La Chine m'inquiète de Jean-Luc Domenach

La Chine m'inquiète de Jean-Luc Domenach

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Anonyme11, le 20 août 2020 (Inscrit(e) le 18 août 2020, - ans)
La note : 9 étoiles
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La Chine Communiste : du Totalitarisme de Mao Zedong..., à la Dictature de Hu Jintao !

Jean-Luc Domenach, grand spécialiste de la Chine contemporaine et Directeur de Recherche au CERI, nous présente une description à la fois claire et précise de la Chine Communiste en ce début de 21ème siècle. Cette Chine qui ne sait pas encore si elle doit faire perdurer le système Totalitaire Communiste de Mao Zedong, ou bien : se Démocratiser, se Libérer, et s’ouvrir totalement à cette économie mondialisée. Le hic, c’est qu’il est difficile de trancher sur cette alternative, puisque le Pouvoir Étatique est toujours constitué : du Parti-Unique Communiste Chinois (P.C.C.), représenté par Hu Jintao.
Depuis la mort de Mao et de sa Terreur de masse, la Chine est donc schizophréniquement contrainte d’exercer une danse perpétuelle, consistant à faire alternativement un pas en avant vers la Démocratie (mais sans jamais l’atteindre, loin de là !)…, puis un pas en arrière vers la Dictature…

Pour Jean-Luc Domenach, depuis la mort de Mao et l’arrivée au Pouvoir de Deng Xiaoping en décembre 1978, la Chine est progressivement passée du Communisme Totalitaire au Communisme Dictatorial. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la différence est bien réelle entre ces deux types de régimes Autoritaires, d’ailleurs fort bien décrite par l’auteur, à travers : l’Idéologie, les fonctionnements économiques, sociaux, etc., et surtout concernant la Terreur de masse sur la population, nettement moins élevée sous la Dictature actuelle de Hu Jintao, que sous le « règne » Totalitaire de Mao.
Il n’en demeure pas moins que ces deux formes de régimes sont tout autant détestables.

Dans un premier temps, Deng Xiaoping libéra de nombreux prisonniers politiques.
Puis, dans les années 80, tout en perpétuant et en continuant d’affirmer le Pouvoir du Parti Communiste Chinois, Deng Xiaoping commença à décentraliser l’économie et autorisa l’émergence d’un secteur non-Etatique, jusqu’au terrible écrasement de la manifestation pacifique de la Place Tian’anmen, le 4 juin 1989. Cette tragédie aurait pu menacer définitivement l’Etat-Parti-Unique Communiste Chinois. Mais la politique d’ouverture de Deng Xiaoping lui permit de continuer la transition du Totalitarisme Communiste de Mao vers cette espèce d’Autoritarisme Dictatorial, passant ainsi d’une Terreur de masse à une répression plus…, « sélective ».
Mais même si cette Terreur de masse s’est réduite depuis la mort de Mao, on estime (en attendant de pouvoir peut-être un jour pouvoir accéder aux Archives Chinoises) encore à quelques milliers voire dizaines de milliers de détenus politiques, enfermés dans les prisons et les camps de concentration, de travail et de rééducation du Laogaï Chinois (homologue du Goulag Soviétique).
L’usage du Droit par l’intermédiaire des Procès commence à se développer : les Tribunaux et Parquets tentent de faire en sorte que les Procès ne ressemblent plus à des caricatures des infâmes « Procès de Moscou » truqués, de l’aire Stalinienne.
En revanche, la peine de mort reste très répandue, car selon Amnesty International, il y aurait encore entre : 7 500 à 8 000 exécutions par an, en Chine !
La torture, officiellement interdite, est pourtant toujours régulièrement appliquée, de même que l’ignoble trafic d’organes des condamnés à mort, exécutés.

Pour Jean-Luc Domenach plusieurs indices démontrent ce passage du régime Totalitaire à la Dictature Communiste (page 22) :

« Le changement fondamental est que le Parti communiste a abandonné toute ambition de transformation globale. Les campagnes de masse se sont espacées et affaiblies, le quadrillage de la population s’est relâché et la surveillance de la vie privée a été abolie en milieu urbain. C’est ainsi que le 1er octobre 2003 a été supprimé à Pékin (après la plupart des autres villes), dans l’indifférence de presque toute la presse étrangère, un ressort essentiel du totalitarisme : l’obligation pour les candidats au mariage de présenter un certificat de bonne conduite dressé par leur unité, qui assurait aux comités du Parti un pouvoir sur la vie privée – de fait, les mutations de l’habitat et de l’organisation économique en réduisaient de plus en plus l’application. Peu après, tous les citadins ont reçu le droit à un passeport sans certificat préalable de la police ou de l’employeur. Ces deux mesures ont symbolisé la sortie définitive du système totalitaire. »

Malgré tout, la condition de la femme Chinoise reste toujours particulièrement exécrable, puisque la femme est toujours durement exploitée en tant que travailleuse et, qui plus est, en tant que « marchandise sexuelle ».

