Les Indes fourbes de Alain Ayroles (Scénario), Juanjo Guarnido (Dessin)

Catégorie(s) : Bande dessinée => Légende, contes et histoire

Critiqué par Blue Boy, le 22 septembre 2019 (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 563ème position).
Visites : 3 896 

Un blockbuster de rentrée à l’esprit conquérant !

Alain Ayroles nous a concocté ici un scénario aux petits oignons, qui est en fait la continuation du roman picaresque « El Buscón (Vie de l’aventurier Don Pablos de Ségovie) », signé d’un certain Francisco de Quevedo, figure majeure des lettres ibériques au XVIIe siècle. A la fin du livre, qui se situait en Espagne, l’écrivain annonça une suite qui ne vit jamais le jour. Le créateur de « Blacksad » avait toujours été fasciné par ce classique de la littérature espagnole. Quant à Alain « DCEDC » Ayroles, il envisageait de raconter les aventures de Don Quichotte dans le Nouveau monde. C’est donc tout naturellement que les deux auteurs ont conçu ce projet haut en couleurs.

Dans un style littéraire soigné, Ayroles fait s’exprimer le narrateur principal, qui n’est autre que Pablos, en s’inspirant du langage de l’époque. L’histoire est extrêmement bien construite, respectant la linéarité du roman picaresque, avec plusieurs récits enchâssés au sein du récit central. C’est sans relâche que nous suivons les péripéties de Pablos, personnage ambigu qui suscite autant la pitié que la répulsion, même si cette fripouille pour le moins rusée a des raisons de vouloir s’extirper de sa condition sociale calamiteuse. Le twist final est juste ahurissant, mais l’auteur parvient à le rendre crédible de façon subtile, avec une ironie totalement subversive contre tous les puissants de ce monde. Du reste, le propos de cette saga au souffle épique reste tout à fait transposable à nos sociétés contemporaines, où la misère la plus noire côtoie plus que jamais la richesse la plus obscène.

Juanjo Guarnido de son côté ne fait que, preuve s’il en fallait, confirmer son talent, quand bien même les animaux ont repris ici leur rôle de figurants silencieux… De « Blacksad », les humains ont conservé le sourire carnassier ou les yeux de chien battu selon les cas. Pour le reste, le dessinateur espagnol nous emmène littéralement au cinéma, tant la représentation des paysages de l’Altiplano et de l’Amazonie est époustouflante. Le passage décrivant la découverte de l’Eldorado par Don Diego et ses hommes est à couper le souffle. Confessant s’être rendu au Pérou pour parvenir à un rendu le plus réaliste possible, Guarnido n’a utilisé que des couleurs directes, à l’aquarelle, et le résultat est somptueux.

A n’en pas douter, « Les Indes fourbes » s’impose d’emblée comme une réussite et rencontrera le succès, plus que mérité. Cela apparaît presque comme une évidence quand on sait que ces deux auteurs talentueux avaient l’envie de travailler ensemble. Cette brillante épopée, qui prouve que l’alchimie entre les deux hommes a parfaitement fonctionné, figurera non seulement parmi les meilleurs albums de 2019 mais également au panthéon du neuvième art.

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Fantastique!

10 étoiles

Critique de Vince92 (Zürich, Inscrit le 20 octobre 2008, 47 ans) - 3 mai 2021

Les extraits parus sur internet laissaient deviner un album réalisé à la perfection au niveau graphique. Pas de surprise de ce côté là... Guarnido réalise une véritable oeuvre d'art.
Dans un grand format de bon aloi, le dessinateur de Blacksad (que je ne connais pas...) et considéré comme l'un des meilleurs de sa génération réalise une prestation hors-norme: tant les dessins des décors, que ceux des personnages sont parfaitement réussis. La mise en couleur de ce travail remarquable bénéficie également d'un traitement particulièrement abouti.
Mais un bon dessin n'est rien s'il ne sert pas un bon scénario: combien de bonnes voire de très bonnes réalisations graphiques peinent à relever un scénario indigent, notamment sur les productions récentes: il semble plus facile de trouver de bons dessinateurs que des conteurs d'histoires.
Mais avec Ayroles, cet album parvient à entraîner le lecteurs dans une histoire palpitante au cours de laquelle le jeune Pablos de Ségovie va effacer peu à peu les certitudes, brouiller le récit, rebattre les cartes de son destin pour atteindre le plus grand!
Maîtrisant avec brio les enchevêtrements temporels, Ayroles ballote son lecteur d'une époque de la vie de Pablos à l'autre avant de conclure son histoire de la façon la plus inattendue. Artifice se plaignent certains critiques, superbe conclusion pensé-je. Un récit si caricatural, si merveilleux ne pouvait se terminer que de la plus belle des manières.
Sorti en 2019, cet album sera sans doute mon coup de coeur de 2021 tant il a renouvelé mon plaisir à lire de la bande dessinée...! Enchanté je suis...

