Le repas des hyènes de Aurélien Ducoudray (Scénario), Mélanie Allag (Dessin)

Catégorie(s) : Bande dessinée => Légende, contes et histoire

Critiqué par Blue Boy, le 13 décembre 2020 (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans)
La note : 7 étoiles
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Un conte africain alliant tradition et modernité

Dans un village africain, Kubé s’apprête à être initié par son père à un rite ancestral : nourrir les hyènes, dont le rire empêche les morts de se reposer. Kana, son frère jumeau, n’a pas été convié car il est venu au monde après Kubé. Mais Kana ne l’entend pas de cette oreille et entend bien faire mentir le destin, en affrontant lui-même le Yéban qui a pris l’apparence d’un hyène… L’esprit maléfique prétend s’être perdu et va ainsi exiger du jeune garçon qu’il l’accompagne vers une destination bien mystérieuse…

Cet album, qui voit collaborer pour la deuxième fois Aurélien Ducoudray et Mélanie Allag (dont c’est la deuxième bande dessinée), nous emmène cette fois dans l’Afrique des contes et des esprits. Les auteurs nous avaient subjugués il y a quatre ans avec « L’Anniversaire de Kim Jong-il », une plongée dans ce pays effrayant et coupé du monde qu’est la Corée du nord, à travers le témoignage d’un enfant de huit ans. Dans « Le Repas des hyènes », c’est une fois encore un enfant qui est mis en scène à travers un parcours initiatique empreint d’onirisme.

Si l’album est déjà en lice pour le prix jeunesse (12-16 ans) d’Angoulême, on ne peut s’empêcher d’être un brin perplexe. Est-ce juste parce que l’histoire met en scène un jeune enfant ? Pourtant, ce conte, par sa complexité et sa portée philosophique, peut parfaitement viser le public adulte et n’est en outre pas si facile d’accès. Le prolifique Aurélien Ducoudray a ainsi puisé dans un mythe dogon pour raconter l’histoire du jeune Kana, dont le frère jumeau Kubé, né juste avant lui, aura l’honneur d’accompagner son père pour nourrir les hyènes, dont le rire strident empêche les morts de se reposer. C’est ainsi que par un pacte commun, Kana va devoir guider un yéban, être surnaturel métamorphosé en hyène géante, vers un objectif inconnu qui ressemble étrangement aux enfers...

Une fois encore, on admirera le dessin naïf de Mélanie Allag pour qui la couleur n’est clairement pas envisagée comme une simple option. Ce n’est pas par hasard si l’on pense beaucoup au Douanier Rousseau, avec des ambiances à la fois sombres et chatoyantes qui savent évoquer tout le mystère et l’onirisme des nuits africaines. Vers la fin du récit, Allag va radicalement changer d’approche graphique pour décrire la séance initiatique du jeune Kana, laissant le lecteur à la fois totalement fasciné et désorienté au milieu d’un rêve cerné de cauchemars. On entre dans une dimension totalement surréaliste qui pourrait faire penser à une sorte de Dali psychédélique, c’est une expérience de lecture hors-normes.

Ce conte, qui honore avec sincérité le culte des ancêtres encore très prégnant dans l’Afrique d’aujourd’hui, est une alliance de merveilleux et de cauchemar. Il nous parle d’un continent qui a souffert, encore marqué par la colonisation mais qui n’a jamais renoncé à ses traditions, partie intégrante de l’âme africaine. On pourra toutefois déplorer le côté désordonné de la narration, qui aurait peut-être nécessité quelques clés à l’attention du béotien ne possédant pas une connaissance suffisante des us et coutumes propres à ce continent. Ducoudray a peut-être failli devant la puissance d’un projet trop ambitieux, et à l’image de Kana, qui confie à son amie la hyène qu’il n’a aucune idée de l’endroit où aller, s’est peut-être un brin égaré dans cette rêverie pourtant non dénuée de charme.

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