Un premier constat s’impose : de nos jours, les Droits de l’Homme sont toujours bafoués en Chine, notamment à cause des conditions de travail déplorables, voire inhumaines…
Par exemple récemment, en 2005, on comptabilisait : 127 000 décès lors d’accidents du travail !

La Censure, elle, est toujours omniprésente en Chine, puisque pour émettre des opinions en dehors du cadre familial, il faut se munir d’une infinité de précautions.
Les publications « non-conformes » sont également censurées et les dissidents au régime sont toujours contrôlés et réprimés.
Seuls vingt films étrangers par an reçoivent une autorisation de diffusion. Par contre, la littérature étrangère est beaucoup plus répandue que dans un passé encore récent.
Globalement, le régime Communiste Chinois détient toujours le contrôle de l’information : presse écrite, journaux télévisés…, mais l’État Communiste doit faire face au développement rapide des nouveaux moyens de communication, difficilement contrôlables, comme les téléphones portables et Internet.
Sur Internet, l’État Communiste tente de rerouter les moteurs de recherche Américains, tels que : Google, Yahoo et Live, via l’autarcique site du moteur de recherche Chinois : Baidu.
De plus, le Parti Communiste Chinois craint des possibilités de mouvements populaires organisés spontanément, grâce à ces nouveaux moyens de communication.

Quant à la corruption, elle est encore massive dans la société Chinoise, voire quasi généralisée : chez les dirigeants provinciaux, les mafias familiales, dans la police notamment via la prostitution, et bien évidemment au niveau de l’État avec ses oligarques (tels leurs homologues ex-Soviétiques !) du Parti Communiste Chinois.
Ce dernier agglomère de grandes familles fortunées qui sont à la tête des plus grandes entreprises du pays. Ces familles forment une sorte de système Aristocratique, ou plutôt de « classe plouto-bureaucratique ». Leur objectif étant de maintenir perpétuellement une forte pression sur le Peuple Chinois, afin que ces oligarques puissent préserver leurs intérêts et privilèges. Comme souvent dans les régimes : Totalitaires, Monarchiques, Autocratiques et Dictatoriaux, ces oligarques se transmettent le Pouvoir par népotisme, de générations en générations… C’est le cas actuellement par exemple pour des proches, voire de la famille de Mao Zedong, ou par exemple, une fille de Deng Xiaoping récemment élue au Comité Central du Parti Communiste Chinois. C’est également le cas du fils de Hu Jintao, Hu Haifeng, qui dirige une grande entreprise.
Ou bien encore, Xi Jinping, fils de Xi Zhongxun, un dirigeant qui fut purgé par Mao, et ancien responsable politique sous Deng Xiaoping. En effet, Xi Jinping est l’un des successeurs favoris pour remplacer Hu Jintao.

Comme nous l’avons vu plus haut, l’État Dictatorial ne se contente plus de réprimer, désormais, il ouvre le pays à l’économie et cela engendre une difficulté incontournable pour cet Etat-Parti-Unique : l’autonomisation de l’individu et donc le développement de la Liberté individuelle et privée (page 36) :

« Mais dès lors que l’accent principal se déplaçait du champ politique vers le champ économique, le peuple gagnait de l’importance. Il cessait d’être une masse informe d’individus mobilisables et corvéables à merci pour devenir un ensemble nécessaire – donc respectable – de producteurs et de consommateurs, dont il fallait reconnaître l’individualité. Cet individu nécessaire, il ne fallait pas seulement le contrôler et l’éduquer, mais le respecter et s’adresser à lui… »

Bref, le Peuple Chinois est moins réprimé que sous Mao : il se nourrit mieux, son logement est de meilleur qualité, ses loisirs plus variés ; mais il ne vit toujours pas dans…, une Démocratie.

Le Peuple Chinois n’a toujours pas accès au syndicalisme libre, ni à la politique, et il existe historiquement en Chine une grande inégalité entre les villes et les campagnes. Cette grande disparité fut perpétuée par Mao Zedong : les écarts dans les revenus vont de 1 à 3,2.
De plus, dans cet immense pays d’un milliard trois cent millions de citoyens (représentant à lui seul 20 % de la population mondiale), l’inégalité entre les riches et les pauvres est considérable (page 42 et 43) :

« Ainsi, les 20 % les plus défavorisés de la population ne se partagent-ils que 2,75 % du revenu national. En revanche, la Chine possède 66 milliardaires et 440 000 millionnaires en euros, ce qui la place au cinquième rang du monde, devant la France et l’Italie, alors que 300 millions de ses habitants vivent avec moins de un dollar par jour. »

Puis, Jean-Luc Domenach nous présente le positionnement de la Chine sur les plans : social et économique, par rapport à certains pays Européens (pages 69 et 70) :

« La première est que l’on oublie trop souvent que la Chine comprend plus d’un milliard trois cent millions d’habitants : plus de quinze fois la population de l’Allemagne, qu’elle vient seulement de dépasser dans la hiérarchie économique mondiale. Ainsi ignore-t-on que près de la moitié de la population chinoise vit avec moins de 8 dollars par jour, que son revenu moyen est trente fois inférieur à celui des Français, et que l’indice du développement humain classe la Chine au… quatre-vingt-dix-neuvième rang mondial ! »

