Le roseau révolté de Nina Nikolaevna Berberova

Le roseau révolté de Nina Nikolaevna Berberova

Catégorie(s) : Littérature => Russe

Critiqué par Sahkti, le 29 août 2004 (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (23 207ème position).
Visites : 5 241  (depuis Novembre 2007)

L'amour triste

Un de mes favoris parmi les courts romans de Nina Berberova. L'histoire d'un couple de jeunes amants séparés par la guerre. La guerre, encore elle, si présente dans les récits de l'auteur russe. Lui rentre en Suède, un pays neutre, le sien. La narratrice reste à Paris, apprend à vivre avec la guerre, se débrouille, vit en compagnie d'un savant génial et mondialement connu, un vieil homme éteint dont elle s'occupe en attendant le retour de son aimé. Qui ne revient pas. Le savant meurt. Un voyage en Suède en l'honneur du défunt savant et la rencontre inopinée entre les deux anciens amants. Lui est marié, mais sa femme Emma devient l'amie de l'ancienne maîtresse. Et de manière plutôt intéressée.

Ce récit est empreint d'une mélancolie et d'une tristesse qui font parfois frissonner tant le désappointement de la narratrice est immense. Elle a perdu l'homme qu'elle aime, apprend l'indifférence et au moment où elle se sent enfin protégée, murée sous cette carapace baptisée son "No man's land", elle retrouve Einar, réalise qu'elle l'aime encore, souffre plus encore d'être aujourd'hui près de lui que lorsqu'elle apprenait à l'oublier. Nina Berberova joue à merveille avec les sentiments, les âmes et les tourments intérieurs. On se glisse aisément dans la peau de cette jeune femme pas vraiment heureuse, on a envie de bousculer son pleutre amant et de demander à la femme de celui-ci de se taire, de nous laisser respirer un peu et profiter de la douceur que Berberova a distillée tout au long de son texte. De longs monologues nous décrivent les paysages, la force d'un silence ou la protection offerte par la solitude.
C'est très beau, très humain, si réaliste et si triste.

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Histoire de l’amour et de la perte.

8 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 68 ans) - 22 juillet 2010

Dure histoire de la lâcheté amoureuse ordinaire mise ici en scène par Nina Berberova. La narratrice est une jeune femme, d’origine russe, installée à Paris au service d’un vieux savant, juif … et nous sommes en 1939. Notre narratrice vit une liaison passionnée avec Einar, un Suédois provisoirement à Paris, et qui quitte justement Paris pour la Suède au début du roman, guerre oblige.
Nous assistons aux serments de fidélité, d’amour éternel, toutes choses courantes entre amants et … c’est la guerre. Elle à Paris, son vieux savant d’employeur raflé par les Allemands qui meurt rapidement, et Einar en Suède dont nous n’avons, et la narratrice pas plus, de nouvelles.
La guerre se termine. La mort dans l’âme, notre narratrice commence à mettre une croix sur cette histoire quand un voyage professionnel impromptu l’amène à Stockholm où , bien entendu, elle tombe sur … Einar. Un Einar qui a refait sa vie, s’est marié. Un Einar surtout dont elle s’aperçoit qu’elle n’a pas réellement mis une croix dessus. Et l’essentiel du roman va porter là-dessus, sur ce calvaire que va vivre la délaissée avec son ex-amant sous les yeux, avec sa femme qui fera tout pour entretenir relation avec elle, … Lâcheté d’Einar, attitude trouble de la femme d’Einar, désespoir de la narratrice, le tout est d’une très grande sensibilité et parfaitement rendu.

« Depuis ma prime jeunesse, je pensais que chacun, en ce monde, a son no man’s land, où il est son propre maître. Il y a l’existence apparente, et puis l’autre, inconnue de tous, qui nous appartient sans réserve. Cela ne veut pas dire que l’une est morale et l’autre pas, ou l’une permise, l’autre interdite. Simplement chaque homme, de temps à autre, échappe à tout contrôle, vit dans la liberté et le mystère, seul ou avec quelqu’un, une heure par jour, ou un soir par semaine, ou un jour par mois. Et cette existence secrète et libre se poursuit d’une soirée ou d’une journée à l’autre, et les heures continuent à se suivre, l’une l’autre.
De telles heures ajoutent quelque chose à son existence visible. A moins qu’elles n’aient leur signification propre. Elles peuvent être joie, nécessité ou habitude, en tout cas elles servent à garder une ligne générale. Qui n’a pas usé de ce droit, ou en a été privé par les circonstances, découvrira un jour avec surprise qu’il ne s’est jamais rencontré avec lui-même. On ne peut penser à cela sans mélancolie. Ils me font pitié, ceux qui, en dehors de leur salle de bains, ne sont jamais seuls. »

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