Itinéraire d'un vaurien

9 étoiles

Critique de Kostog (, Inscrit le 31 juillet 2018, 52 ans) - 14 janvier 2021

Combien de fois n'avons-nous pas tourné la dernière page d'un album de bande dessinée en regrettant qu'un si beau dessin ait été gâché par une si mauvaise histoire. Le scénariste Alain Ayroles, bien connu pour sa série De Cape et de Crocs aux dialogues savoureux et pleine d'humour, fait mentir fort heureusement ce travers récurrent de la BD. Il se distingue ici de certains de ses confrères dont la prolixité n'a d'égal que le caractère bâclé de leurs scénarios, par une construction narrative qui comblera les plus exigeants.

L'excellente idée de la continuation du roman picaresque El Buscón (Vie de l’aventurier Don Pablos de Ségovie) de Francisco de Quevedo Villegas y Santibáñez Cevallos (pour n'oublier aucun patronyme!) lui permet à la fois de piocher dans le roman pour certaines scènes concernant l'enfance, la vie d'étudiant et la famille de cette fripouille de héros et de laisser libre cours à son imagination pour la partie se déroulant aux Amériques et pour la fin. Le récit à tiroirs est diablement bien conçu et constitue un plaisir de l'esprit pour les lecteurs appréciant les retournements de situations et de points de vue.

Si ce modèle d'arriviste sans scrupule qu'est Pablos fait sourire par ses mésaventures, Alain Ayroles reprend à son prédécesseur du début du XVIIe siècle son regard sans concession vis-à-vis de la fourberie et des tours peu recommandables de son anti-héros. C'est un trait qui le démarque de ses homologues français dont la friponnerie est brossée de manière plus positive. Ici, presque tous les personnages en prennent pour leur grade, la farce allant jusqu'au grotesque.

Ce récit complexe et truculent est magnifiquement servi par la flamboyance du dessin de Juanjo Guarnido. Les auteurs ont fait le choix d'une histoire complète (« un coup unique » pour ne pas utiliser l'expression anglaise en vigueur) dans un grand format de 160 pages découpées en trois parties.

Guarnido est un as pour ce qui est de l'expressivité de ses personnages, les animaux, sous cet angle, étant aussi bien traités que les humains. Que l'on soit dans les Andes ou dans la jungle amazonienne, les couleurs directes font merveille, les paysages sont resplendissants. En ville et dans les campements, les jeux d'ombres sont remarquables. Que ce soit pour dessiner une forêt équatoriale exubérante, les bas fonds d'une vieille ville d'Espagne ou les détails d'un bateau, Guarnido semble partout à l'aise. Cerise sur le gâteau, les représentations des tableaux de l'époque que le dessinateur s'amuse à introduire dans le récit fournissent encore un miroir aux clins d'oeil historiques du récit. Bref, il y a une belle somme de travail et de documentation derrière tout cela et le succès de l'album a tout de mérité.

De la belle ouvrage et un superbe hommage au roman picaresque espagnol.

Les excellentes fourberies de Pablos

10 étoiles

Critique de Faby de Caparica (, Inscrite le 30 décembre 2017, 63 ans) - 9 octobre 2019

"Les Indes fourbes" BD d'Ayroles et Guarnido (160p)
Ed. Delcourt.

Bonjour les fous de lectures...
Avant de présenter cette excellente BD, voici un petit rappel historique:
Dans l'Espagne du siècle d'or, en 1626, est apparu un roman picaresque "Le Buscon". Francisco de Quevedo y raconte de façon truculente la vie d'un vaurien, d'un gueux.
A la fin de ce roman, le héros s'embarque pour les Indes.
Quevedo annonce une suite de ses aventure, il ne les écrira jamais….
La voici sous forme de BD.
Tout y est excellent aussi bien l'histoire, racontée de façon pertinente, que le graphisme d'une grande finesse.
Pablos est un brigand, une fripouille de la pire espèce : menteur, arnaqueur, escroc de première catégorie.
Dès son plus jeune âge, il a reçu un sage conseil de son père : "tu ne travailleras point".
Mais quand on nait gueux, il faut redoubler de ruse pour respecter la consigne familiale.
C'est alors que ses pas vont le mener vers" les Indes " , lieu de tous des fantasmes pour les aventuriers .
L'Eldorado.
Savourez chaque détail des dessins, chaque réplique.
De la belle aventure qui donne envie de découvrir le roman dont les auteurs se sont inspirés .
Je recommande vivement cette BD qui fera une bonne idée cadeau pour vos fêtes de fin d'années.
Valeur sûre .. impossible d'être déçu.
Amateurs de bulles, ne passez pas à côté

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