Pour couronner un tableau déjà peu réjouissant sur la situation générale en Chine, les problèmes liés à l’environnement et à la pollution sont catastrophiques (pages 71, 72 et 73) :

« En outre, l’économie chinoise dévore 40 % du ciment, 31 % du charbon et 27 % de l’acier mondiaux. Les mines de charbon sont exploitées sans précaution, si bien que les incendies souterrains consument chaque année 200 millions de tonnes : presque quatre fois la production charbonnière annuelle de la France à son apogée !
(…) Le problème vient principalement d’une exploitation industrielle effrénée, dénuée de toute précaution, et secondairement de modes de chauffage (au charbon !) et d’équipement également inconsidérés – par exemple l’isolation et l’aération très insuffisantes de l’habitat dans des climats souvent très froids l’hiver et étouffants l’été. Seize des vingt villes les plus polluées au monde sont chinoises et le spectacle que certaines d’entre elles donnent (par exemple Chongqing, ou Lanzhou, dans leurs cuvettes) est proprement hallucinant. Le tiers des cours d’eau sont gravement souillés, 190 millions de personnes souffrent d’affections dues à la consommation d’une eau insalubre et 400 000 en meurent chaque année.
(…) On estime que les émissions chinoises de dioxyde de carbone devraient dépasser en 2009 celles des Etats-Unis, en bonne partie car la Chine tire encore 60 % de son électricité de centrales à charbon. D’ores et déjà, la pollution industrielle coûte au pays de 8 à 12 % de son PIB. »

Après une croissance depuis plusieurs années avoisinant les 10 %, la baisse prévisible du taux de croissance de l’économie Chinoise, due au contexte de crise économique mondiale, risque de mettre le Pouvoir du Parti Communiste Chinois en très mauvaise posture.
Qui plus est, l’économie Chinoise développant lentement ses salaires commence à voir des investisseurs étrangers, cyniquement, se tourner vers la nouvelle concurrente économique en voie de développement : l’Inde. De plus, l’économie exportatrice Chinoise est de plus en plus confrontée à sa mauvaise réputation concernant : les défauts de qualité sur ses produits, notamment lorsque cela met en cause des jouets défectueux destinés aux enfants, les produits alimentaires de mauvaise qualité, ainsi que les innombrables contrefaçons, etc.. Sans parler de l’autre mauvaise réputation de la Chine à propos de sa fâcheuse tendance à voler les procédés de fabrication et d’effectuer de l’espionnage industriel.

Ce Peuple Chinois qui n’a pas encore atteint le stade de la Démocratie, mais qui est de mieux en mieux informé sur le reste du monde, et qui de surcroît, commence à prendre conscience de la barbarie que fut le Totalitarisme Communiste Maoïste, et donc à s’approprier sa propre Mémoire : ce Peuple donc, pourrait envisager une révolte et pourquoi pas…, une Révolution !

Un seul petit regret : après cette passionnante lecture sur la Chine, je trouve cependant qu’il manque un chapitre essentiel sur la persécution du Pouvoir Communiste Chinois, de nos jours, au Tibet.

En résumé :
– Soit le système Communiste Chinois finira par s’ouvrir totalement dans les domaines : des Droits de l’Homme, économique, social, du pluralisme politique, etc., et cela devra donc inévitablement passer à terme par la disparition du régime Communiste Dictatorial encore en place ;
– Soit le Pouvoir Chinois se renfermera sur lui-même en tentant de refonder les piliers du Totalitarisme Communiste. Mais comme nous venons de le voir, cela sera certainement considéré comme un acte totalement inacceptable pour un Peuple qui a commencé à goûter aux prémisses du Libéralisme, et de la Liberté individuelle.
Dans cette seconde hypothèse plus pessimiste et malgré tout, espérons-le, peu probable : une révolte, une insurrection, voire…, une Révolution pourrait alors advenir…

Malheureusement, quoi qu’il en soit, la Démocratie en Chine ne semble pas au programme avant de nombreuses années, peut-être même…, des décennies. En effet, face à un Pouvoir Communiste Dictatorial toujours fort et capable d’une répression implacable, le tout combiné à une faible dissidence politique : alors la marge de manoeuvre du Peuple Chinois reste encore extrêmement réduite…

Confer également d’autres ouvrages aussi passionnants sur le même thème :
– Nien Cheng Vie et mort à Shanghai ;
– Thierry Wolton Le grand bluff chinois : Comment Pékin nous vend sa « révolution » capitaliste ;
– Harry Wu Laogai. Le goulag chinois ;
– Jean Pasqualini Prisonnier de Mao; Sept ans dans un camp de travail en Chine.

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Les éditions

  • La Chine m'inquiète [Texte imprimé] Jean-Luc Domenach
    de Domenach, Jean-Luc
    Perrin / Collection Tempus
    ISBN : 9782262029951 ; 8,00 € ; 05/03/2009 ; 288 p. ; Poche
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