nous sont pour la plupart inconnus. Mais on prend un plaisir stupéfait à lire ce drame où tous les dialogues authentiques des responsables de l’époque sont écrits en italique et conviendraient parfaitement à une pièce de théâtre à la Shakespeare avec une mise en scène à la Feydeau.

Lire le grand historien Emil Ludwig est un régal et, malgré tout, voir comment se trame les grands cataclysmes qui endeuillent le monde devrait servir de leçon. Mais on le sait, du moins c’est mon avis, les « leçons de l’Histoire » ne servent qu’à rédiger des beaux livres et hélas ! elles ne servent à rien d’autre.

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  Juillet 1914

  de Ludwig, Emil
  Paris, Payot
  ISBN : SANS000060577 ; 01/01/1929 ; 304 p. ; 13,5 X 19,5 X 1,5